Au cours de la célébration de funérailles de mon cousin Jean-Louis, un poème de William Blake, « le Voilier », a été lu.
Jean-Louis est mort des suites d’un cancer au seuil de ses 64 ans. L’une de ses passions était la voile. Le poème de William Blake en était une évocation.
Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l’Océan.
Il est la beauté et la vie.
Je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Quelqu’un à mon côté dit « il est parti ».
Parti vers où ? Parti de mon regard, c’est tout.
Son mât est toujours aussi haut.
Sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi, pas en lui.
Et, au moment où quelqu’un auprès de moi dit : « il est parti »,
Il y en a d’autres qui,
Le voyant poindre à l’horizon et venir vers eux,
S’exclament avec joie : « le voilà ».
Ce poème exprime la confiance en l’existence d’un au-delà, réaffirmée par le prêtre qui célébrait les funérailles, non sans un point d’interrogation. Il cita Bernanos : « la foi, c’est vingt quatre heures de doute dont une minute d’espérance. » Il dit aussi que ce qui fait sens dans une vie, c’est de donner de l’amour. Il n’y a probablement pas besoin de croire en la vie éternelle pour croire en l’éternité de l’amour.
Après la cérémonie, une cinquantaine de membres de la famille, venus pour certains de loin, se sont retrouvés dans une salle paroissiale de la banlieue de Lille pour partager des canapés, des petits fours et un gobelet de vin ou de Pepsi-Cola. Jean-Louis est parti, mais c’est en son nom que nous avons parlé de vos vies, de nos passions et de nos proches. Nous faisions mine de regretter qu’il fallût un deuil pour nous rapprocher. En vérité, c’est l’absence de Jean-Louis qui rendait nécessaire notre rapprochement. Notre rencontre était le cadeau qu’il nous laissait, elle était l’hommage que nous lui rendions.
Photo : Putti pleurant, dans l’église baroque de Bambecque, Nord.