Jersey Boys

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Pas moins de 22 comédies musicales sont à l’affiche à West End, le quartier des théâtres de Londres ! Parmi elles, Jersey Boys.

Jersey Boys se donne dans le magnifique Prince Edward Theatre, construit en 1930 et rénové en 1990. Le théâtre frappe par sa grande capacité (1.645 places) et par l’élégance de ses lampes et de ses vitraux Arts Déco.

La comédie musicale raconte l’histoire du groupe « the four seasons », contemporain des Beatles dans les années soixante. Les quatre scènes, printemps, été, automne et hiver racontent l’histoire du groupe de sa genèse à son éclatement quand son chanteur, Frankie Valli, commença une carrière en solo. Elles sont introduites à tout de rôle par un membre du groupe, qui raconte l’histoire à sa façon.

Le spectacle est distrayant, rythmé par les succès du groupe : Sherry, Big Girls Don’t Cry. Walk Like a Man. Il commence par Cette Soirée-Là, de Claude François, en français.

C’est surtout la perfection technique qui retient l’attention : les mouvements sont organisés à la seconde près ;  le son est parfait ; les changements de décor, des coulisses, du plafond ou de sous la scène, sont parfaitement coordonnés.

Il y a de nombreuses trouvailles de mise en scène. Pour n’en citer qu’une, alors que le groupe connait enfin le succès, ils tournent le dos aux spectateurs de la pièce et font face à un immense auditorium imaginaire, dont l’obscurité est déchirée par les flashs d’appareils de photo. Nous assistions à un spectacle et nous nous découvrons fascinés inclus dans un show gigantesque magnifié par le passé.

Illustration de « Jersey Boys ».

Shun-kin

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La troupe Complicite de Simon McBurney donne actuellement au Barbican de Londres Shun-Kin, une pièce écrite sur un texte de l’écrivain japonais Jun’ichiro Tanizaki. Le spectacle est programmé du 18 au 23 novembre au Théâtre de la Ville à Paris.

Complicite produit les créations du metteur en scène Simon McBurney. Comédiens, techniciens et créatifs sont recrutés sur des projets, parfois en association avec d’autres troupes. C’est le cas de Shun-kin, une pièce en langue japonaise produite en collaboration avec le Setagaya Public Theatre de Tokyo.

Dans un studio situé au cœur d’une bruyante ville japonaise, une récitante vient enregistrer des textes écrits par Jun’ichiro Tanizaki en 1933, « Portrait de Shun-kin » et « En l’honneur des ombres ». Elle est troublée par le récit de la relation maladive de la belle Shun-kin et de son serviteur Sasuke, et profite des pauses pour appeler son amant sur ton téléphone portable et le presser de questions sur l’état de leur propre relation.

L’histoire de Shun-kin et de Sasuke se passe au dix-neuvième siècle dans le Japon d’avant l’ouverture à l’occident. Fille d’une famille aisée, la petite Shun-kin perd la vue et se consacre au chant et au shamisen, un instrument à cordes. L’un de ses serviteurs, Sasuke, est ébloui par la beauté de la petite fille. Il est comme tétanisé par la fascination. Shun-kin exploite cette adoration de manière éhontée, faisant subir à son esclave, devenu ensuite son amant, ses caprices, ses sautes d’humeur et sa violence. Elle lui enseigne le shamisen avec les mêmes techniques terrorisantes que celles auxquelles ses maîtres l’avaient soumise. Elle aura trois enfants de lui, mais les abandonnera et ne consentira jamais à se marier avec celui qu’elle considère comme un moins que rien.

Pourtant, Sasuke demeure envoûté, comme aveuglé par la beauté solaire de sa déesse. Celle-ci est attaquée par des hommes qui la défigurent. Elle exige de Sasuke qu’il ne voie jamais son visage devenu hideux. Sasuke se crève les yeux pour aller jusqu’au bout de sa dévotion. Il survivra plusieurs années à Shun-kin et dira que grâce à son sacrifice, c’est son image de jeune femme magnifique qui l’accompagne tous les jours de sa vie.

La mise en scène de Simon McBurney est multidimensionnelle. En fond de scène, un joueur de shamisen et un écran où sont projetées des images qui amplifient l’action dramatique. La pièce suit la séquence des vies de Shun-kin et Sasuke mais nous ramène plusieurs fois au studio d’enregistrement et au vacarme du japon contemporain. Les acteurs jouent des rôles multiples, et le Sasuke devenu vieux assiste à des scènes de sa vie d’homme jeune avec Shun-kin. Le personnage de Shun-kin enfant est symbolisé par une marionnette à la face complètement blanche. L’une des marionnettistes se glisse ensuite dans le rôle de Shun-kin devenue adulte, se substituant au pantin qu’elle animait, tout en restant dans la ligne de son caractère velléitaire et brutal.

