L’Arnacoeur

100719_arnacoeur.1279568016.jpg

L’Arnacoeur, film de Pascal Chaumeil, est une comédie divertissante sur une trame originale.

J’avoue avoir eu du mal à me laisser faire par l’Arnacoeur. Le personnage central, Alex (Romain Duris), est vraiment trop immoral. Il a fait de la destruction des couples un business. Certes, il prétend que sa déontologie ne lui permet de s’attaquer qu’à des couples dans lesquels la femme est manifestement malheureuse : il ne fait finalement que les délivrer d’un mari ou d’un compagnon pas taillé pour elles ! Mais associé à sa sœur et son beau-frère, tous les moyens classiques du contre-espionnage sont bons pour réussir une arnaque sentimentale : écoutes, agressions, déguisements, détournement du courrier.

Il m’a toutefois fallu reconnaître bien vite que le thème est original et qu’il est traité avec doigté. La nouvelle mission d’Alex est de briser le projet de mariage de Juliette (Vanessa Paradis) avec Jonathan, un bel américain gentil et amoureux. Au culot, Alex va s’imposer dans le rôle de garde du corps de la jolie fiancée. Le garde du corps imaginaire finira par tomber amoureux pour de bon de sa supposée protégée.

Il y a dans le film de délicates réminiscences de James Bond, tels l’attirail technologique des associés d’Alex et, du côté des méchants, une brute aussi gigantesque que stupide. Mais elles sont placées dans un contexte franchement loufoque qui ne tombe jamais dans le vulgaire.

Un bon moment de cinéma est l’escapade d’Alex et Juliette la nuit précédant le mariage de celle-ci. Sur la piste d’un restaurant désert, ils dansent une scène de Dirty Dancing et se découvrent l’un l’autre comme un couple. C’est magnifiquement chorégraphié, sensuel, plein de l’intensité d’une rencontre déjà spirituelle parce que pleinement charnelle.

Photo du film l’Arnacoeur.

Le Continent Féminin

100719_giraudeau_caprices_fleuve2.1279562445.jpg

Bernard Giraudeau, qui vient de mourir à un âge peu différent du mien, a laissé une trace dans ma vie.

« J’ai eu envie de goûter à tout, de voyager, et le plus beau des voyages c’est le continent féminin ». Dans Sud-Ouest (18 juillet), Régine Magné cite cette phrase de Bernard Giraudeau. C’est une belle phrase, qui caractérise bien le personnage qui vient de disparaître : vorace de la vie, aventurier, séducteur.

Bernard Giraudeau faisait partie de ma vie. Je l’ai applaudi au théâtre, j’ai admiré son jeu d’acteur dans plusieurs films. J’avais particulièrement aimé « Les Caprices d’un Fleuve », le film qu’il avait réalisé en 1996. Un nobliau est envoyé en 1787 en garnison à Saint Louis du Sénégal, puni pour un duel. Commandant une escadre sur le fleuve, il est fasciné par le Continent Africain, sa lumière, sa mesure différente du temps qui passe. Il adopte une jeune esclave peule et tombe amoureux d’une métisse. Ses prejugés raciaux s’effritent peu à peu. La musique du film, due à René Marc Bini, est magnifique.

Illustration : les Caprices d’un Fleuve.

Des mots d’amour

100711_mots_amour.1278927928.jpg

France 2 a diffusé le 11 juillet, à une heure tardive et en concurrence avec la finale de la Coupe du Monde de football, un joli premier téléfilm de Thomas Bourguignon : « Des mots d’amour ».

Eric (Michel Vuillermoz), employé dans une compagnie d’assurance, reçoit de son médecin la confirmation de ce qu’il est atteint précocement de la maladie d’Alzheimer. Il en connaît les ravages : son père est mort de cette maladie, et sa mère indirectement aussi, écrasée par l’épreuve d’accompagner un homme devenu étranger à lui-même et paranoïaque.

Mais voilà. Il tombe amoureux d’Alice (Clotilde Courau), une délicieuse jeune femme qui travaille depuis quelques mois au service des ressources humaines de la même compagnie. Alice en retour aime cet homme doux et distrait. Pour que cet amour dure le plus possible, Eric lui cache, à elle et à ses collègues de travail, sa maladie. Il s’organise pour combler les trous de sa mémoire défaillante, à coups de carnets et de dizaines de post-it. Il se filme en vidéo pour imprimer au plus profond de sa mémoire son identité. Mais la maladie progresse. Bon pianiste, Eric trébuche de plus en plus sur sa partition. Lorsque le masque tombe, Alice se sent trahie. Mais par amour, elle décide d’accompagner son homme jusqu’à la frontière de la dissolution de son moi.

« Des mots d’amour » est un beau film, dans la ligne de « Se souvenir des belles choses » de Zabou Breitman avec Isabelle Carré et Bernard Campan. On peut regretter que, malgré la sensibilité des acteurs, certaines séquences sonnent un peu faux. Mais l’écriture cinématographique est intéressante : par un jeu de flash back et de fondus enchaînés, le réalisateur parvient à créer chez le téléspectateur un sentiment de trouble, une intuition de « quelque chose qui cloche ». En d’autres termes, il parvient à communiquer un peu de l’intolérable malaise des victimes de l’Alzheimer.

Photo : Clotilde Courau et Michel Vuillermoz dans « Des mots d’amour ».

La tête en friche

100710_tete_en_friche2.1278778869.jpg

« La tête en friche » de Jean Becker n’est pas ce qu’on appelle un « grand film ». Mais on se laisse volontiers entraîner par son optimisme et par le talent des acteurs, en particulier Gérard Depardieu et Gisèle Casasus.

Germain (Gérard Depardieu) est un « looser ». Il vit dans une petite ville de petits boulots, est un pilier du bistrot « chez Francine », habite dans une caravane dans le jardin de sa mère, qu’il n’a jamais quittée bien qu’elle l’ait toujours traité par le mépris. Il a la tête en friche. Elevé sans père, tête de turc de son instituteur, considéré par sa mère comme un gêneur et un minable, c’est un pauvre gars sans repère. Ou du moins, c’est ainsi qu’il parait. Car dans son potager, Germain est un prince qui sait dénommer plus de variétés de tomates qu’il n’y en a dans le Petit Robert. Et dans sa caravane, ses nuits ont un trésor : Annette (Sophie Guillemin), une jolie femme d’une trentaine d’années, des yeux bleus à faire chavirer, l’aime de pur amour. 

La rencontre dans un jardin public avec Margueritte, quatre vingt quinze ans passés, va permettre a Germain d’ordonner son jardin mental. Elle lui lit Albert Camus et Romain Gary, et c’est pour lui une révélation. Sa richesse intérieure était scellée sous un manteau d’apparente inculture, de la même manière que l’amour que sa mère lui portait était cachée sous une apparence d’inextinguible hostilité. Avec Annette et Margueritte, Germain est prêt à fonder une famille.

« La tête en friche » chasse dans les territoires de Harold et Maud (un adolescent suicidaire sauvé par une vieille dame débordante de joie de vivre) et du Liseur (une ancienne gardienne de camp de concentration nazi hantée par son analphabétisme). Le film est loin d’atteindre leur profondeur, mais il raconte une bien belle histoire.

Photo du film « la tête en friche », Gérard Depardieu et Gisèle Casasus.