Le Cirque du Soleil donne au Royal Albert Hall de Londres Varekai, un spectacle total qui associe art du cirque, chorégraphie et musique.
Varekai est le quatorzième spectacle du Cirque du Soleil, qui se définit lui-même comme « un mélange théâtralisé des arts du cirque (sans animaux) et de la rue, appuyé par des costumes loufoques et saugrenus, des éclairages magiques et une musique originale ».
C’est véritablement une superproduction, avec plus de soixante musiciens, clowns, jongleurs, acrobates, danseurs. La machinerie est impressionnante : en arrière de la scène, un décor de tiges de bambou évoque la forêt et camoufle partiellement l’orchestre. Un plateau tournant, des trappes dont s’échappent des fumées et qui engloutissent les personnages, des jeux de lumières créent un sentiment d’irréalité que viennent souligner les costumes improbables des personnages. Au dessus de la scène, une passerelle métallique sert de support aux trapèzes, cordes, tissus, filets utilisés par les acrobates au cours du spectacle et donne à l’action une dimension verticale.
Le génie du Cirque du Soleil est de transposer dans l’esthétique et la sensibilité contemporaines la magie du cirque, faite de jongleurs, de clowns, de trapézistes, de contorsionnistes. Les accessoiristes eux-mêmes participent de la chorégraphie et font disparaître les objets comme par magie. Le spectacle est multidimensionnel. Il se joue littéralement dans les trois dimensions spatiales, mais aussi dans les couleurs et dans les sonorités. Il est radicalement multiculturel, non seulement parce que les membres de la troupe viennent des cinq continents, mais aussi parce qu’il emprunte aux traditions artistiques et musicales d’Europe, d’Amérique, du Moyen Orient, d’Afrique et d’Asie.
Les numéros d’acrobatie sont exécutés avec une extraordinaire virtuosité, mais sont aussi sublimés par la polychromie des costumes et le rythme de la musique et du chant. Les numéros de clown, un grand classique du cirque, sont totalement innovants et franchement désopilants : un prestidigitateur est affligé d’une partenaire qui glisse, trébuche et transforme chaque tour de magie en une hilarante catastrophe ; un crooner interprète une chanson de Jacques Brel et court d’un endroit à l’autre de la scène à la poursuite d’un faisceau de projecteur fantasque.
Il n’y a ni trois coups frappés ni rideau ouvert pour marquer le début du spectacle. Des personnages bizarres apparaissent un à un sur la scène, et le projecteur suit l’activité « d’ouvreurs » atypiques munis d’un plumeau pour dépoussiérer les sièges et le crâne chauve de spectateurs. Peu à peu, on entre dans un univers magique. « En bas, une forêt dense et ténébreuse, le destin appelle, vous interpelle. En haut, une luciole voltige. Soudain, le ciel s’ouvre laissant une brise, douce et invitante, courir jusqu’à vous. Le temps d’un soupir, vous êtes soulevé dans les airs, emporté, transporté, un instant plus tard, vous êtes déposé délicatement dans les bras de créatures de l’abîme… mystiques et espiègles habitants des ténèbres, mais n’ayez crainte ; peu importe où le vent vous emporte, vous serez toujours chez vous. »
Le Cirque du Soleil nous invite à une quête, à errer allègrement, à considérer que c’est une chance que de ne pas trouver ce que l’on cherche, à considérer la crise comme un rite de passage. Dans notre loge du Royal Albert Hall, à l’entracte de Varekai, un jeune homme s’agenouille devant son amie et lui offre une bague de fiançailles. Nous sommes conscients de vivre un exceptionnel moment de poésie et d’apesanteur.
(Photo du spectacle Varekai, www.cirquedusoleil.com)