Totem, le Cirque du Soleil

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Comme chaque année, Le Cirque du Soleil occupe l’affiche du Royal Albert Hall en début d’année pendant plusieurs semaines. Le nom du spectacle présenté cette année est « Totem ».

A la base des spectacles du Cirque du Soleil se trouve toujours une mise en scène et une machinerie. Totem est construit autour d’un plateau circulaire surmonté d’une sorte de dôme constitué de tubes emboités qui ont l’apparence d’os de dinosaures. Dès la première scène, des acrobates exécutent un ballet dans les intervalles de la structure, s’élancent d’un trampoline, virevoltent en prenant appui sur ses montants. Leur habit de scène est étincelant de couleurs. Plus tard dans le spectacle, le dôme sert de baldaquin ou de fond de scène.

Au second plan, des images de vagues se brisant sur une grève ou de torrent se frayant un passage entre les rochers se projettent sur un plan incliné. Vers la fin du spectacle, on voit des nageurs glisser au fil de l’eau ; exactement au point où ils arrivent au bord du plan incliné émergent des nageurs identiques, mais en chair et en os. Le plan incliné joue un rôle important dans la circulation des acteurs : une passerelle articulée s’en détache parfois et se déploie jusqu’au plateau central ; de multiples trappes s’ouvrent opportunément.

Le Cirque du Soleil offre un spectacle totalement tridimensionnel, dans lequel les corps se jouent gracieusement de la pesanteur. Sans doute faut-il aussi ajouter une quatrième dimension, celle de la musique, omniprésente et résolument cosmopolite. Et aussi une cinquième, celle de la lumière et de la couleur.

Tout est chorégraphié. Les accessoiristes sont grimés en chimpanzés, en hommes préhistoriques ou en traders de la City ; les accessoires sont escamotés le temps d’une pitrerie ou d’un pas de danse, quand ils ne sont pas aspirés verticalement jusqu’à plusieurs dizaines de mètres du sol.

S’il ne faut retenir qu’un numéro de ce magnifique spectacle, je citerai celui d’un couple de trapézistes. Il ne s’agit pas d’athlètes voltigeant d’un trapèze à un autre. Ils partagent la même barre horizontale maintenue par deux cordes verticales, mais leur coexistence est plutôt violente. Ils se font face, s’entrelacent, se séparent, se lâchent et se rattrapent brusquement. En fusion, ils n’aspirent qu’à voler de leurs propres ailes ; éloignés de quelques centimètres, ils n’aspirent qu’à se rejoindre sans trêve. C’est une pure allégorie de la vie en couple, où le désir de l’autre est aussi violent que la soif d’exister par soi-même.

Photo The Guardian : Totem, spectacle du Cirque du Soleil au Royal Albert Hall.  

Chicago, comédie musicale

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La comédie musicale Chicago est à l’affiche depuis treize ans à Londres. Cette longévité se justifie par la qualité du spectacle et de ses acteurs.

D’emblée, nous sommes avertis : nous entrons dans le monde louche du Chicago de la prohibition, un monde de sexe et d’alcool, un monde où un avocat habile peut faire acquitter un criminel et le propulser dans la gloire. C’est précisément de gloire que rêvent Roxie Hart et Velma Kelly, emprisonnées pour meurtres, qui rivalisent dans la séduction à l’égard de l’avocat Billy Flynn, qui pourra leur procurer acquittement et célébrité.

La mise en scène tient de l’exploit. Il n’y a pas de fosse d’orchestre au Cambridge Theatre, et les musiciens sont placés sur une tribune faisant face aux spectateurs. Intelligemment, cet inconvénient est transformé en un atout : la tribune sert d’extension à l’espace exigu du plateau et les acteurs interagissent fréquemment avec les musiciens.

La virtuosité des acteurs-chanteurs-danseurs déjoue les lois de la gravité. Nous oublions dans le rythme de la musique le poids des journées d’hiver, nous sommes étourdis de sauts et pirouettes, nous sommes émerveillés par la souplesse et la grâce des corps. Plusieurs scènes sont inoubliables, en particulier celle-ci. L’avocat convoque la presse pour raconter l’histoire, réarrangée par lui, de Roxie. La jeune femme est sur ses genoux pendant que les journalistes forment autour d’eux un ballet scintillant. L’avocat chante comme un ventriloque, et c’est Roxie qui ouvre la bouche exagérément. La fascination des médias pour le fait divers croustillant, leur manipulation par un homme qui considère la justice comme un pur spectacle, sont rendues de manière drôle et cruellement vraie. Un peu plus tard dans le spectacle, une jeune étrangère proteste de son innocence mais, faute d’un tel appui, est condamnée à la pendaison : son jugement et son exécution sont évoquées brièvement mais avec une grande force.

