Objectif SMART : sourire

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L’une des tâches ardues du management est de fixer des objectifs SMART : spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et avec un temps assigné pour sa réalisation. Le film Invictus de Clint Eastwood nous en donne une jolie illustration.

Le tout nouveau président Nelson Mandela prend possession de ses fonctions et de son bureau. Le chef du service d’ordre, noir, qu’il a nommé, réclame des renforts pour assurer la sécurité d’un président qu’une partie de la population n’accepte pas. Dans le cadre de sa politique de réconciliation et de construction d’une nation multiraciale, Mandela lui envoie plusieurs anciens gardes du corps de De Klerk, blancs naturellement.

La coexistence entre les ennemis d’hier au sein de la nouvelle équipe est difficile. Les blancs ont du mal à accepter un chef noir ; les noirs ne croient pas en la loyauté de leurs nouveaux collègues. Pourtant, le tableau de service se met en place. Un objectif est fixé aux gardes du corps : sourire. Si face à une foule hostile ils affichent un visage crispé, l’objectif leur est fermement rappelé  par le circuit radio interne.

Ceci pourrait être un bon exemple de management. Pour les gardes du corps, sourire est un objectif SMART. Il est Spécifique : il n’entre pas dans la description de fonction du garde du corps, c’est un effort particulier qui est demandé. Il est Mesurable : le chef pourrait mesurer le nombre et la durée des sourires ! Il est Atteignable, même si le réaliser demande certainement de gros efforts aux « gorilles ». Il est Réaliste, car l’effort n’est tout de même pas surhumain. Enfin, il y a un Temps assigné pour sa réalisation : tout de suite !

(Photo du film Invictus)

Invictus, Freeman

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Dans le film Invictus, Morgan Freeman joue le rôle de Nelson Mandela. Dans un extraordinaire jeu d’acteur, il parvient à rendre la détermination d’un homme qui, en captivité, n’avait jamais été vaincu et qui, arrivé au pouvoir, mit à l’épreuve sa conviction que rien ne peut résister à la force de l’esprit.

Le film Invictus de Clint Eastwood est consacré au pari de Nelson Mandela sur la coupe du monde de rugby jouée en Afrique du sud en 1995. Bien que l’image des Springboks fût associée à l’apartheid et malgré la faiblesse de l’équipe nationale anémiée par des années d’exclusion des compétitions internationales, le tout nouveau président misa sur cet événement pour créer symboliquement un pays arc-en-ciel

Le patronyme de Morgan Freeman, homme libre, contient en soi le programme de vie de Nelson Mandela. L’acteur parvient à entrer totalement dans la peau de son personnage, au point que malgré la dissemblance physique, on croit voir « Madiba » lui-même. La silhouette est la même, grande, majestueuse. Comme Mandela, Freeman marche lentement, un peu à cause de l’âge, beaucoup parce qu’il est maître de son temps. Freeman, dont l’anglais est la langue maternelle, s’exprime comme Mandela dans un anglais impeccable mais étranger. L’étrangeté de la langue met en relief la profondeur des mots et la force des convictions.

Morgan Freeman incarne de manière brillante un aristocrate de l’esprit, un xhosa né d’une famille royale mais surtout un personnage apuré par 27 ans de résistance spirituelle et politique. Au cinéma Vue de Watford, le public a applaudi après la projection. Beaucoup de ces applaudissements s’adressaient à son extraordinaire performance d’acteur.

(Photo : Morgan Freeman dans le rôle de Nelson Mandela dans Invictus)

Mandela, combattant de la liberté

   

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A l’occasion de la sortie au Royaume Uni du film Invictus, je propose une lecture de l’autobiographie de Nelson Mandela,  Une longue marche vers la liberté (Long walk to freedom, Nelson Rolihlahla Mandela, Back Bay Books, Little, Brown and Company, 1994, 1995).

La volumineuse autobiographie de Nelson Mandela (plus de six cents pages) couvre la période qui va de sa naissance dans le Transkei le 18 juillet 1918 à son accession à la Présidence du premier gouvernement multiracial d’Afrique du Sud à Johannesburg le 10 mai 1994. Elle nous parle de la lutte d’un peuple pour la dignité : sous le régime de l’apartheid, un blanc pouvait réquisitionner n’importe quel passant noir dans la rue et lui faire porter un colis ; le régime des prisons prévoyait le port du short par les noirs, au prétexte qu’ils étaient des « boys ». Pendant des dizaines d’années, la répression s’intensifia avec la montée de la résistance, mais Mandela et ses camarades ne se rendirent jamais.

Chemins nouveaux

Ce qui frappe d’abord chez cet homme, c’est sa capacité à rompre avec le passé et à emprunter des chemins nouveaux sans regarder en arrière. Jeune homme, il s’enfuit à Johannesburg pour échapper au mariage arrangé par son père adoptif, le régent du royaume de Thembu : ni la précarité ni la faim ne le persuadent de revenir à la vie tranquille de notable à la cour.

Acquitté le 29 mars 1961 au terme d’un procès pour haute trahison qui avait duré trois ans, il est convaincu que l’Etat va frapper de nouveau et plus fort, et il plonge dans la clandestinité. Peu après, il crée Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l’African National Congress (ANC).

Arrêté en 1963, il est de nouveau aux prises avec la Justice et menacé de la peine de mort par pendaison. Ses co-accusés et lui ne contestent qu’une partie des charges qui pèsent sur eux et annoncent qu’ils ne feront pas appel. Confrontés à une défense habile et au risque de faire des martyrs, les juges les condamnent à la réclusion à perpétuité et les envoient au bagne de Robben Island. Nelson Mandela y restera jusqu’en 1982 et ne sera libéré de prison qu’en février 1990.

