Installés dans la base sous-marine de Bordeaux, les « Bassins de lumières » proposent jusqu’au 3 janvier 2021 une immersion dans l’œuvre de Gustav Klimt et celle de Paul Klee.
J’ai souvent évoqué dans « transhumances » les expositions présentées à la Base sous-marine de Bordeaux. Cette énorme masse de béton abritait pendant la seconde guerre mondiale les sous-marins allemands pour des opérations de maintenance. Ils pénétraient dans l’édifice par trois bassins parallèles ouvrant sur le « bassin à flot » qui permet à marée haute de rejoindre la Garonne.
Vue de l’extérieur, la base sous-marine est une énorme verrue rappelant les heures les plus sombres du vingtième siècle. À l’intérieur elle a les caractéristiques d’une matrice obscure. C’est dans cette caverne que j’ai découvert, entre autres, les œuvres de la peintre Li Chevalier et du photographe JR.
La base sous-marine a été convertie en espace d’immersion artistique, sur le modèle de l’Atelier des lumières à Paris et des Carrières de lumières aux Baux de Provence. Les trois bassins construits pour les sous-marins accueillent maintenant des centaines de spectateurs éblouis. Les projections utilisent toutes les parois, parterre inclus ; elles se reflètent sur les plans d’eau. La sonorisation est d’une qualité exceptionnelle.
Le concept d’espace de lumières a été critiqué. On oppose la passivité du spectateur exposé à un torrent d’images et de sons au travail du visiteur admirant un tableau. Je juge ce reproche infondé. L’expérience d’immersion qui est proposée constitue, en soi, une œuvre d’art, certes construite à partir d’œuvres d’artistes qui ne connaissaient pas le multimédia, mais totalement originale. Le spectateur est plongé dans la tempête mentale qui a amené des artistes à imaginer les chefs-d’œuvre que nous admirons dans les musées. Pendant une heure, il est chahuté, bousculé, étonné, émerveillé.
Le spectateur n’est pas seulement celui qui fréquente musées et galeries d’art. Il inclut les internautes qui téléchargent des images ou des musiques. Les enfants eux-mêmes sont à la fête.
Dans le prolongement du troisième bassin, une estrade permet de s’asseoir et de profiter confortablement du spectacle. Encore plus confortable est la salle circulaire où ont été installés des coussins : allongés, les spectateurs se sentent emportés comme par un rêve.