Le meilleur papa du monde

101003_world_greatest_dad.1289939440.jpg

Dans « World’s Greatest Dad », Robin Williams trouve un rôle à sa mesure, désespéré mais humain.

Lance Clayton mène une vie marquée par l’échec. Plaqué par sa femme, menacé de perdre son emploi de professeur, auteur de livres dont aucun n’a été accepté par les éditeurs, il est surtout désemparé par son fils Kyle. En situation d’échec scolaire, chahuté et ridiculisé par ses condisciples, Kyle vit dans un isolement presque total (il n’a qu’un ami), dans l’obsession du sexe des femmes et les jeux sur ordinateur. Il hait son père.

Lorsque Kyle meurt accidentellement par étouffement à la suite d’un jeu vidéo qui a mal tourné, Lance maquille son décès en suicide. Il invente des lettres posthumes et attribue à Kyle un des livres qu’il avait écrits et qui était resté non publié. Peu à peu, Kyle devient le héros et une source d’inspiration pour les lycéens ; le proviseur lui-même reconnaît en lui un surdoué qu’il n’avait pas su comprendre. Lance fait la conquête d’une ravissante collègue en s’appuyant sur une lettre que Kyle aurait écrite pour vanter le couple qu’elle et son père adoré pourraient former.

Le sommet du film est un plateau de télévision où Lance est invité à livrer son témoignage bouleversant. Un technicien lui a conseillé, s’il pleure, de lever les yeux pour que la caméra puisse fixer les larmes. Le numéro d’acteur de Robin Williams, pris entre les larmes de désespoir pour son fils mort qu’il n’a jamais su comprendre et le rire pour la situation absurde dans laquelle il se trouve, est magnifique.

La bibliothèque du lycée va être dédiée à la glorieuse mémoire de Kyle Clayton. C’est le moment que choisit Lance pour retirer son masque.

Photo du film « World’s Greatest Dad ».

Mange, Prie, Aime

100925_mange_prie_aime.1294485449.jpg

Le film de Ryan Murp hy « Mange, prie, aime, nous parle d’une femme qui s’échappe d’un mariage exemplaire de l’extérieur, malheureux de l’intérieur.

Adapté d’un best seller d’Elizabeth Gilbert, le film raconte l’histoire de Liz, en apparence heureusement mariée mais qui, bien qu’actrice de chacun des moments de son couple, ne parvient pas à y trouver sa propre vérité. En Italie, elle cherchera l’amitié autour d’une bonne table ; dans un Ashram en Inde, elle apprendra par la méditation à lâcher prise ; en Indonésie, elle découvrira l’amour.

On a du mal à vraiment croire en la détresse de Liz et surtout en sa reconstruction dans des paysages de cartes postales qui parviennent à restituer jusqu’aux parfums de Rome, de l’Inde et de Bali mais ne peuvent tenir lieu d’aventure spirituelle.

Julia Roberts domine ce film fait pour elle. Elle est solaire, comme toujours.

Photo du film « Mange, prie et aime ». Liz (Julia Roberts) à la table d’une trattoria à Rome.

Gainsbourg, Vie Héroïque

100919_gainsbourg_vie_heroique2.1294485878.jpg

Le premier film de Joann Sfar présente une biographie de Serge Gainsbourg largement inspirée de l’univers de la bande dessinée.

Jusqu’à sa rencontre avec Jane Birkin, Serge (joué par Eric Elmosnino) est accompagné par un double : un gros bonhomme protecteur pendant son enfance de juif russe à Paris sous l’occupation nazie, un personnage dégingandé avec un nez énorme et des doigts immenses lorsque, peintre puis chanteur, il fréquente les caves de Saint Germain des prés, affamé de célébrité et de femmes, saoulé d’alcools et de vapeurs de tabac.

La protection de son double donne à Serge enfant (magnifiquement interprété par Kacey Mottet) un incroyable culot : il revendique le port de l’étoile jaune comme une décoration, il séduit (déjà !) une modèle de l’académie de peinture qu’il fréquente. Le double de Serge devenu adulte le pousse à franchir le pas, quand il s’agit de se faire remarquer de Boris Vian, d’entrer dans l’intimité de Juliette Gréco et surtout, de vivre une relation d’érotisme exacerbé avec Brigitte Bardot (Laetitia Casta, superbe).

Le film est conçu comme une série de planches de bandes dessinées à différentes périodes de la « vie héroïque » du chanteur, chacune totalement imprégnée du parfum, du corps et de l’esprit d’une femme, chacune féconde de chansons immortelles.

Photo du film Serge Gainsbourg, Vie Héroïque.

Copie Conforme

100912_copie_conforme.1294492368.jpg

« Copie Conforme », le dernier film du réalisateur iranien Abbas Kiorastami, nous propose un fascinant portrait de femme.

Dans une petite ville de Toscane, un critique d’art (joué par le chanteur d’opéra William Shimell) donne une conférence sur son dernier livre consacré à la valeur des reproductions. Au premier rang, une femme (Juliette Binoche) semble boire ses paroles ; comme le dira son jeune fils, elle est fascinée par l’orateur. Elle l’invite à passer ensemble l’après-midi. Il y a tant de réserve et de distance entre eux, elle semble si écartelée entre le désir de la rencontre et la timidité, qu’on croit qu’ils viennent de faire connaissance.

En réalité, ils sont maris et femme depuis quinze ans, mais elle élève seule leur fils. Elle tente de faire sa reconquête. Elle l’entraîne dans le village où ils ont passé leur nuit de noce, près d’un sanctuaire censé porter chance aux dizaines de couples qui viennent s’y faire photographier et reproduisent ainsi le modèle originel du mariage parfait. Désespérant de retrouver un homme sur l’épaule de qui reposer sa tête, elle se maquille et met ses plus belles boucles d’oreille et le supplie de la regarder.

L’homme finit par lui déclarer qu’elle est plus belle aujourd’hui qu’au jour de leurs noces, mais le malentendu est insurmontable. Il n’est pas possible de remonter le temps, de remonter de la copie à l’original et de l’original au modèle. Le film laisse un profond sentiment de frustration et de tristesse, mais cette profondeur abyssale fait la beauté de l’œuvre cinématographique.

Juliette Binoche a reçu pour ce rôle la palme de la meilleure actrice au Festival de Cannes. « Quand mon personnage lui parlait comme s’il était son mari, je parlais à William exactement comme s’il était mon mari », dit Juliette. « Alors que nous travaillions ensemble, nos rythmes discordants tombaient bien et nous n’avons jamais essayé de briser ce rythme. Jouer, c’est comme peler un oignon, vous devez retirer chaque couche pour en révéler une autre ». Elle dit aussi « je n’ai pas le sentiment d’avoir des racines. Les racines que je peux avoir sont plus à l’intérieur de moi que là où je vis ». Et encore : « Mon but a toujours été d’avoir des expériences humaines dans mon travail ».

Photo du film « Copie Conforme ».