Sous le titre « une âme de défricheur », le Quotidien de la Réunion a consacré le 8 décembre un article à Sergio Victoire, 45 ans, agriculteur dans le Cirque de Salazie et président du Groupement d’approvisionnement des agriculteurs d’Hell-Bourg. Sergio est devenu, depuis quelques années, un pionnier de l’agriculture biologique. Son exploitation a été citée en exemple par EcophytoPIC, le portail du Ministère de l’Agriculture pour la protection intégrée des cultures pour produire autrement en limitant l’usage des produits phytosanitaires.
Citons l’article d’EcophytoPIC. « Sergio Victoire est un chanceux. Dans les années 1990, il implante son exploitation maraîchère au cœur du Cirque de Salazie, poumon vert de la région, vallée luxuriante idéale pour la culture de bananes et de chouchous (aussi appelé cristophine ou chayotte). Un cadre de travail pour le moins idyllique, où le cultivateur a longtemps mené une agriculture intensive.
Contre la mouche des légumes
« Lorsque ma génération a débuté dans la profession, la règle était de produire à tout prix, de désherber massivement les parcelles pour un meilleur rendement », se souvient Sergio Victoire. « Mais nous avons abusé de ces techniques. Aujourd’hui, j’ai pris un virage radical dans ma façon de produire. »
Un virage que l’agriculteur opère fin 2009, persuadé qu’il existe des méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, meilleures pour la santé humaine et pour l’environnement.
« Cette année-là, je me suis lancé dans un essai avec le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique et pour le développement) et j’ai suivi le projet Gamour (Gestion agroécologique des mouches des légumes à la Réunion), pour maîtriser les mouches des légumes. »
En pondant leurs œufs dans les chouchous, les mouches des légumes peuvent détruire jusqu’à 60% des récoltes. Elles sont un véritable fléau sur les exploitations légumières de l’île. Une des techniques du projet Gamour consiste à isoler les chouchous infestés dans une tente, pour éviter que les œufs qui y sont pondus ne donnent naissance à des centaines de mouches. De cette tente, les mouches ne peuvent pas sortir mais des auxiliaires de culture (des petites guêpes, surtout), sont capables d’y entrer et de détruire les larves.
Une méthode qui donne un second souffle à tout l’écosystème de l’exploitation : dans le but de faire revenir les auxiliaires de culture, Sergio Victoire a arrêté de désherber sous les treilles. En préférant un enherbement naturel maîtrisé, il aide les sols à se repeupler et ralentit leur érosion. Aujourd’hui, au bout de trois ans, le maraîcher a réussi à éliminer 95% des mouches qui piquent sur son exploitation ; il n’utilise plus aucun pesticide et espère obtenir un agrément d’agriculture biologique courant 2013. »
Innovation
Dans Le Quotidien de la Réunion, Mady Lebeau évoque la personnalité de « défricheur » de Sergio Victoire. Il organise des voyages d’étude. Il y a une quinzaine d’années, il ramène d’un de ces voyages des techniques pour améliorer la culture de la pêche. Salazie produit alors des centaines de tonnes de ce fruit. Mais les arbres vieillissent, il faut les arracher pour laisser la terre se reposer.
D’un voyage d’études dans le sud de la France et en Espagne, il ramène la culture sous serre. « C’est aujourd’hui la nouvelle vague dans le cirque. En sept ans, nous avons multiplié les cultures sous abri. De la tomate et des fleurs. Nous avons désormais, facilement, cinq hectares de serres ».
« Cette passion de l’expérimentation ne le quitte plus. Seul, il a lancé des vergers de kaki. Il l’a découvert en Australie. Ses 1.800 pieds arrivent en production. Il pousse ses adhérents vers la culture hydroponique (hors-sol) du cresson pour cesser la pollution des ravines. Il vise le fruit de la passion qui trouve à Salazie une terre de prédilection. Il pense à un élevage de cervidés pour désherber naturellement les vergers. »
Le Quotidien cite Sergio Victoire : « Zot va arrête dire que le ti yab des hauts lé au chômage. Cèt y vive dans zot cube de béton en bas, y faut zot y reconnaît que c’est nou y donne à zot manger. Et in manger de qualité ». (Vous allez arrêter de dire que le plouc des hauts est au chômage. Si vous vivez dans votre cube de béton dans les bas, vous devez reconnaître que c’est nous qui vous procurons la nourriture. Et une nourriture de qualité).