Avec « Julieta », Pedro Almodóvar réalise un beau film sur le pouvoir corrosif du sentiment de culpabilité.
À l’âge de cinquante ans, Julieta (Emma Suárez), veuve depuis vingt ans, tente de refaire sa vie avec Lorenzo (Dario Grandinetti). Elle a emménagé dans un nouvel appartement dont elle a évacué le moindre souvenir. Elle envisage de partir vivre au Portugal avec son compagnon.
Mais son projet de repartir à zéro s’effondre lorsqu’elle rencontre une amie d’enfance de sa fille Antía dont elle est, depuis de longues années, sans nouvelles. Antía vit en Suisse, elle a trois enfants. Le passé dont elle pensait pouvoir faire table rase s’engouffre comme un torrent dévastateur. Ce qu’elle a voulu mettre sous le tapis, c’est le sentiment d’avoir causé la mort de son mari, Xoan (Daniel Grao).
Le film s’ouvre par la rencontre, dans un train, de Julieta (Adriana Ugarte) et Xoan. Un homme tente de lier conversation avec Julieta, mais celle-ci refuse le contact et se réfugie dans la voiture bar, où se trouve Xoan. Après un arrêt en gare, l’homme se suicide en se jetant sous le train. Julieta se reproche de ne pas avoir accepté de parler avec lui : n’aurait-elle pas pu lui sauver la vie ? L’événement précipite la rencontre amoureuse de Julieta et Xoan, mais la marque aussi d’un sceau indélébile de culpabilité.
La faute qui précipite le destin est minime, une conversation esquivée, une dispute conjugale. Mais elle met en branle une mécanique perverse et d’autant plus létale que les choses ne sont pas dites et que les plaies suppurent sous les pansements laborieusement empilés.
« Julieta » est un beau film dont le moindre aspect est travaillé, du son de la voix (magnifique langue espagnole !) au cadrage des images et à l’usage des couleurs (rouge !)