La »conspiration » du changement climatique

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 La Chambre des représentants de l’Etat de l’Utah, aux Etats-Unis, vient de voter à la quasi-unanimité une résolution contre la « conspiration » du changement climatique.

Cette résolution presse l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis d’arrêter immédiatement ses politiques et programmes de réduction du dioxyde de carbone et de retirer sa déclaration d’état de danger jusqu’à ce qu’une enquête pleine et indépendante de la conspiration des données climatiques et de la science du réchauffement climatique mondial puisse être mise en œuvre.

L’Utah, Etat dont la capitale est Salt Lake City, est un grand producteur de charbon et pratique une agriculture extensive qui se sent menacée par les plans de reboisement. Les arguments des parlementaires de l’Utah représentent un énoncé du credo des sceptiques du réchauffement.

Il y a d’abord une mise en cause des statistiques. Au cours des douze dernières années, les températures mondiales seraient restées stables ou auraient diminué dans certaines régions ; la température de la terre change en permanence et le réchauffement récent indiquerait potentiellement un retour à des températures plus normales suivant une période prolongée de refroidissement de 1250 à 1860 appelée « le petit âge de glace ».

Il y a l’affirmation que le réchauffement climatique serait plus corrélé aux chlorofluorocarbones (CFC), qui sont interdits depuis 1978, qu’au CO2.

Il y a aussi la dénonciation du « Climategate », un effort bien organisé et permanent pour manipuler les données sur la température mondiale de manière à produire un résultat en faveur du réchauffement ; la marginalisation des sceptiques et l’obstruction à la publication de recherches contraires au réchauffement mondial ; la partialité du Intergovernmental Panel on Climate Change ; le biais introduit dans la recherche par les fonds d’Etat finançant les recherches, 7 milliards de dollars.

Il y a enfin l’argument économique. Les limitations aux émissions auraient pour effet un renchérissement significatif de l’énergie pour les consommateurs, les entreprises et l’industrie américains. Les efforts demandés à l’agriculture pourraient se traduire par deux cent quarante mille kilomètres carrés de reboisement au détriment des terres de culture et d’élevage. L’échec de la conférence de Copenhague montre que des grands pollueurs comme la Chine et l’Inde en appellent aux Etats-Unis pour payer des millions de dollars aux pays en voie de développement, alors que la dette nationale du pays excèdera 12.000 milliards de dollars. Les programmes de réduction des émissions bloqueraient les espoirs de développement pour les 1.6 milliards de personnes qui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, n’ont pas accès à une nourriture adéquate et à une eau propre.

On aurait tort de prendre ces prises de position à la légère. Le système politique américain fonctionne en grande partie sur le lobbying, et il n’y a pas de doute que les groupes de pression énergétiques et agricoles sont à l’œuvre dans tous les rouages du pouvoir. Dans vingt ou cinquante ans, les représentants de l’Utah seront sans nul doute considérés comme des irresponsables, voire des criminels. Il reste que si la décennie Bush a été perdue pour la cause de la planète, il n’est pas sûr que cette cause puisse avancer de manière significative sous la présidence d’Obama, tant sont fortes les voix dissonantes. Comme le dit le représentant républicain Mike Noel, « quelquefois, quand nous n’avons pas toutes les réponses, il faut avoir le courage de ne rien faire (…) Comme législateurs, nous ne devons pas faire de mal. » Etrange inversion du principe de précaution !

(Photo Arthus Bertrand, Home, mine de charbon à ciel ouvert près de Delmas, Afrique du Sud, 61°10’S – 28°44’E)

Stupid pigs

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 Le monde financier adore les acronymes. Apres les PECO, les BRICS et les PIGS, voici STUPID. On peut se demander si ce n’est pas la caricature elle-même qui est stupide.

Les PECO appartiennent déjà à l’histoire : il s’agissait des pays d’Europe Centrale et Orientale après la chute du mur de Berlin. Les BRICS, Brésil, Russie, Inde et Chine caractérisent les puissantes montantes de la première décennie du vingt et unième siècle. Avec la crise financière est apparu l’acronyme PIGS : Portugal, Ireland, Greece, Spain, pays affligés d’un déficit public hors de contrôle, encore que comme le soulignait Katie Allen dans le quotidien The Guardian le 13 février il y a un doute sur le « I » : Irlande ou Italie ?

Voici que nait l’acronyme « STUPID » pour Spain, Turkey, United Kingdom, Portugal, Italy, Dubai. On voit mal ce qui rapproche l’émirat frappé de la folie des grandeurs et la patrie de Magellan réduite depuis si longtemps à l’humilité. On ne comprend pas ce que fait dans la liste la Turquie, qui a su mieux que d’autres pays contrôler son budget. Et on suppose que le Royaume Uni et l’Italie ne figurent ici que parce qu’il fallait les lettres « U » et « I ».

