Frères Musulmans

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L’opinion française est partagée  sur la question de la légalisation de la Confrérie des Frères Musulmans en Egypte.

Il y a quelques jours, le sondage en ligne du Monde soumettait aux lecteurs la question suivante : « En Egypte, estimez-vous que l’idée de rendre légale la Confrérie des Frères Musulmans, interdite par les pouvoirs publics depuis 1954, serait à l’heure actuelle indispensable, nécessaire, inutile ou dangereuse ? »

Je me suis empressé de répondre que je la crois indispensable. Je me suis trouvé minoritaire. Au total, 43,2% des lecteurs consultés considérait cette légalisation dangereuse et 4,9% inutile ; 34,2% des lecteurs la considérait nécessaire ; seuls 11,7% partageaient mon avis.

La crainte du péril islamique n’est pas nouvelle. En 1992 déjà, j’avais considéré comme une catastrophe l’interruption du processus électoral par l’armée algérienne pour prévenir l’accession au pouvoir du Front Islamique du Salut ; je craignais la guerre civile, qui en effet s’est produite. Beaucoup de mes amis pensaient au contraire qu’il fallait sauver les Algériens même contre leur gré ; qu’on entrait dans la république islamique par les urnes, mais qu’on ne sortait jamais d’une théocratie ; qu’un régime islamique imposerait une effroyable régression sociale, surtout aux femmes ; qu’un gouvernement islamique compliquerait encore davantage l’inextricable situation entre Israël et Palestine ; qu’un tel gouvernement serait incontrôlable et menacerait l’approvisionnement des pays avancés en gaz et en pétrole.

Les mêmes arguments sont avancés aujourd’hui en Egypte. Un régime autoritaire est jugé comme un moindre mal, on voudrait simplement qu’il utilise moins systématiquement la torture et la répression, qu’il traite les questions sécuritaires avec plus de professionnalisme et moins de brutalité. On demande à la société civile, qui vit à l’heure d’Internet et sait ce qui se passe dans le monde, d’être patiente, de tolérer la corruption, d’accepter le bayon. On lui vante la démocratie, mais on lui refuse le droit de s’affranchir de ses tyrans.

Les révolutions ne sont jamais pures, elles charrient avec elles le meilleur et le pire, mais elles enfantent l’avenir des peuples. Les prévenir sous la chape de plomb de régimes étouffants génère l’amertume, la frustration et finalement l’extrémisme religieux. Il faut d’urgence faire entrer dans le jeu politique toutes les forces vives de la société civile. Rendre légale la Confrérie des Frères Musulmans, interdite par les pouvoirs publics égyptiens en 1954, est décidément indispensable.

Photo The Guardian : un manifestant blessé lit le Coran Place Tahrir, au Caire.

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