La Partie

 

Le Palace Theatre de Watford vient de présenter une pièce consacrée au football professionnel, datée de 1913.

La pièce d’Harold Brighouse intitulée « The Game » a pour cadre une ville du nord de l’Angleterre. Au bord de la faillite, Austin Whitworth, propriétaire du club Blackton Rovers, vient de vendre à une équipe rivale son avant-centre vedette, Jack Metherell. Une partie décisive va se jouer entre ces deux équipes, avec pour enjeu pour Blackton le maintien en première division ou la relégation.

Austin (Barrie Rutter, qui est aussi metteur en scène de la pièce) tente d’obtenir de Jack (Phil Rowson) qu’il fasse perdre sa nouvelle équipe. Il ne manque pas d’arguments. Sa fille Elsie (Catherine Kinsella) vient de lui déclarer son intention d’épouser Jack. Ce serait une énorme mésalliance, bourgeoisie contre classe ouvrière. Jack est déchiré entre son amour pour Elsie et sa conscience.

Elsie n’a peur de rien. Enthousiaste, amoureuse, elle ne se laisse impressionner ni par son père, ni par son oncle, un avocat londonien appelé à la rescousse pour négocier la corruption. Elle ne se laisse pas troubler par le bras cassé de Jack pendant la partie décisive : accident ou application du pacte de corruption ?

Elsie abat tous les obstacles et se trouve finalement face à face avec Mrs Metherell (Wendi Peters), la mère de Jack. C’est une formidable matrone, inamovible dans son parler prolétarien et son assise de forteresse. La petite bourgeoise délurée et décidée comprend qu’entre elle et son homme, il y aurait toujours cette femme formidable. Au bras de son oncle, elle part pour Londres.

La pièce se situe à une époque révolue, où les joueurs professionnels étaient des ouvriers méprisés et exploités par leurs patrons, loin du statut de stars médiatiques d’un David Beckham ou d’un Wayne Rooney. Malgré ou à cause de son ambiance désuète, elle mérite bien le sous-titre de son affiche : une brillante comédie du Nord sur l’amour, l’honneur, la classe sociale…

Illustration : affiche de « The Game ». La troupe est en tournée en Angleterre jusque fin novembre : http://www.northern-broadsides.co.uk.

La montre de Von Ribbentrop

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Le Palace Theatre de Watford donne « Von Ribbentrop’s watch », une comédie légère et sérieuse qui touche au sujet de l’identité juive aujourd’hui.

La pièce « Von Ribbentrop’s watch », produite par Oxford Playhouse en association avec Watford Palace Theatre, a été initialement diffusée par la chaine de radio BBC4 en 2008. Elle a été écrite par Laurence Marks et Maurice Gran, connus pour leurs « sitcoms » à la télévision. Brigid Larmour, directrice artistique du théâtre de Watford, s’est chargée de cette première mise en scène.

La pièce commence sur le registre de la sitcom, avec le classique antagonisme entre la belle fille Ruth (Gwyneth Strong) et sa belle mère Mrs Roth (Barbara Young), qui se heurtent sur des détails infimes de la vie quotidienne. La famille Roth, Mrs Roth, ses deux fils Gerald et David, Ruth, la femme de Gerald, et Saha leur fille, se prépare à célébrer ensemble la Pâque juive. Du fait de la crise économique, le négoce de vins de Gerald périclite. Lorsque Sasha annonce son intention de se marier à son cousin Simon, fils de David, une dépense imprévue s’annonce au pire moment.

A l’occasion d’une révision de la montre qu’il a héritée de son père, Gerald apprend qu’elle est gravée au nom de Joaquim Von Ribbentrop, le ministre des Affaires Etrangères d’Hitler, l’un des pendus de Nuremberg. Un expert l’a évaluée à plusieurs dizaines de milliers de livres. Des collectionneurs, nostalgiques du nazisme inclus, se l’arracheraient à prix d’or : de quoi remettre les affaires de Gerald sur pied et offrir des noces somptueuses à Sasha ! 

