Indian Palace

Le film de John Madden « Best Exotic Marigold Hotel » est une excellente comédie qui met aux prises un groupe de retraités aux prises avec la réalité indienne.

 Des retraités britanniques se laissent séduire par une publicité ventant l’ouverture à Jaipur du Best Exotic Marigold Hotel. Le directeur de l’hôtel, Sonny Kapur (Dev Patel) vise le marché britannique, un pays « où on n’aime pas les vieux ». S’il est entreprenant et beau parleur, Sonny n’est pas un manager. L’hôtel est loin d’être prêt à recevoir ses premiers pensionnaires.

 Il y a Evelyn (Judi Dench) dont le mari vient de mourir en ne lui laissant que des dettes ; Muriel (Maggie Smith), une femme pleine de préjugés qui décide toutefois d’aller en Inde subir une opération de la hanche à un tarif imbattable ; Graham (Tom Wilkinson), un juge homosexuel qui a connu comme étudiant en Inde l’amour de sa vie et a vécu sans cesse dans le remords d’avoir jeté l’opprobre sur son amant et sa famille. Il y a aussi une femme, et aussi un homme qui, malgré leur âge, cherchent une rencontre sexuelle. Et puis un couple écartelé entre la fascination de l’un pour l’Inde et la répulsion éprouvée par l’autre.

 La vie à Jaipur change en profondeur la vie des protagonistes. Evelyn, qui rend compte sur son blog des événements, cherche du travail. Elle devient « conseillère culturelle » d’un call centre où travaille l’amie de Sonny. Une excellente scène du film est celle où elle joue le rôle d’une retraitée anglaise recevant un appel du call centre.

 Généralement snobé par les critiques britanniques, le film de Madden est pourtant drôle, tonique et réjouissant. Il restitue l’ambiance de la vie en Inde telle que nous l’avons perçue il y a trois ans, précisément à Jaipur, sans forcer le trait. Il se termine en « happy end » général, car les protagonistes ont progressivement renoncé à leurs idées préconçues pour accepter l’imprévu. Il offre un salutaire bain d’optimisme.

 Photographie du film « Best Exotic Marigold Hotel » : Evelyn (Judi Dench) dans une rue de Jaipur.

Les invités de mon père

« Les invités de mon père », film d’Annie Le Ny, est une réjouissante comédie dans laquelle s’effondre l’image que les membres d’une famille ont les uns des autres.

 Lucien Paumelle (Michel Aumont), quatre-vingts ans, est une personnalité de la gauche et de la société civile. Résistant, médecin, militant pour l’avortement et maintenant pour les droits des sans-papiers, c’est un personnage respecté. Sa fille Babette (Karin Viard) s’est efforcée de suivre ses traces, médecin dans un dispensaire, militante, vivant en couple sans être mariée ; son fils Arnaud (Fabrice Luchini) s’est construit contre son père une vie bien rangée, avocat,  époux d’une femme aimant l’argent, père de deux enfants, portant sur la vie un regard désabusé.

 Lucien accueille chez lui une Moldave sans papiers et sa fille. Mais Tatiana (Veronica Novak) est une jeune femme superbe et ambitieuse. Pour assurer l’avenir de sa fille, elle est prête à tout, même à transformer son mariage blanc avec Lucien en mise à disposition de son corps contre la disposition de ses biens. Arnaud porte un regard amusé sur la transformation de son père de militant convaincu en amoureux déjanté d’une « pute » ; pour Babette, c’est l’image idéalisée de son père, et donc celle qu’elle se faisait d’elle-même, qui s’effondre.

 L’égarement de Lucien n’a plus de borne. Il convainc ses enfants à renoncer à leur héritage. Dans son cœur et son esprit, Tatiana les a totalement évincés. Il leur reste une solution : dénoncer le mariage blanc de leur père à la Préfecture, faire déporter Tatiana et sa fille.

On rit beaucoup au film d’Annie Le Ny. Mais le film glisse, doucement, de la farce à l’humour noir. Ce faisant, elle nous montre des personnes à la recherche de leur identité une fois que la respectabilité, fût-elle celle de la générosité militante, se fissure.

 Photo du film « Les invités de mon père », Michel Aumont et Karin Viard.

Les Descendants

Le film « Les Descendants » nous montre George Clooney dans le rôle d’un homme au milieu de sa vie, dont le destin vacille.

