L’allégresse de la célébration de la chute du mur de Berlin ne doit pas nous faire oublier que d’autres murs doivent tomber. Le mur de séparation d’Israël avec la Palestine est de ceux-là.
Vingt ans après la chute du mur de Berlin, de nombreux murs sont encore debout : celui qui sépare les deux Corée, celui qui court à la frontière des Etats-Unis et du Mexique, ou encore celui qui entoure les enclaves espagnoles au Maroc. Le mur qui sépare Israël de la Cisjordanie comme celui qui coupe du monde la Bande de Gaza méritent une attention spéciale, deux semaines après que l’Assemblée Générale des Nations Unies a approuvé le rapport Goldstone.
Le rapport de la Commission des Nations Unies pour établir les faits sur le conflit de Gaza (15 septembre 2008 – 3 avril 2009), présidée par le juge sud-africain Richard Goldstone, a été publié le 15 septembre 2009. Etabli selon une méthodologie d’investigation rigoureuse, il comporte plus de 500 pages. Il confirme ce que les articles de presse avaient déjà relaté : la disproportion des moyens utilisés par Israël avec les buts recherchés (1.400 morts du côté palestinien, 13 du côté israélien dont 4 sous le feu ami), la destruction systématique d’infrastructures civiles, le bombardement d’un hôpital, 3.354 maison totalement détruites, les bombes au phosphore, l’obstruction à l’acheminement de médicaments et de nourriture, l’usage de civils comme boucliers humains. Le rapport dénonce aussi le bombardement à la roquette par les forces du Hamas de villages israéliens. Il estime que de part et d’autre des crimes de guerre ont été commis, et peut-être aussi des crimes contre l’humanité. Il demande que les auteurs de ces crimes soient identifiés et punis.
Depuis le début, le Gouvernement israélien a fait obstruction aux travaux de la commission. Il n’a pas permis qu’elle interroge l’Autorité palestinienne, et pas même les victimes israéliennes de l’artillerie du Hamas. Il a persuadé les Etats-Unis de s’opposer au transfert du dossier au Conseil de Sécurité. Il livre une bataille médiatique pour discréditer la Commission et les organisations humanitaires qui appuient ses conclusions : les deux premiers sites Web référencés par le moteur de recherche yahoo.com sur le rapport Goldstone sont des outils de propagande israélienne.
Le mur de Berlin, comme celui de Corée aujourd’hui, avait pour but d’empêcher les citoyens de sortir. Le mur de Palestine empêche d’entrer. Il est largement approuvé par une population qui se sent assiégée. Mais plus que le mur de béton et de barbelés, c’est la muraille psychologique construite au long de dizaines d’années qui effraie. La conviction que c’est en humiliant en permanence l’adversaire dans l’espoir de lui inoculer une mentalité de vaincu, la certitude que l’intérêt national est au-dessus des lois internationales et de la simple humanité, la doctrine des faits accomplis sont un terrible venin.
Israël s’enorgueillit justement de sa démocratie. Mais la démocratie naquit en Grande Bretagne d’un désir de transparence. Les contribuables voulaient savoir où allait leur argent, et le pouvoir du Parlement se construisit sur le contrôle budgétaire. La démocratie peut-elle survivre si la raison d’Etat s’oppose à ce que des crimes soient investigués et punis ?
(Photo www.pbase.com/yalop/fence)