En hommage à Daniel Cordier, décédé récemment à l’âge de cent ans, France 5 a diffusé le film en deux épisodes réalisé par Alain Tasma en 2013 : « Alias Caracalla, au cœur de la résistance ».
Daniel Cordier a eu plusieurs vies : adolescent militant de l’Action Française à Bordeaux ; résistant ; galeriste et collectionneur d’art ; historien spécialiste de la résistance et en particulier de son personnage-phare, Jean Moulin.
Le film d’Alain Tasma s’inspire du livre éponyme de Daniel Cordier, qui a contribué au scénario aux côtés de Georges-Marc Benamou et de Raphaëlle Valbrune. Il couvre la période de juin 1940, la demande de l’armistice par le Maréchal Pétain, jusqu’à juillet 1943, la mort de Jean Moulin dans le train qui l’emmenait en Allemagne.
Lorsque Pétain demande l’armistice, le jeune Daniel Cordier (Jules Sadoughi) est révolté : il attendait du Maréchal, son héros, qu’il continue la lutte contre « les Boches » depuis l’Afrique du Nord. Avec une quinzaine de camarades, il parvient à s’embarquer sur un cargo qui fait route vers l’Algérie… mais est dérouté vers l’Angleterre. Cela s’avère une chance : après quelques jours de chaos et de déprime, parvient la nouvelle qu’un général, Charles de Gaulle, est décidé à reprendre le combat. Cordier s’engage avec enthousiasme dans la « légion française » avec la ferme intention de « tuer des Boches ».
Il suit en Angleterre un entraînement militaire pendant d’interminables mois. Il découvre avec stupeur que certains de ses camarades sont socialistes ou communistes. Certains sont juifs, Stéphane Hessel, Raymond Aron. Ses certitudes d’avant-guerre s’effritent. Il ne lui reste plus que la passion pour la patrie.
Mais il ne combattra pas, il ne « tuera pas des Boches ». Il est recruté par les services secrets de la France Libre, parachuté en juillet 1942, envoyé à Lyon auprès de Rex (Éric Caravaca) pour lui porter un courrier. Rex est le pseudonyme de Jean Moulin, délégué civil et militaire du Général de Gaulle pour la zone libre. Rex convie à dîner le jeune émissaire, tout juste âgé de 22 ans. Il est frappé par son enthousiasme, son charisme, peut-être aussi par sa maturité. Il l’engage derechef comme son secrétaire, sous le pseudonyme d’Alain.
La tâche est immense. Il faut recruter des résistants, et ne pas se tromper sur ses choix au risque de l’infiltration par la police. Il faut recevoir et distribuer l’argent venu de Londres. Il faut coder et télégraphier des messages, en faisant court pour éviter d’être détecté.
Rex se voit confier la mission d’unifier la résistance pour toute la France, après que la zone libre a été envahie. Les conflits sont terribles : rivalités et haines de personnes aux égos surdimensionnés, convoitise sur l’argent qui manque toujours et qu’on soupçonne injustement distribué, interrogations sur la légitimité de partis ou de syndicats de l’avant-guerre, revendications de préséance pour l’après-guerre. Rex fait face. Et lorsqu’il s’absente pour Londres, c’est à « Alain » qu’il revient de gérer au jour le jour.
Le film fait ressentir l’extrême tension de chaque instant, qui ne laisse aucun répit. Si l’un d’entre eux est capturé, c’est la torture, probablement la mort, et des traces laissées qui peuvent conduire la Gestapo à d’autres camarades.
Rex/Moulin est passionné d’art. Pour faire diversion, lorsqu’Alain/Cordier est avec lui dans des lieux fréquentés, il lui parle de Kandinsky et de Picasso. Lorsque Daniel Cordier deviendra marchand d’art moderne, c’est à Jean Moulin qu’il le devra et c’est sa mémoire que, d’une certaine manière, il perpétuera.
À Paris, Cordier est témoin d’une scène qui l’émeut aux larmes : un homme et son jeune fils, arborant l’étoile jaune, sont refoulés d’un parc public. Lui, l’antisémite de formation, touche là au malheur absolu.
Dans les dernières années de sa vie, Daniel Cordier a été témoin du retour du mal. « Longtemps, j’ai cru que toutes ces horreurs étaient plus ou moins définitivement derrière nous. Eh bien, il faut croire que non. Ce n’est pas pour revoir tout cela en Europe que nous nous sommes battus… », disait-il dans une interview au Monde le 9 mai 2018.