Mondrian / De Stijl

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L’exposition Mondrian / De Stijl au Centre Pompidou permet de mieux comprendre un moment clé de l’histoire de l’art : le passage à l’abstraction, dans les premières décennies du vingtième siècle.

L’ascension au sixième étage du Centre Pompidou par les escalators sous un tunnel vitré est en soi une expérience inoubliable. Peu à peu se révèle l’ouest de Paris jusqu’au quartier de La Défense. Arrivés au sommet, le panorama s’élargit vers le sud, avec Notre Dame et le Panthéon tout proches.

Le mouvement De Stijl fut créé en 1917 aux Pays Bas par le peintre, architecte et critique d’art Theo Van Doesburg. Il se fondait sur un courant intellectuel et spirituel, la « théosophie » : l’ordre cosmique est basé sur des principes géométriques qui trouvent leur expression dans toutes les cultures. Die Stijl avait l’ambition de transposer l’expérience spirituelle de l’harmonie avec le cosmos dans le monde industriel. Le mouvement était par essence interdisciplinaire, avec un point d’application privilégié dans l’architecture d’intérieur. Sur le plan esthétique, il s’éloignait du figuratif pour se concentrer sur des lignes horizontales et verticales et les couleurs fondamentales, rouge, bleu et jaune. On comprend que le vitrail ait constitué un moyen d’expression naturel, avec sa surface plane, sa structure et ses couleurs. Les vitraux de Theo Van Doesburg et Vilmos Huszár présentés dans le cadre de l’exposition sont éblouissants.

Piet Mondrian (1872 – 1944) est le représentant le plus illustre de De Stijl. Ses premières toiles représentent des sous-bois et on les devine animés par les sentiments naturalistes des artistes de l’Art Nouveau. Peu à peu, en particulier sous l’influence du cubisme, la forme s’affranchit de la figuration. A partir des années vingt, Mondrian invente son propre style. Comme l’écrit le catalogue de l’exposition, « les compositions sont réduites à un arrangement d’éléments invariants et universels : les couleurs primaires (rouge, bleu et jaune) sont opposées aux « non-couleurs » (noir, gris et blanc), cependant que les lignes horizontales sont opposées aux verticales. L’objet est de pousser chaque tension à son intensité maximale, en défiant les conceptions traditionnelles de l’harmonie et de la symétrie, en exploitant plutôt la dissonance et la spatialité pour transformer le paysage clos et inerte de la peinture en un champ de forces magnétiques. »

Illustration : Piet Mondrian, composition en rouge, bleu et blanc II, 1932

Musée Baccarat

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Le Musée Baccarat, dans le seizième arrondissement de Paris, est un véritable joyau.

La cristallerie Baccarat a son siège Place des Etats-Unis, non loin de l’Arc de Triomphe. Elle occupe un hôtel particulier qui fut jusqu’en 1970 la demeure de Marie-Laure de Noailles, muse d’un grand nombre d’artistes du vingtième siècle. L’immeuble a été restauré par Philippe Starck il y a une dizaine d’années. Outre le siège social de l’entreprise, il abrite aussi un restaurant prestigieux, des salles de réception et le Musée Baccarat avec sa boutique.

Le musée lui-même ne compte que trois salles, mais sa collection est d’une grande richesse. A voir des pièces si exceptionnelles entassées dans un mouchoir de poche, on se prend à penser qu’elles auraient justifié un espace dix fois plus vaste.

La salle la plus intéressante est intitulée « Alchimie par Gérard Garouste ». Le peintre a réalisé un dais en tissu dont les motifs et les couleurs évoquent les éléments qui concourent à la fabrication du cristal : l’eau, l’air, la terre et le feu. On y présente des pièces d’exception, dont les vases « Simon » qui représentent précisément l’allégorie de l’eau et l’allégorie de la terre. Le motif du serpent, associé à la femme et au péché, revient souvent dans les créations présentées dans ces vitrines qui se réfèrent au style Art Nouveau.

Site Internet : http://www.baccarat.fr/fr/univers-baccarat/musees/

Tom Lubbock

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Le  caricaturiste, collagiste et critique d’art Tom Lubbock est décédé le 9 janvier d’un cancer au cerveau à l’âge de 53 ans. Il avait raconté sa perte progressive du langage dans un poignant article publié par The Observer.

« Transhumances » a rendu compte du témoignage de Tom Lubbock le 18 novembre sous le titre « quand les mots m’ont lâché. » Dans The Guardian du 11 janvier, Kevin Jackson écrit la nécrologie de son ami Tom.

Il souligne son humour, illustré dans le collage reproduit ici et réalisé en 2002 : la carte administrative du monde se lit comme la juxtaposition de « ciels » et « d’enfers », une jolie représentation de la philosophie politique de « l’axe du mal ».

Kevin Jackson cite les derniers mots de l’article « when the words failed me », « quand les mots m’ont lâché » :

« The final thing. The illiterate. The dumb.

Speech?

Quiet but still something?

Noises?

Nothing?

My body. My tree.

After that it becomes simply the world. »

« La chose finale. L’illettré. Le muet. / Langage ? / Tranquille, et pourtant quelque chose ? / Des bruits ? / Rien ? / Mon corps. Mon arbre. / Après cela il devient simplement le monde. »

 

Illustration tirée de The Guardian : collage par Tom Lubbock

Claude Monet au Grand Palais

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La rétrospective Claude Monet 1840 – 1926 au Grand Palais constitue une occasion unique d’admirer et de comprendre dans son étendue historique l’œuvre de l’un des fondateurs de l’impressionnisme.

Séjournant à Antibes en 1888, Claude Monet se dit très inquiet de ce qu’il fait : « c’est si beau ici, si clair, si lumineux ! On nage dans de l’air bleu, c’est effrayant ! ». Cette réflexion dénote le choc d’un peintre habitué à la lumière subtile de la Normandie, de la vallée de la Seine ou de Londres lorsqu’il est confronté à la lumière méditerranéenne. Plus profondément, elle exprime une attitude profondément contemplative : le peintre reçoit les falaises d’Etretat, le reflet de l’église de Vétheuil dans la Seine, le Parlement britannique environné de brume, la fumée des locomotives dans la gare Saint Lazare ou le jeu du soleil sur la façade de la Cathédrale de Rouen comme de sublimes et éphémères manifestations de la Beauté qu’il lui faut fixer sur la toile. Le métier de peintre est une lutte incessante, que les « séries » (de meules de foin, de cathédrales, de paysages) illustrent parfaitement : Monet mène de front plusieurs toiles, qu’il reprend à différentes heures de la journée de manière à capter la luminosité propre à différents moments.

Au début 1880, Monet peint la débâcle de la Seine à Vétheuil. L’hiver a été particulièrement rigoureux et le fleuve charrie d’énormes blocs de glace disloqués. Quelques mois plus tôt, il avait peint sa jeune épouse Camille sur son lit de mort. Comme le dit le catalogue de l’exposition, « le visage semble emporté comme les glaçons des Débâcles sur la Seine, au diapason du  deuil et de la douleur de l’artiste ». Cette toile est particulièrement émouvante.

Illustration : la débâcle, temps gris, par Claude Monet, 1880.