On a parfois une impression de lourdeur en regardant la pièce, à la fois par son rythme lent, par la dissociation fréquente entre le récit et le mime du récit qui se déroule sur scène et par la difficulté de lire les sous-titres tout en suivant l’action. Mais la pièce Shun-kin apporte ce que l’on attend du théâtre : l’immersion dans un univers différent, la découverte d’une ambiance visuelle et sonore inconnue.

Photo de la pièce Shun-kin.

Danser la ville

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Le Palace Theatre de Watford vient de présenter deux créations de la compagnie de danse Shobana Jeyasingh : Bruise blood (hématomes) et Faultline (faille). Elles nous parlent d’antagonismes et de coopérations dans les villes modernes.

Le Palace Theatre recrute généralement son public dans le troisième âge. Ce soir, les adolescents et les jeunes adultes sont en majorité, certains venus en cars spéciaux. Dans le monde de la danse britannique, la compagnie de Shobana Jeyasingh est connue pour sa créativité et sa capacité à exprimer l’air du temps. Elle se présente elle-même ainsi : « la chorégraphie de Shobana Jeyasingh traite de la manière dont nous vivons aujourd’hui. Elle reflète une société dans laquelle l’identité culturelle, le changement technologique et l’effacement des frontières traditionnelles sont des thèmes dominants dans les vies de tous les jours ».

Les huit danseurs évoluent sur des musiques originales. Le rythme est trépidant, comme celui d’une grande ville européenne emplie d’une population cosmopolite sans cesse en mouvement.  Les personnages se cognent les uns aux autres, s’évitent, se rencontrent dans des mouvements où la force de l’un et de l’autre se conjuguent dans une harmonie qui défie la pesanteur.

Les tenues de scène mettent en évidence la féminité et la masculinité des corps. Il n’y a pourtant pas de recherche sur le couple et l’attraction sexuelle. Les danseurs des deux sexes jouent la même partition. Il arrive que les danseuses portent leurs partenaires hommes.

La troupe, dirigée par Shobana Jeyasingh, née à Chennai en Inde et vivant à Londres, est internationale. Les danseurs sont d’origine britannique, espagnole, finlandaise, italienne ou vietnamienne. Ses membres sont des athlètes, capables d’imprimer à leur corps des postures et des mouvements esthétiquement superbes.

Photo : Shobana Jeyasingh Dance Company, www.shobahajeyasingh.co.uk

Songs from a hotel bedroom

 

Le Place Theatre de Watford vient de donner une excellente comédie musicale, « songs from a hotel bedroom », chansons depuis une chambre d’hôtel.

Ecrite par la chorégraphe Kate Flatt, dont nous avions aimé Soul Play, et par Peter Rowe, cette comédie musicale basée sur des chansons de Kurt Weill, nous parle de l’amour passionné et des désamours déchirants d’une jeune artiste de cabaret française, Angélique, avec un parolier américain, Dan à New York en 1948. Angélique rêve de faire sa vie avec Dan ; celui-ci est emporté par le tourbillon du succès professionnel et ne peut offrir à sa belle que des nuits à l’hôtel.

La mise en scène est centrée sur trois groupes de personnes qui se mêlent et se décroisent : le couple d’amoureux ; un couple de danseurs de tango qui, gracieux et comme libéré de la pesanteur, souligne en contrepoint l’extrémité de leur passion et de leurs déchirements ; un orchestre de jazz. Le plateau est à certains moments séparé par deux rangées de rideaux que l’éclairage rend opaques ou diaphanes. Deux panneaux mobiles en avant-scène structurent l’espace, comme lorsque Angélique et Dan, séparés par des milliers de kilomètres, se crient leur amour au téléphone.

Dan propose enfin à Angélique de vivre avec lui, mais c’est pour lui annoncer qu’il n’en a plus pour longtemps à vivre. Les danseurs l’entraînent doucement vers le néant. Son visage radieux, illuminé de blanc, fixe une dernière fois son amour.

Frances Ruffelle et Nigel Richards dans les rôles principaux, Amir Giles et Tara Pilbrow dans celui des danseurs de tango, ainsi que les musiciens, sont magnifiques.

Photo de la comédie musicale par le producteur, www.segue.org.uk