Critique sociale, érotisme, rythme, jaillissements, élégance. Quel bon spectacle !

Illustration : Chicago, au Cambridge Theatre de Londres.

Victor Hugo, mon amour

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« Aimer, c’est plus que vivre », écrivit Juliette Drouet, l’amante et muse de Victor Hugo. Anthéa Sogno lui rend un vibrant hommage.

Nous n’avons pu aller au théâtre lors de notre passage à Paris et c’est donc en DVD que nous regardons « Victor Hugo, mon amour », la pièce d’Anthéa Sogno dont la Comédie Bastille vient de donner la dernière représentation.

La pièce est tirée des 23.650 lettres échangées pendant 50 ans entre Juliette et Victor. Juliette aime, adore et vénère Victor, elle est comme fascinée par sa lumière, elle s’ouvre et se donne à lui charnellement et spirituellement. Sa passion la fait vivre avec une intensité inouïe, entre jouissance et désespoir. C’est que si Victor est un amant fougueux et romantique, c’est aussi un bourreau de travail qui la délaisse pendant des jours pour écrire ou corriger des épreuves, c’est un père de famille intentionné qui n’entend pas laisser les siens pour sa maîtresse, c’est un amant jaloux qui contraint Juliette à se cloîtrer pour prouver sa fidélité, c’est un chaud lapin qui vit pendant des années une idylle parallèle avec une femme plus jeune, Léonie, c’est un dramaturge jalousé que les ennemis atteignent en ruinant la carrière de comédienne de sa muse.

Juliette sauve la vie de Victor en lui procurant une fausse identité lors du coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Il a 49 ans, elle en a 46. Elle vivra près de sa maison à Guernesey, fréquentera ses enfants. Leur amour durera jusqu’à la mort de Juliette en 1883. Victor Hugo cessera alors d’écrire : l’amour inconditionnel de Juliette avait probablement joué un rôle déterminant dans sa prodigieuse fécondité littéraire.

Anthéa Sogno a écrit cette pièce et l’interprète avec sensualité, passion et vérité.

Photo : Anthéa Sogno et Sacha Petronijevic dans « Victor Hugo, mon amour ». Site Internet : http://www.victor-hugo-mon-amour.fr

Jersey Boys

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Pas moins de 22 comédies musicales sont à l’affiche à West End, le quartier des théâtres de Londres ! Parmi elles, Jersey Boys.

Jersey Boys se donne dans le magnifique Prince Edward Theatre, construit en 1930 et rénové en 1990. Le théâtre frappe par sa grande capacité (1.645 places) et par l’élégance de ses lampes et de ses vitraux Arts Déco.

La comédie musicale raconte l’histoire du groupe « the four seasons », contemporain des Beatles dans les années soixante. Les quatre scènes, printemps, été, automne et hiver racontent l’histoire du groupe de sa genèse à son éclatement quand son chanteur, Frankie Valli, commença une carrière en solo. Elles sont introduites à tout de rôle par un membre du groupe, qui raconte l’histoire à sa façon.

Le spectacle est distrayant, rythmé par les succès du groupe : Sherry, Big Girls Don’t Cry. Walk Like a Man. Il commence par Cette Soirée-Là, de Claude François, en français.

C’est surtout la perfection technique qui retient l’attention : les mouvements sont organisés à la seconde près ;  le son est parfait ; les changements de décor, des coulisses, du plafond ou de sous la scène, sont parfaitement coordonnés.

Il y a de nombreuses trouvailles de mise en scène. Pour n’en citer qu’une, alors que le groupe connait enfin le succès, ils tournent le dos aux spectateurs de la pièce et font face à un immense auditorium imaginaire, dont l’obscurité est déchirée par les flashs d’appareils de photo. Nous assistions à un spectacle et nous nous découvrons fascinés inclus dans un show gigantesque magnifié par le passé.

Illustration de « Jersey Boys ».