En 1985, séparé de ses compagnons dans la prison de Pollsmoor, il estime que le temps de la négociation est venu, et sans en référer aux structures de l’ANC,  il propose au ministre de la justice Kobie Coetsee des « pourparlers sur les pourparlers ». Il lance ainsi une dynamique qui s’imposera à ses ennemis et à ses propres camarades et débouchera sur les élections libres de 1993.

Un juriste

Dans la clandestinité et au bagne, soumis à des conditions extrêmes, séparé des siens, il ne se décourage pas. Chaque matin, il s’impose un entraînement de boxeur. Il obtient de l’administration pénitentiaire de cultiver un jardin. Il lutte pied à pied pour faire respecter les droits, fussent-ils minimes, que le système reconnait aux reclus. Car Mandela est un juriste. Lorsqu’il commence sa carrière d’avocat, l’Afrique du Sud est un Etat du Commonwealth placé sous la couronne d’Angleterre. Il prend appui sur les lois et ce qui reste de l’indépendance de la justice. L’état de droit peut reculer d’état d’exception en état d’exception, il reste toujours des textes et des procédures auxquelles s’accrocher pour le combat. En prison, le règlement peut être d’une cruelle sévérité (une lettre tous les six mois…), il reste qu’il constitue un cadre que, face à Mandela, l’administration ne peut bafouer impunément.

Un homme libre

«Je ne suis pas né avec la faim d’être libre. Je suis né libre – libre de toutes les manières que je pouvais connaître. Libre de courir dans les champs près de la hutte de ma mère, libre de nager dans le ruisseau clair qui traversait mon village, libre de faire rôtir des maïs sous les étoiles et de monter des bœufs lents et puissants. Dans la mesure où j’obéissais à mon père et respectais les coutumes de ma tribu, je n’étais pas troublé par les lois de l’homme ou de Dieu.

C’est seulement lorsque j’ai commencé à apprendre que la liberté de mon enfance était une illusion et lorsque, jeune homme, j’ai découvert que la liberté m’avait toujours été enlevée, que j’ai commencé à avoir faim d’elle. Au début, en tant qu’étudiant, je voulais la liberté seulement pour moi, la liberté passagère d’être capable de rester dehors la nuit, de lire ce qui me plaisait et d’aller où je choisissais d’aller. Plus tard, homme jeune à Johannesburg, j’aspirai aux libertés fondamentales et honorables d’aller au bout de mon potentiel, de gagner ma vie, de me marier et d’avoir une famille – la liberté de ne pas être entravé par une vie enserrée par la loi.

Mais je vis alors peu à peu que non seulement je n’étais pas libre, mais que mes frères et sœurs n’étaient pas libres. Je vis que ce n’était pas seulement ma liberté qui était tronquée, mais la liberté de quiconque me ressemblait. C’est alors que j’ai joint le Congrès National Africain, et c’est alors que la faim de ma propre liberté devint la plus grande faim de la liberté de mon peuple. Ce fut ce désir de la liberté de mon peuple à vivre sa vie avec dignité et respect de soi qui anima ma vie, qui transforma un jeune homme effrayé en un audacieux, qui conduisit un avocat respectueux de la loi à devenir un criminel, qui transforma un mari amoureux de sa famille en un home sans toit, qui obligea un homme amoureux de la vie à vivre comme un moine. Je ne suis pas plus vertueux et n’ai pas plus l’esprit de sacrifice que mon voisin, mais j’ai découvert que je ne pouvais même pas jouir des pauvres libertés restreintes qui m’étaient consenties alors que je savais que mon peuple n’était pas libre. La liberté est indivisible ; les chaînes de n’importe quelle personne de mon peuple étaient les chaînes de tous, les chaînes de tout mon peuple étaient les miennes propres. »

Nelson Rolihlahla Mandela : freedom fighter, un combattant de la liberté.

(Photo : Mandela devenu président de l’Afrique du Sud visitant sa cellule à Robben Island)

Ma nuit chez Maud (suite)

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 Dans un précédent article j’ai souligné que le film « Ma nuit chez Maud » d’Eric Rohmer avait été marquant pour moi. TV5 vient de le diffuser en hommage au cinéaste disparu.

J’ai écrit l’article du 14 janvier sur la base de mes souvenirs. Je présentais le scénario comme l’histoire d’un fiancé tiraillé entre passion et fidélité. Il est en vérité plus ambigu et subtil. Le personnage joué par Jean-Louis Trintignant, jeune ingénieur chez Michelin, est attiré par une jeune femme blonde parmi les fidèles de la messe du dimanche. Lorsqu’il passe chez Maud la nuit de Noël, il ne lui a pas adressé la parole. C’est cette nuit d’intenses désir et frustration qui lui donne l’impulsion d’aborder Françoise.

Elle-même fervente catholique, Françoise sort meurtrie et culpabilisée d’une liaison tumultueuse avec un homme marié, marié avec Maud saurons-nous à la fin du film.

L’ombre de Blaise Pascal, que j’ai mentionné dans mon article « nuit », rôde sur Clermont Ferrand, ville noire ouverte sur le ciel. Faut-il parier sur l’existence de Dieu ? Ce pari implique-t-il de renoncer aux plaisirs ? La « vie chrétienne » est-elle une vie nouvelle ou un code moral générant la mauvaise conscience ?

(Photo du film « Ma nuit chez Maud »)