Par leur mépris librement affiché, ces jeux de mot ont pour effet de stigmatiser des pays que les spéculateurs du monde entier peuvent, en bons moutons de panurge, piétiner.

(Voir Kate Allen, « acronym acrinomy, the problem with Pigs », The Guardian 13 février 2010, http://www.guardian.co.uk/business/2010/feb/12/pigs-piigs-debted-eu-countries. Photo Bourse d’Athènes, 10 février 2010, www.msnbc.msn.com))

Nelson Mandela, 20 ans

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Il y a vingt ans, le 11 février 1990, Nelson Mandela sortait de la prison Victor Verster après 27 ans de captivité. Dans le quotidien britannique The Guardian, Justice Malala, de Johannesburg, évoque cet événement.

Justice avait 19 ans lorsque l’ANC fut légalisée. La foule noire chantait et pleurait. « Il y avait toutefois quelque chose d’anormal. La foule était suivie par des véhicules de police, mais il n’y avait pas de gaz lacrymogènes ni de coups de feu en l’air. La police se contentait d’escorter la foule, elle ne tirait pas de grenades lacrymogènes sur les gens comme moi et tant d’autres nous y étions habitués. Ceux qui portaient un uniforme semblaient aussi tétanisés (shell-shocked) que les manifestants ».

Quelques jours plus tard, Mandela était libéré. « Quand Mandela émergea finalement de la prison tenant sa femme Winnie Mandela par la main, il y eut des pleurs et des youyous. Nous ne pouvions bouger. Nous ne pouvions que pleurer. En l’espace de quelques minutes, les gens sortaient de leurs maisons, criant et hurlant et chantant. C’était fou. Dans tous les townships, une jubilation sans précédent se répandit. Je n’avais jamais entendu tant de gens chanter, vu tant de pleurs et de joie en même temps ».

Justice rappelle l’œuvre de Mandela pour la vérité et la réconciliation. Il souligne pourtant que « l’Afrique du Sud que nous a léguée Mandela n’est pas toujours un endroit où il fait bon vivre. Le magazine Lancet, dans une étude publiée l’an dernier, disait que depuis 1994 l’espérance de vie en Afrique du Sud a diminué de près de 20 ans. Le taux d’homicide est cinq fois la moyenne globale. Le taux d’homicide féminin est six fois la moyenne globale. On estime qu’une femme est tuée par son partenaire toutes les six heures en Afrique du Sud. Pire, l’Afrique du Sud est l’un des 12 pays seulement où la mortalité infantile a augmenté depuis 1990, l’année de la libération de Mandela. Chaque année, 23.000 enfants sont morts nés, et presque 75.000 enfants meurent en Afrique du Sud, dont près d’un tiers dans leurs premières quatre semaines de vie. »

« Mandela n’a pas voulu cela pour nous », disent les gens en parlant des frasques de l’actuel président Zuma. « L’ignominie de Zuma nous rappellera (en ce jour de vingtième anniversaire) que la nouvelle Afrique du Sud n’est pas tout ce que nous voulions qu’elle soit en ce jour lointain de 1990. Mais nous danserons et nous verserons peut-être une larme et nous célébrerons encore la vie de Mandela. Je sais, nous savons, que le l’endroit où nous étions quand en 1990 Mandela marcha hors de sa prison était infiniment pire que celui-ci : seulement une précieuse jeune démocratie comme les autres. »

(Photo : libération de Nelson Mandela)

Pédale collante

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 Beaucoup a été dit sur la crise de la « pédale collante » : le constructeur japonais Toyota a du rappeler 3,8 millions de voitures dont la pédale d’accélérateur était susceptible de rester collée au plancher. Il y a un aspect qui me semble mériter attention.

Dans l’hebdomadaire britannique The Observer du 7 février, on peut lire : « il a depuis lors émergé que Toyota avait eu connaissance de plaintes de consommateurs au sujet de telles pédales  d’accélérateur « collantes » au Royaume Uni depuis la fin de 2008. Toyota admet que 26 des cas qu’il a rencontrés en Europe furent rapportés comme « questions de satisfaction-client » à l’époque. »

Toyota disposait certainement de procédures élaborées de gestion des plaintes. Certaines prenaient le chemin de la satisfaction-client, d’autres celui de la sécurité. On comprend pourquoi des techniciens ou des concessionnaires ont choisi le premier. Le second pouvait mener à une bombe, celle qui vient précisément d’éclater. Personne ne s’est trouvé au carrefour des deux chemins et n’a posé la question du risque potentiel que faisait courir aux conducteurs des véhicules incriminés et aux autres usagers de la route une pédale d’accélérateur qui reste enfoncée.

Les grandes organisations ont déployé des outils de gestion du risque opérationnel perfectionnés. Mais la complexité les rend parfois sourdes et aveugles, collées aux habitudes.