Art Nouveau à Nancy

Le Musée de l’Ecole de Nancy est tout entier consacré à l’Art Nouveau dans une variété de disciplines : ébénisterie, céramique, luminaire, verrerie, vitrail.

 Nous avions été enthousiasmés par la visite du Musée Horta à Bruxelles. La maison d’Eugène Corbin à Nancy offre les mêmes émotions. Elle nous transporte au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles. Dans la ligne des précurseurs britanniques John Ruskin et William Morris, des artistes nancéens s’inspirèrent de la nature. Leur mobilier, leurs vitraux, leurs céramiques sont habités d’arbres, de fleurs, d’oiseaux. Les lignes sont féminines, toutes en courbes, sans rupture ni aspérité. C’est un art total, débordant de vitalité, de couleurs, de chaleur.

 Les artistes de l’Ecole de Nancy sont nés pour la plupart vers 1850 : l’ébéniste Eugène Vallin qui, comme les préraphaélites anglais, avait commencé sa carrière dans le style gothique ; le maître verrier, ébéniste et céramiste Emile Gallé ; l’artiste décorateur et ébéniste Louis Majorelle ; le décorateur et peintre verrier Jacques Gruber. Gallé, Majorelle et les frères Daum ne furent pas seulement des créateurs. Comme William Morris avant eux, ils furent des industriels talentueux.

 Les Galeries Poirel de Nancy consacrent une exposition temporaire à « Jacques Gruber et l’Art Nouveau, un parcours décoratif ». On y découvre le génie multiforme de cet artiste qui trouva sa voie dans l’art du vitrail au moment de l’éclosion de l’Art Nouveau et évolua vers un style toujours coloré mais plus abstrait.

 Il y a quelque chose de fascinant et envoûtant dans l’Art Nouveau. Rien ne choque. Tout enveloppe, protège, caresse. Dans les moments de doute, c’est un réconfort.

 Photo « transhumances » : vitrail de Jacques Gruber au Musée de l’Ecole de Nancy.

Postmodernisme, style et subversion, 1970 – 1990

Le Victoria & Albert Museum de Londres présente jusqu’au 15 janvier une exposition intitulée « Postmodernisme, style et subversion, 1970 – 1990 ».

 Le postmodernisme est un mouvement esthétique qui s’est exprimé pendant les années soixante-dix et quatre-vingts dans de multiples disciplines telles que le design, la mode, l’architecture ou le spectacle. L’époque précédente avait cherché à clarifier et simplifier. Les postmodernistes au contraire voient la réalité comme dans un miroir brisé. Le futur qu’ils présentent n’est pas idéalisé, il ressemble parfois à un Apocalypse urbain, comme dans le film « Blade Runner » de Ridley Scott (1982). Ils ne tentent pas de réduire les contradictions, ils les recherchent : dans la colonnade de Hans Hollein pour la Biennale de Venise de 1980, les colonnes appartiennent à plusieurs époques et l’une d’entre elles est tronquée, mais à l’inverse du sens commun la partie manquante est la base. Ils aiment la complication : une simple desserte peut avoir deux pieds droits et un autre ondulant.

 Las Vegas fut une source d’inspiration pour les postmodernistes : les enseignes lumineuses pour des marques commerciales côtoient des répliques de l’Opéra Garnier ou du Palais des doges. Dans le domaine du spectacle, l’heure était à l’exagération, au contraste des couleurs, à l’excentricité : le chanteur Klaus Nomi, avec son aspect lunaire, en était une parfaite illustration.

 Le mouvement postmoderniste, principalement impulsé par des cabinets de design italiens installés en Italie et aux Etats-Unis, a fondé les critères esthétiques sur lesquels nous vivons encore largement aujourd’hui. Le Cirque du Soleil, qui commence comme chaque année sa saison au Royal Albert Hall de Londres, en est une illustration.

 Illustration : reconstitution de la colonnade « Strada Novissima » de Hans Hollein à la Biennale de Venise, 1980

Musée Marmottan Monet

Le Musée Marmottan Monet a été ouvert dans un hôtel particulier du seizième arrondissement de Paris en 1934 et a été enrichi au fil des décennies par des donations successives. Jusqu’au 19 février 2012, il présente une exposition intitulée « Henri Edmond Cross et le néo-impressionnisme. De Seurat à Matisse ».

