Berluscotrump

Deux personnages ont occupé l’actualité la même semaine : Silvio Berlusconi est mort, Donald Trump a été accusé d’avoir conservé chez lui des documents classifiés. On a dit que le premier avait ouvert au second la voie du populisme 2.0. 

Berlusconi et Trump ont accédé au pouvoir grâce à l’argent, à la notoriété et aux mass-médias, incluant maintenant les réseaux sociaux. Dans le quotidien portugais Público, David Pontes dit de Berlusconi qu’il fut « précurseur d’une formule de succès dans la politique qui allie le charisme d’un populiste sans vergogne et l’utilisation des mass-média (…) à un moment où il est possible de faire passer pour réalité ce qui n’est que perception et que la vérité est bien moins importante que ce que chacun croit qu’elle est. »

Dans l’affaire des documents secrets stockés jusque dans les toilettes de son manoir en Floride, dont la divulgation pourrait menacer la sécurité nationale, Donald Trump diffuse sa vérité : il reste le président légitime des États-Unis, et peut donc disposer d’une information illimitée ; il est victime d’un complot de la part des Démocrates et des juges marxistes. Une vérité alternative qui n’a de compte à rendre qu’avec la foi de ses adeptes.

Berlusconi et Trump sont, comme l’écrit David Pontes, « sans vergogne ». Berlusconi a été impliqué dans des scandales sexuels avec des mineures, dans des affaires de fraude fiscale, dans des actes de corruption active. Il faisait, sans sourciller, voter des lois qui blanchissaient les délits qu’il avait commis. Trump lui-même est mis en examen pour fraude fiscale et a acheté le silence d’une femme qu’il avait violée.

 L’un et l’autre, pourtant, bénéficient d’un socle solide de popularité. C’est peut-être précisément dans leurs vices que nombre de leurs concitoyens se reconnaissent. Ils sont semblables à nous, allergiques aux contraintes administratives, astucieux, malins, madrés. Ils sont sortis de l’anonymat, ils ont réussi. Pour des femmes et des hommes déclassés, sans avenir, ils représentent le double idéalisé d’eux-mêmes.

 Au soir de l’attaque contre le Capitole, après avoir invité les siens à revenir chez eux, Trump avait ajouté : « je vous aime ». Beaucoup d’Italiens des milieux populaires avaient le même sentiment d’être aimés par Berlusconi, de ne pas être jugés par ce politicien qui leur ressemblait tant.

 Ici se trouve le talon d’Achille de la gauche. Elle se trouve spontanément dans une position surplombante, forte de ses principes éthiques. Elle regarde de haut les trafiquants, les roublards, les fraudeurs, les machos. Sans forcément s’en rendre compte, elle distille le mépris, dont la substance est le mépris de classe.

 Le populisme fleurit sur ce mépris des pauvres, pauvres d’argent et pauvres de culture. Corriger ce biais requerra de l’énergie et prendra beaucoup de temps.

Une réflexion sur « Berluscotrump »

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