Le Cirque de Cilaos, l’un des trois effondrements spectaculaires de l’Ile de La Réunion, est depuis près de deux siècles un lieu de remise en forme.
Comme les Cirques de Mafate et de Salazie, celui de Cilaos n’a rien d’homogène. Le bourg de Cilaos est séparé des « îlets » de Palmiste Rouge, Bras Sec ou Ilet à Cordes par de profondes ravines et d’abrupts escarpements. Mais l’ensemble est enclos par de gigantesques falaises verticales couvertes de végétation, les « remparts » qui le séparent des deux autres cirques et du massif du Piton de la Fournaise.
En cette belle journée de novembre, les randonneurs affluent sur les sentiers. Une grande majorité est composée de personnes de troisième âge, mais on trouve aussi des jeunes couples, parfois accompagnés de petits enfants. Plutôt sec, escarpé, baigné de senteurs tropicales, traversé de torrents, le Cirque de Cilaos est un paradis pour le tourisme de remise en forme. Ce qui est remarquable, c’est qu’il en est ainsi depuis près de deux siècles.
Jusqu’au dix-huitième siècle, les pentes inaccessibles du Cirque servirent de refuge aux « noirs marrons », les esclaves échappés des domaines coloniaux. Dès 1835 pourtant, des Réunionnais fortunés vinrent à Cilaos pour une cure thermale dans un lieu qui offrait aussi, du fait de son altitude (1200m), une fraîcheur bienvenue. Dans « Une île tout en auteurs » (Editions du Boucan 2006), on lit : « pour venir boire ces eaux, il fallait alors emprunter, jusqu’à l’ouverture de la route carrossable en 1932, l’impressionnant sentier tracé à franc de falaises par l’ingénieur Guy de Ferrières. Pour plus de confort et de sécurité, on s’y faisait transporter en chaise à porteurs ; de deux à six hommes (selon le poids du client et l’inclinaison de la pente) se relayant tous les deux kilomètres. Le voyage durait en moyenne sept heures. En 1900, sur cent cinquante porteurs, cinquante étaient cilaosiens. »
Accéder au Cirque de Cilaos en voiture depuis Saint Louis prend environ une heure. Il faut négocier plus de 400 virages et franchir de nombreux passages, dont deux tunnels, où les véhicules ne peuvent se croiser. Le temps des chaises à porteur est révolu, les curistes on cédé le pas aux randonneurs, mais l’objectif de la visite à Cilaos reste le même qu’il y a un siècle et demi : respirer, transpirer, se remettre en forme.
La présence des curistes et l’inaccessibilité du lieu avaient suscité autrefois le développement de cultures vivrières, et même de la vigne et du vin. Angèle MacAuliffe avait créé un atelier de broderie dont les produits, les Jours de Cilaos, sont devenus connus bien au-delà de l’Ile de La Réunion. Aujourd’hui aussi, la population des touristes constitue le principal débouché de l’économie locale : les lentilles « pays » se vendent à €14 le kilo, le prix des dentelles est un multiple de celles produites à Madagascar et le vin, bien qu’encore médiocre malgré de constants progrès, coûte autant qu’un Bordeaux. Les randonneurs sont reconnaissants à Cilaos pour l’intense bonheur que procurent ses sentiers et ses paysages à couper le souffle ; ils veulent emporter avec eux un peu de ce bonheur.