Canal+ a récemment diffusé ADN, film réalisé par Maïwenn en 2020, dont la carrière en salle fut interrompue par la crise de la Covid.
Lorsque meurt dans un Ehpad Emir Fellah (Omar Marwan), sa famille est bouleversée. Cet homme profondément bon était devenu, malgré l’Alzheimer, le point d’appui d’une famille déchirée.
Neige (Maïwenn) ne se console pas de la disparition de ce grand-père qui l’a, en partie, élevée. Il va lui falloir affronter sa mère Caroline (Fanny Ardant), une femme toxique habituée aux provocations et qui récidive pendant la cérémonie au funérarium. Elle devra aussi se frotter à son père Pierre (Alain Françon), qui vit dans le monde clos de son appartement au milieu de grands serpents. Elle cherchera à se rapprocher de sa sœur Lilah (Marine Vatch) dont les haines familiales l’ont éloignée.
La première partie du film est consacrée au deuil. Le scénario a été coécrit avec Mathieu Demy, qui venait de perdre sa mère Agnès Varda. « On a partagé ce sujet de la perte, dit Maïwenn : comment gérer le deuil d’un point de vue émotionnel, mais aussi toute la logistique que cela implique et qui est la partie drôle du film : les croque-morts, le service des pompes funèbres, les aides-soignants de la maison de retraite, les horaires à respecter mais aussi le choix du cercueil, du genre de la cérémonie, des gens qu’on invite, etc. »
Écrasée par le chagrin, Neige se raccroche au passé comme à une planche de salut. Elle souscrit à un service en ligne américain proposant une cartographie de l’origine ethnique des clients par leur ADN. Le résultat la déçoit. Elle est issue de plusieurs groupes ethniques. Elle décide de s’accrocher à l’une de ses origines : l’Algérie, le pays de son grand-père Emir.
La famille est divisée. Certains ont choisi de tourner le dos à l’Afrique du Nord pour devenir français à 100%. Emir était-il musulman ? Ses funérailles doivent-elles passer par la mosquée ? Neige, à la recherche de ses racines, découvre que son prénom résulte d’un compromis : elle devait s’appeler Nedjma, comme l’héroïne du chef-d’œuvre de Kateb Yacine. Sa thérapie consistera à devenir algérienne. Les derniers plans du film la montrent, heureuse, parmi la foule des manifestants du Hirak à Alger.
« ADN » a suscité parmi les spectateurs, des réactions opposées, du rejet catégorique à l’admiration. J’ai aimé ce film. Certaines scènes me resteront en mémoire : celle où les deux sœurs, Caroline et Françoise (Caroline Chaniolleau) se disputent sur le choix du bois du cercueil, face à l’employée des pompes funèbres interloquée ; celle où Caroline remet à Neige l’urne contenant les cendres d’Emir, et où cette dernière lui dit « je t’aime mais tu me fais peur et tu me fais horreur » ; celle enfin où François (Louis Garrel), un ami de longue date de Neige, dit à l’un des garçons de celle-ci devant le cercueil d’Emir « papy aurait été content, il avait toujours rêvé d’aller en boîte ! »
« ADN » est un film à fleur de peau, où l’expression des sentiments est violente, des larmes au rire, du désespoir au désir de sérénité.