 Matt King (George Clooney) est le descendant d’une grande famille d’Hawaï, propriétaires terriens depuis des générations. C’est de famille et de descendance qu’il s’agit. Elizabeth, la femme de Matt, est tombée dans un coma profond à la suite d’un accident de hors-bord. Le couple a deux filles, Alexandra (Shailene Woodley), 17 ans, et Scottie (Amara Miller), 10 ans. L’aînée est une adolescente révoltée qui se réfugie dans l’alcool et la drogue. Elle révèle à son père qu’Elizabeth avait un amant et était décidée à demander le divorce. Matt se sent coupable d’avoir privilégié son travail d’avocat à sa femme et ses filles, et il se rend compte du fossé qui s’est créé avec elles.

 Matt est le mandataire de la fiducie propriétaire, au nom de la famille, de la terre héritée des ancêtres. Un consensus s’est établi entre les cousins pour vendre cette terre à des promoteurs, ce qui rendra chacun d’entre eux millionnaire.

 Matt se sent intensément fragile et vulnérable. Avec ses filles, il part à la recherche de l’amant d’Elisabeth. Lorsqu’il parvient à le rencontrer, son objectif est tout sauf clair : s’agit-il de se venger de la tromperie en faisant s’effondrer le mariage de son rival, ou d’inciter ce dernier à rendre visite à Elizabeth sur son lit de mort, allant ainsi à la rencontre de ce qui aurait certainement été son désir intime ?

 Faut-il vendre le domaine ? Quand faut-il autoriser les médecins à débrancher les appareils qui maintiennent artificiellement Elizabeth en vie ? Comment renouer les fils avec Alexandra et Scottie ? Est-il possible de repartir, d’aller de l’avant malgré le deuil et les échecs d’avant le deuil ?

 Le film ne manque pas de qualités, mais je suis assez d’accord avec la critique de Peter Bradshaw dans The Guardian : « Les films précédents de Payne tournaient autour de ce qui arrive – aux hommes spécialement  – lorsque la fin de la vie est en vue, quand les buts et les aboutissements ne sont plus réalisables, et qu’il faut bien donner un sens à tout cela. Les Descendants porte en principe sur le même genre de choses, mais enveloppées dans une romantique couverture de confort ».

 La performance d’acteur de Clooney dans le rôle d’un homme déboussolé est très largement saluée, mais son image de superman rend sa crise existentielle finalement peu crédible, d’autant plus que tout autour de lui, y compris la toxicomanie de sa fille, semble fondre comme neige au soleil sous la chaleur de son amour paternel.

Un aspect intéressant du film est la découverte d’Hawaï comme un pays réel, habité par des gens qui ne sont pas en vacances. La bande sonore, composée de musiques hawaïennes, est belle.

 Photo du film « Les Descendants ».

Les Acacias

Le film « Les Acacias » de l’Argentin Pablo Giorgelli (2011) nous raconte, presque sans paroles,  la naissance d’une relation entre un homme et une femme meurtris par la vie, par la magie d’une fillette de quelques mois.

 Rubén (Germán De Silva), homme d’une quarantaine d’années, est chauffeur routier. Au volant d’un camion datant des années soixante, cahotant et bruyant, il conduit un chargement de bois d’acacia du Paraguay à Buenos Aires. Son patron lui a demandé de prendre comme voyageuse Jacinta (Hebe Duarte), mais ne l’a pas informé que Jacinta emmènerait avec elle son bébé de cinq mois, Anahi.

 Le début du voyage est éreintant. Rubén ne supporte pas les cris de la petite fille affamée ni les pauses nécessaires pour lui faire prendre son biberon et la changer. Mais Anahi, avec ses yeux tout noirs grands ouverts, est fasciné par cet homme concentré et silencieux. Peu à peu le rempart se fissure. Rubén apprend que Jacinta s’est mise en route pour trouver du travail en Argentine et fuir la misère, et qu’Anahi n’a pas de papa ; Jacinta apprend que Rubén est père d’un garçon qu’il n’a pas vu depuis huit ans.

 Tout dans ce film, qui n’a pour seule bande sonore que le bruit lancinant du camion d’acacias, est dans les regards qui s’évitent et se rencontrent, la main calleuse du chauffeur routier rencontrant celle de la fillette, une bouteille d’eau partagée. Il semble ne rien se passer, et pourtant dans le huis-clos de la cabine du camion se joue, peut-être, la naissance d’un amour.

 Photo du film « Les Acacias ».