France Culture a récemment diffusé, dans la série « Grand reportage » d’Aurélie Kieffer, une émission intitulée « après mon AVC : 5 ans de silence radio ».
L’émission a été conçue et présentée par Bruno Cadène. Journaliste au service international de Radio-France, spécialiste de l’Europe Centrale et Orientale, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) le 6 février 2012, à l’âge de 53 ans. Sauvé par les Sapeurs-Pompiers de Paris puis par le service spécialisé de l’hôpital Bichat, il a commencé sa rééducation, pendant sept mois, au Centre de rééducation fonctionnelle Divio, à Dijon.
Entendre Bruno Cadène s’exprimer au micro est émouvant. Il était sorti de son accident aphasique et paralysé du côté droit. Il devait réapprendre à parler et à marcher. Au micro de Grand reportage, le timbre de sa voix est comme voilé ; l’élocution est lente, comme s’il allait chercher chaque mot dans les rayonnages de son cerveau.
Au centre Divio, il entame une rééducation éprouvante. La directrice, le docteur Aline Fourmond, s’exprime ainsi. « Vous êtes comme des sportifs de haut niveau, c’est-à-dire que si on veut avoir la médaille d’or, il faut s’entraîner tous les jours, tous les jours. Il faut faire à chaque fois un peu plus dur que ce qu’on sait faire pour progresser. Quand on reste dans sa zone de confort, on ne progresse pas forcément. Par contre, il faut avoir le moral. Il faut rester motivé et il faut tenir dans la durée, c’est ça qui est le plus difficile. L’importance d’un entourage familial, les proches, les amis, les éducateurs aussi. Cela permet de maintenir les patients motivés et de rester dans une dynamique positive. »
Après trois ans de combat acharné, Bruno Cadène a pu reprendre son travail à Radio-France, dans le service numérique, en télétravail. Il a raconté son expérience dans une bande dessinée, avec Xavier Bétaucourt et Olivier Perret : « silence radio, 36 mois pour me relever d’un AVC ».
Pour la victime d’un AVC, le rapport au temps est paradoxal. Les premières heures, et même les premières minutes, relèvent d’une course contre la montre. Les secours ont trois heures pour agir ; chaque minute qui passe, on estime que 1,9 millions de neurones sont détruits. On passe ensuite à une course d’endurance.
Quand la rééducation prendra-t-elle fin, demande Bruno Cadène à sa neurologue ? Jamais, répond-elle, c’est à vie ! D’autant plus qu’il faut lutter contre le vieillissement et que votre cerveau est fragile. C’est terrible d’entendre cela, conclut l’intervieweur, qui consacre encore chaque jour 3 heures ½ à des exercices.
Aurélie Kieffer raconte un post Facebook dans lequel Bruno Cadène « faisait part avec humour de ses « exploits » quotidiens, comme cet exercice de kiné où il devait porter un ballon le plus haut possible : c’est un petit bond pour l’humanité sportive mais pour moi c’est un sacré progrès ! » Nul doute qu’il ne se laissera pas abattre par la condamnation « à vie » de sa neurologue.
On apprend dans le reportage que « chaque année, environ 150 000 Français ont un accident vasculaire cérébral. 40% s’en sortent sans séquelles, 10% en meurent. Entre les deux, il y a la vie avec un handicap plus ou moins visible, plus ou moins compatible avec la vie en société. » Le témoignage de Bruno Cadène constitue, pour ces accidentés, un précieux encouragement.