Le livre de Joaquim Melo « Viva Favela, Quand les démunis prennent leur destin en main », écrit en collaboration avec Elodie Bécu et Carlos de Freitas (Michel Lafon 2009) raconte l’aventure d’un bidonville devenu en trente ans un quartier respecté, grâce à l’action collective de ses habitants. La création d’une banque de micro crédit, la Banco Palmas, est la plus récente étape de cette rédemption.
La Banque Palmas se présente comme une « pratique de socio économie solidaire de l’association des habitants du Conjunto Palmeiras », dépendant de la ville de Fortaleza, dans le Nord-Est du Brésil. Il s’agit d’un « système intégré de crédit, production, commerce, consommation et bonheur humain » : vaste et ambitieux programme ! Il existe un site Internet en français, http://www.banquepalmas.fr/.
46 autres banques ont été créées dans plusieurs Etats du Brésil sur le modèle de la Banque Palmas. « Le principe est toujours le même : une banque gérée par les habitants, qui utilise une monnaie valable uniquement dans le quartier et distribue des prêts à la production et à la consommation (…) Une banque communautaire vise à aider les quartiers où existent de fortes inégalités, et où les habitants n’ont pas accès aux services bancaires classiques. Elles constituent le noyau central d’un réseau d’économie sociale et solidaire et l’articulent autour des entreprises pour créer de l’emploi dans la communauté. »
Le principe est de mettre en circulation dans un quartier une monnaie qui n’a cours que sur place. Le crédit libellé dans cette monnaie permet aux commerçants de s’agrandir et à des entreprises locales de s’équiper ; il donne du pouvoir d’achat aux habitants et les fait accéder au statut de consommateur des produits fabriqués et commercialisés sur place. Cette monnaie, le Palma dans le cas du Conjunto Palmeiras, est convertible au taux de 1 pour 1 avec le Real, la monnaie officielle du Brésil, ce qui renforce la confiance des commerçants et des producteurs et leur permet de se procurer hors du quartier les biens qui ne se trouvent pas sur place. La banque est à la fois une « caisse de crédit mutuel » pour les habitants du quartier, et le correspondant local de la Banque Populaire du Brésil, une vraie banque avec son bilan et son informatique, créée par le gouvernement du président Lula à destination des publics les plus fragiles.
Il s’agit de l’application d’une équation de base de l’économie : le produit intérieur brut d’un territoire est le produit de la masse monétaire par la vitesse de la monnaie. Le génie de Joaquim Melo et des habitants du Conjunto Palmeiras est d’avoir su définir un territoire tout petit, celui d’une communauté de 32.000 habitants dotée d’une forte cohésion par les luttes passées, et d’avoir accru la vitesse de la monnaie en la découplant de la monnaie légale. Bien contrôlé, ce mécanisme peut créer de la richesse et combattre efficacement la pauvreté.
Je reviendrai dans les jours prochains sur ce livre passionnant, un excellent traité d’économie sociale mais aussi le récit d’une aventure collective et personnelle.