L’exposition « Bulgari, 125 ans de magnificence italienne » au Grand Palais offre pour douze euros l’accès éphémère à un monde interdit où l’art le dispute à la séduction et à l’étalage du luxe.
Organisée à l’occasion du cent vingt cinquième anniversaire de l’installation par Sotirio Bulgari de sa première boutique d’orfèvrerie à Rome, l’exposition présente 500 bijoux classés selon un ordre chronologique, des origines encore marquées par l’esthétique néohellénique à la haute joaillerie d’aujourd’hui, en passant par la révolution des années soixante marquée par l’introduction de pierres précieuses colorées.
L’exposition peut se lire sous différents angles. Il s’agit d’abord de la saga d’une famille dont les racines sont en Grèce mais dont le pays d’adoption est l’Italie. Cette saga raconte un incroyable succès industriel et commercial. Sotirio Bulgari s’implanta d’abord à Naples, puis à Rome dans la dynamique de la toute jeune république italienne. Il ouvrit ensuite des boutiques là où ses clients italiens fortunés passaient leurs vacances, Saint Moritz ou San Remo, ce qui lui permit en rebond de se construire une renommée parmi l’aristocratie et la haute bourgeoisie d’Europe du Nord. Les générations suivantes ont persévéré dans la même veine : bâtir un empire du luxe centré sur ce qu’on appelle aujourd’hui la jet-set.
L’exposition se lit aussi comme un parcours dans l’histoire de l’art de la joaillerie. D’une décennie à l’autre, les formes, les volumes et les proportions évoluent ; à la monochromie de l’argent succède la symphonie de couleurs des émeraudes, rubis et saphirs. Bulgari cueille l’esprit du temps et crée des bijoux jamais vus. Des armées d’ouvriers taillent les pierres en s’efforçant de restituer leur âme ; d’autres les assemblent avec des mécanismes ingénieux.
Enfin, l’exposition constitue une plongée dans le monde des stars, du sexe et du pouvoir. Intelligemment, des images de films italiens privées de leur son montrent des actrices rayonnantes de séduction, parées de bijoux Bulgari. Le cas le plus flagrant est celui d’Elizabeth Taylor qui, sur le tournage de Cléopâtre en 1962 rencontre Richard Burton. Entre l’amant, Richard, et le quatrième mari, Eddie Fisher, s’engage une compétition dont la règle est d’acheter chez Bulgari les bijoux qui feront pâmer la belle.
Le visiteur est frustré de se retrouver ce ce côté-ci du miroir et de regarder comme un badaud une société de milliardaires planant à des années-lumière. Mais il reste au moins l’art à admirer, sublime.
Illustration : « cent vingt cinq ans de magnificence italienne, Bulgari au Grand Palais ».