Dans le quotidien The Guardian du 17 novembre, Tobias Jones raconte comment sa femme et lui ont décidé de créer un refuge communautaire pour des personnes en crise.
Tobias Jones, jeune écrivain free-lance marié à une Italienne et père de deux petites filles, se lance dans une aventure. Avec sa femme, ils viennent d’acheter une ferme et une forêt de 4 hectares dans le Somerset. Ils ont le projet d’y créer un refuge communautaire pour des personnes meurtries par la vie, marginaux, drogués, paumés qui cherchent à se reconstruire après un échec ou une séparation.
Ils ont passé cinq ans à définir leur projet et à visiter des communautés : l’Arche, Emmaüs et, en Angleterre, Pildon, entre autres (http://www.pildon.org.uk/). Il repose sur l’idée que le Sermon sur la Montagne, les Béatitudes, peut vraiment être un manifeste pour la vie. On accuse parfois ces communautés d’être des ghettos, mais c’est l’inverse : ce sont des lieux qui ouvrent grand les portes à ceux qui sont normalement exclus. Ce sont des lieux où il y a une vraie pluralité et une hospitalité radicale, où les non-invités sont bienvenus et ont leur place à table.
Ils ont choisi l’exploitation forestière pour éviter les contraintes de l’élevage : ils veulent pouvoir se réunir avec leur famille italienne. Le bois leur fournira l’énergie de leur chauffage, de matériel pour produire des meubles et des charpentes, et, entre les noix et les baies, une partie de leur alimentation. Ils commenceront petit, ne recevant au départ que deux ou trois « réfugiés ».
Ce que Tobias dit au sujet de ses enfants mérite d’être cité. « Nous faisons cela aussi, assez curieusement, pour nos enfants. Des amis sceptiques sur notre projet sont effarouchés à la pensée que nous faisons un pari si risqué avec de petites filles à charge. Et nous savons que, malgré toutes sortes de sauvegardes, elles seront exposées à la rudesse de la vie. Mais nous n’avons jamais voulu que nos enfants soient élevés du côté privilégié de la société. Nous souhaitons exactement l’inverse. Nous ne voulons pas prétendre que la vie est une douce brise et les isoler de la souffrance. Nous voulons qu’ils la voient tôt et qu’ils apprennent ce que l’on peut faire pour l’atténuer (…) Nous souhaitons qu’ils commencent à apprendre, au fil des années, ce que sont l’addiction, le déracinement, le deuil, la pauvreté ou la prison. Cela nous semble plus important qu’un 20/20 ou un diplôme. »
Le témoignage de Tobias m’émeut, car il relève d’une tradition communautaire séculaire mais très vivante dans l’après soixante-huit et qui représente un défi à l’idéologie des vainqueurs : « nous en sommes venus à croire à la survie des plus faibles, pas simplement des plus adaptés. »
(Photo le Guardian. Lien www.guardian.co.uk/lifeandstyle/nov/17/tobias-jones-woodland-commune)