Ma nuit chez Maud (suite)

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 Dans un précédent article j’ai souligné que le film « Ma nuit chez Maud » d’Eric Rohmer avait été marquant pour moi. TV5 vient de le diffuser en hommage au cinéaste disparu.

J’ai écrit l’article du 14 janvier sur la base de mes souvenirs. Je présentais le scénario comme l’histoire d’un fiancé tiraillé entre passion et fidélité. Il est en vérité plus ambigu et subtil. Le personnage joué par Jean-Louis Trintignant, jeune ingénieur chez Michelin, est attiré par une jeune femme blonde parmi les fidèles de la messe du dimanche. Lorsqu’il passe chez Maud la nuit de Noël, il ne lui a pas adressé la parole. C’est cette nuit d’intenses désir et frustration qui lui donne l’impulsion d’aborder Françoise.

Elle-même fervente catholique, Françoise sort meurtrie et culpabilisée d’une liaison tumultueuse avec un homme marié, marié avec Maud saurons-nous à la fin du film.

L’ombre de Blaise Pascal, que j’ai mentionné dans mon article « nuit », rôde sur Clermont Ferrand, ville noire ouverte sur le ciel. Faut-il parier sur l’existence de Dieu ? Ce pari implique-t-il de renoncer aux plaisirs ? La « vie chrétienne » est-elle une vie nouvelle ou un code moral générant la mauvaise conscience ?

(Photo du film « Ma nuit chez Maud »)

Ma nuit chez Maud

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Le cinéaste Eric Rohmer, né en 1920, vient de mourir. « Ma nuit chez Maud » (1969) est pour moi un film marquant.

Dans Le Monde (13 janvier 2010), Jacques Mandelbaum en fait une critique magnifique. « Un homme (Jean-Louis Trintignant), moralement engagé avec une femme (Marie-Christine Barrault) en rencontre une autre (Françoise Fabian), pour laquelle il éprouve une irrésistible attirance. La longue nuit passée à ses côtés lui fera-t-elle trahir son serment? Sur le papier, voilà bien la tarte à la crème du dilemme amoureux. Chez Rohmer, cela donne un film hivernal et brûlant, dont l’effet de fascination naît du mélange d’austérité et de sensualité qui le caractérise. Aimantation pulsionnelle des corps et atermoiements de la morale conduisent à une sorte d’électrisation mentale, d’érotisation totale du langage. »

Tourné à Clermont Ferrand en hiver, le film est en effet construit sur l’antagonisme entre les principes moraux d’un jeune catholique pratiquant fidèle quoi qu’il en coûte à sa jeune fiancée et l’urgence irraisonnée de deux corps qui s’appellent l’un l’autre. La glace contre le feu. Une histoire éternelle, tournée de manière magistrale.

(Photo du film « Ma nuit chez Maud »)

Nine

  

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 Le film Nine de Rob Marshall est l’adaptation cinématographique d’une comédie musicale de Broadway inspirée par Huit et demie de Fellini. Belles femmes, chorégraphies impeccables, parfum d’Italie, nostalgie du grand cinéma italien, sentiments…

Dans « 8 ½ », Marcello Mastroianni  jouait le rôle de Guido Anselmi, un metteur en scène entouré par une cour d’admiratrices mais en panne d’inspiration. Dans « 9 », Daniel Ray-Lewis est le metteur en scène Guido Contini, censé commencer le tournage de son film « Italia » dans les studios de Cinecittà, mais sans le moindre scénario. Guido est environné de femmes, à commencer par sa mère (Sophia Loren), sa ravissante épouse (Marion Cotillard), son amante rapace (Penélope Cruz) et sa muse (Nicole Kidman). Oppressé par la catastrophe professionnelle qui s’annonce, sa crise personnelle prend un tour aigu.

Le film de Rob Marshall, metteur en scène de Chicago, est une grande comédie musicale américaine, ne lésinant pas sur les danseurs, les costumes et les décibels, parfaite dans son exécution. Son évocation de l’Italie, et spécifiquement de l’Italie de Fellini, ne sonne pas faux : une part du tournage a eu lieu dans ce pays, et on sait combien l’héritage italien est partie intégrante du patrimoine culturel américain. De Fellini, on retrouve la mise en scène des corps féminins jusqu’au vertige, la nostalgie d’une enfance en noir et blanc, les ecclésiastiques, les décors baroques grandioses en carton plâtre, les visages transfigurés par un éclairage. Le spectateur se trouve envoûté dans un univers étrange et beau.

Le personnage joué par Ray Lewis fait envie : riche, admiré, entouré de femmes superbes qui l’adorent et s’offrent à lui. Mais peu à peu on découvre un homme fragile, puis brisé, puis cherchant à se reconstruire humblement dans la reconquête de sa femme.

(Photo du film Nine)

Bright Star

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Le film Bright Star de Jane Campion met en scène l’histoire d’amour du poète romantique John Keates avec sa voisine Fanny Brawne. Sur le navire qui l’emmenait vers Rome, où il devait se soigner de la tuberculose et en mourut, Keates écrivit ce poème pour Fanny.

Bright star, would I were stedfast as thou art

Not in lone splendour hung aloft the night / And watching, with eternal lids apart, / Like nature’s patient, sleepless Eremite, / The moving waters at their priestlike task / Of pure ablution round earth’s human shores, / Or gazing on the new soft-fallen mask / Of snow upon the mountains and the moors

No

Yet still stedfast, still unchangeable, / Pillow’d upon my fair love’s ripening breast,/ To feel for ever its soft fall and swell, / Awake for ever in a sweet unrest, / Still, still to hear her tender-taken breath,/ And so live ever

Or else swoon to death.

Brillante étoile, je voudrais être aussi inébranlable que toi

Non pas suspendu dans la splendeur solitaire en haut de la nuit / A regarder, les paupières éternellement ouvertes, / Le eaux changeantes dans leur fonction sacerdotale de purification des rivages de la terre / ou à observer le masque léger de la neige / tombant sur les montagnes et les landes

Non

Mais encore inébranlable, encore inaltérable / La tête sur la poitrine mûre de mon cher amour comme sur un oreiller /Pour sentir pour toujours son doux flux et reflux / Eveillé pour toujours dans une douce insomnie / Entendre encore, encore, sa respiration pleine de tendresse / et vivre ainsi pour toujours

Ou bien me pâmer à en mourir.

(Photo : Bright Star de Jane Campion)