Arte TV a récemment diffusé deux documentaires de Volker Heise intitulés « Berlin 1945, le journal d’une capitale ».
Il s’agit bien d’un « journal » : le journal intime d’hommes et de femmes pris au piège dans Berlin bombardé puis occupé ; le journal cinématographique, vu par des caméras allemandes, russes, anglaises ou américaines.
La date cruciale est celle du 30 avril : Hitler se suicide, le drapeau rouge est hissé sur le Reichstag en ruines. Avant le 30 avril, l’aviation alliée bombarde la ville sans relâche, les Nazis envoient au front des adolescents et des personnes âgées, l’armée rouge progresse jusque dans les rues de la capitale. Après le 30 avril, les Russes imposent leur administration et les Alliés, y compris Français, tardent à prendre possession de leur zone d’occupation.
Berlin compte à cette époque 2 millions d’habitants, auxquels viendront se joindre des centaines de milliers de réfugiés après la capitulation. L’approvisionnement en nourriture, en eau, en électricité, devient de plus en plus problématique à mesure que s’étendent les destructions. La vie des habitants restera précaire tout au long de l’année.
Les témoignages lus tout au long du reportage expriment l’angoisse qui monte à mesure que l’armée rouge s’approche, que les immeubles sont éventrés, que les morts et blessés se multiplient, que la nourriture se fait rare. Il y a surtout l’immense vide, l’incompréhension, le désarroi que provoque l’effondrement du régime qui, quatre années auparavant, semblait pouvoir durer mille ans. Après la défaite, les militants du parti Nazi craignent la punition. Des femmes sont violées par milliers, les maladies vénériennes prennent une tournure épidémique. La terreur n’en finit pas.
Une employée de commerce raconte sa vie quotidienne, les séances de cinéma interrompues par les alertes aériennes. Un aristocrate allemand résistant, condamné à mort par des juges qui pénètrent dans la salle d’audience en faisant le salut nazi, échange d’ultimes lettres avec sa femme. Une Juive cachée dit son amour pour sa ville martyrisée, et aussi sa haine pour la cité qui a dénié le droit d’exister à une partie de ses citoyens. Elle espère encore le retour de son mari et de ses deux enfants déportés « à l’est ». Un jeune militaire en poste au QG de la Luftwaffe est témoin de l’arrivée des soldats soviétiques.
« Berlin n’existe plus », constate un militaire allié en traversant la ville. Malgré sa division par le rideau de fer, elle renaîtra pourtant de ses cendres, par la volonté de ses habitants.