TV5 Europe vient de diffuser le film « Je veux voir » dans lequel Catherine Deneuve joue son propre rôle de spectatrice du Liban en ruine.
En visite au Liban en 2007 à l’occasion d’un gala, Catherine Deneuve demande à voir les séquelles des guerres, y compris celle déclenchée par Israël l’année précédente. Son voyage d’une journée à Beyrouth et dans le sud libanais est l’objet du film de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, « Je veux voir », de 2008.
Les fonctionnaires de l’Ambassade de France déconseillent ce périple : l’otage Deneuve n’aurait pas de prix ! Mais on ne résiste pas à une Diva. Voici Catherine passagère d’une voiture conduite par Rabih Mroué, une star du cinéma libanais et escortée par une équipe de tournage et des gardes du corps.
L’expérience est traumatisante. Dans la banlieue de Beyrouth, l’équipe se voit interdire de filmer les immeubles détruits, mais il est difficile de comprendre par qui : par des habitants du quartier ? Par des autorités, de droit ou de fait ?
Rabih s’arrête dans le village du Sud Liban où il a passé son enfance. A son désespoir, il ne retrouve pas, parmi les ruines, la maison familiale. Le village est peuplé, mais nul ne vient lui parler et lui proposer de l’aide : hostilité de la population à l’égard d’intrus « voyeurs » ? Isolement par les autorités, françaises ou locales ? Nous ne le saurons pas davantage.
Le périple s’achève à la frontière avec Israël. Des chasseurs bombardiers passent à basse altitude à la vitesse du son et leur double bang est terrifiant. Rabih se trompe de route et s’engage dans un chemin non sécurisé. Par crainte des mines, les gardes du corps font irruption et bloquent le véhicule. Au poste frontière, d’interminables négociations s’engagent entre la force d’interposition de l’ONU et l’armée israélienne sur ce qu’il sera possible de filmer ou non.
Aux abords de Beyrouth, la voiture avance lentement le long d’un immense chantier en bord de mer où l’on sépare les gravas des immeubles détruits des armatures métalliques. Celles-ci sont récupérées, ceux-là sont rejetés à la mer. Une musique lancinante diffuse un intense sentiment d’absurdité.
Pendant tout le voyage, Catherine et Rabih échangent quelques regards et des paroles d’une affligeante banalité. Catherine parle plusieurs fois de la ceinture de sécurité, minuscule point d’ancrage dans le chaos. Catherine n’a rien de Deneuve. C’est une femme vieillie, effarée par ce qu’elle voit. Son regard dénote l’effroi, l’incrédulité et le dégoût. Mais c’est elle qui a voulu voir et elle se tient à cette résolution, courageusement.
(Affiche du film « Je veux voir »)