Dans The New York Times du 1er juillet, Paul Krugman invite ses lecteurs à prendre conscience de la guerre impitoyable qui se livre actuellement aux Etats-Unis contre les chômeurs.
« Transhumances » s’est fait l’écho à plusieurs reprises de la montée, dans les pays développés des deux côtés de l’Atlantique, d’un courant de pensée qui estime que les chômeurs se sont mis dans leur situation par leur propre faute, en raison de leur paresse. Pour réduire le chômage, il faudrait diminuer les incitations à l’oisiveté que constituent les allocations. Paul Krugman cite Paul Ryan, le président (Républicain) du Comité du Budget de la Chambre des Représentants : les programmes sociaux « transforment le filet de sécurité en un hamac qui endort doucement les ayants-droit et les mène à une vie de dépendance et de complaisance ».
La Caroline du Nord, Etat gouverné par les Républicains qui souffre d’un taux de chômage de 8,8% vient de réduire de telle manière les allocations chômages qu’elle n’est plus éligible à une contribution fédérale de 700 millions de dollars : la rigueur idéologique n’a pas de prix !
Une véritable guerre a été déclarée aux chômeurs, dit Krugman, en particulier les chômeurs de longue durée. Elle est indiscutablement cruelle moralement. Est-elle justifiée économiquement ?
Paul Krugman concède qu’en période de surchauffe économique, les allocations peuvent laisser aux chômeurs plus de latitude dans la recherche d’un emploi et nourrir la hausse des salaires et l’inflation. Mais il remarque que l’inflation n’est pas une préoccupation en cette période. En revanche, la donnée de base est que pour chaque poste vacant, il y a trois candidats. Si l’un d’entre eux brade ses prétentions salariales, il pourra obtenir un job, mais au détriment d’un autre.
« Quelque chose peut-il être fait pour renverser cette politique mal orientée ? se demande Krugman. Les gens qui se manifestent pour punir les chômeurs ne vont pas être dissuadés par des arguments rationnels ; ils savent ce qu’ils savent et aucun argument rationnel ne les fera changer d’avis. Mon avis, toutefois, est que la guerre contre les chômeurs a fait de tels progrès parce qu’elle a volé sous le radar, avec trop de gens ignorants de ce qui se passe. Bon, maintenant vous savez. Et vous devriez être en colère. »
Illustration de Alex Gibbs pour le New York Times