 Les collections permanentes du musée abritent une collection d’enluminures médiévales et des peintures du dix-huitième et du dix-neuvième siècles, dont un bon nombre d’œuvres de Claude Monet.

 Henri Edmond Cross était né Delacroix en 1856, mais opta comme nom d’artiste pour la traduction anglaise de son patronyme pour éviter toute confusion avec Eugène Delacroix. Son nom est associé au néo-impressionnisme, aux côtés entre autres de Signac, Pissarro et Van Rysselberghe. Ce courant travaille sur la couleur, en divisant les pigments élémentaires d’abord sous forme de points, puis de touches plus continues. Il marque une transition entre le divisionnisme de Seurat et le fauvisme de Matisse et Derain.

 L’exposition présente non seulement des toiles de l’artiste mais aussi des aquarelles, qui sont des esquisses ramenées de voyages (en particulier à Venise), mais sont intéressantes par elles-mêmes. Elle occupe le sous-sol du musée. Le rez-de-chaussée est principalement consacré à l’impressionnisme. Le premier étage abrite la collection d’enluminures et des souvenirs de l’époque napoléonienne.

 Illustration : affiche de l’exposition consacrée à Henri Edmond Cross (1856 – 1910).

L’Espagne entre deux siècles

Le Musée de l’Orangerie de Paris propose jusqu’au 9 janvier une magnifique exposition intitulée « L’Espagne entre deux siècles, de Zuloaga à Picasso (1890 – 1920).

Selon le catalogue, « cette exposition propose une vision panoramique des principaux artistes et des tendances dans l’art espagnol de la fin du XIXème siècle au début du XXème.

Elle présente une soixantaine d’œuvres des artistes fondamentaux de cette période tels que Joaquin Sorolla y Bastida, Ignacio Zuloaga y Zabaleta, Dario de Regoyos, Salvador Dali, Joaquín Mir, Ramón Casas, Santiago Rusiñol, Joaquim Sunyer, Pablo Picasso et Joan Miró.

Ces artistes ont en effet illustré la richesse et la diversité de l’art espagnol au tournant du XXème siècle ainsi que son évolution naturelle dans les mouvements d’avant-garde, notamment  le symbolisme et le postimpressionnisme. »

A la fin du dix-neuvième siècle, l’Espagne est un pays en crise. La perte de Cuba en 1898 à la suite d’une guerre avec les Etats-Unis est un moment crucial : la page du passé glorieux des Conquistadores est tournée. L’opinion est divisée entre le repli sur les valeurs traditionnelles et l’ouverture au grand vent du changement. Les peintres espagnols se partagent eux aussi entre ceux qui décrivent une Espagne blanche et lumineuse et ceux qui la représentent en noir. La plupart d’entre eux émigrent à Paris, ou du moins entretiennent des liens étroits avec les artistes de la capitale française.

Mon séjour de plusieurs années à Madrid m’avait fait découvrir Sorolla, Rusiñol et Sunyer. J’ai découvert dans l’exposition Hermen Anglada Camarasa (Granadina, 1914, reproduite en tête de cet article), Eliseu Meifrén y Roig (Paysage nocturne), Juan de Etcheverria y Zuricalday (la métisse nue, 1923).

Les peintres espagnols de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième s’inspirèrent des grands anciens. Un exemple impressionnant est fourni par « l’enterrement de Casamegas », tableau peint par Picasso en s’inspirant de l’enterrement du comte d’Orgaz du Greco pour célébrer à sa manière le suicide de son ami Casamegas.

La collection permanente du Musée de l’Orangerie, consacrée à des peintres du dix-neuvième et vingtième siècles, est passionnante. Elle comporte, entre autres, des tableaux de Derain, Renoir, Modigliani. J’ai découvert Marie Laurencin (1883 – 1956) dont les œuvres sont empreintes de finesse et de mystère.

Illustration : Granadina, par Hermen Anglada Camarasa (1914).