Ruth est une convertie. Mrs Roth ne l’a jamais vraiment considérée comme juive, et l’a toujours psychologiquement exclue de la famille. C’est pourtant une vraie croyante. Elle a appris l’hébreu et s’investit totalement dans la célébration du rite de la Pâque, introduit par la question « pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? » Elle s’oppose violemment à Gerald pour vouloir sauver la situation de la famille avec l’argent des nazis. Le dîner tourne au désastre. Resté seul au salon avec une balayette pour ramasser les débris de vaisselle, Gerald reçoit la visite du spectre de Von Ribbentrop en personne : n’ont-ils pas tant de chose en commun ? Ribbentrop, lui aussi, avait été négociant en vin et avait épousé une héritière… Gerald doute : qui est plus juif, lui qui a hérité du judaïsme, ou Ruth qui s’efforce chaque jour de l’épouser ? A quoi tient-il le plus au monde, au confort de l’argent ou à l’amour de son épouse ?

Et comment la montre de Von Ribbentrop est-elle entrée dans la famille Roth ?

Affiche de la pièce « Von Ribbentrop’s watch ». Après Watford, la pièce sera représentée à Richmond du 5 au 9 octobre et à Salisbury du 12 au 16 octobre.

Corps et Esprit

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La troupe Alvin Ailey American Dance Theater est actuellement en tournée au Royaume Uni. Son spectacle est un magnifique hommage à la puissance spirituelle de la danse.

L’American Dance Theater a été crée en 1958 par Alvin Ailey (1931 – 1989). La troupe est dirigée depuis sa mort par Judith Jamison, qui devrait à son tour passer la main l’an prochain.

C’est précisément par « Hymn », une chorégraphie de Judith Jamison de 1993, que s’ouvre le spectacle. Les danseurs mettent en forme, en mouvement et en volume des textes d’Alvin et Judith qui célèbrent le corps comme expression de l’esprit humain. La seconde chorégraphie est une création par Christopher L. Huggins intitulée « Anointed » (Oint), avec une magnifique musique de Moby et Sean Clements et des costumes à dominante rouge qui renforcent la sensualité des corps des danseurs. La troisième est Révélations, une œuvre de 1960 d’Alvin Ailey sur des negro spirituals.

On est frappé par la diversité des danseurs. Tous sont athlétiques, mais ils sont grands ou petits, trapus ou élancés, noirs ou blancs. Ils sont invités à mettre dans la danse leur propre personnalité. Il n’y pas le corps d’un côté, l’esprit de l’autre. Il n’y a que le corps, et dans la vibration des corps en mouvement, l’esprit d’une personne, l’esprit d’une troupe, l’esprit de l’humanité tout entière.

Photo de la chorégraphie « Hymn ». La troupe est au Saddlers Wells de Londres jusqu’au 25 septembre, puis en tournée à Nottingham, Birmingham, Plymouth, Cardiff, Bedford, Edimbourg et Newcastle. 

Welcome to Thebes

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Le National Theatre de Londres donne la nouvelle pièce de Moira Buffini mise en scène par Richard Eyre, « Welcome to Thebes » dans laquelle la mythologie grecque et les guerre civiles africaines se superposent.

Comme le film de Claire Denis « White Material » (voir « transhumances » du 6 juillet), la pièce « Welcome to Thebes » a pour cadre une guerre civile en Afrique. Mais alors que le premier décrit l’engrenage qui va broyer le personnage joué par Isabelle Huppert, la seconde entend prouver qu’il n’y a pas de fatalité et que les hommes – en l’occurrence, surtout les femmes ! – peuvent changer leur destin personnel et celui de leur peuple. Le film évoque le Rwanda ; la pièce, le Liberia de Charles Taylor et de la Présidente Ellen Johnson-Sirleaf.

Moira Buffini, une jeune dramaturge britannique de trente-cinq ans, superpose la mythologie grecque, et particulièrement l’entêtement d’Antigone à donner une sépulture à son frère vaincu malgré l’interdiction royale, aux événements politiques d’aujourd’hui. Thèbes est ravagé par une guerre civile meurtrière. Une milice armée envahit le théâtre et crie des injonctions aux spectateurs, dont celle d’éteindre les téléphones portables ! Le décor évoque un palais présidentiel détruit. Un hélicoptère atterrit avec un vacarme assourdissant. Tiré à quatre épingles, le premier citoyen de la superpuissance, Athènes, arrive à Thèbes pour une mission humanitaire. Il doit rencontrer la présidente élue, Eurydice, et son cabinet composé presque exclusivement de femmes. Eurydice est écartelée entre sa propre rancœur pour son fils assassiné et sa politique de vérité et justice. Saura-t-elle infléchir le destin que les dieux ont décidé et que le devin aveugle Tirésias déclame ?

Dans le rôle de d’Eurydice, Nikki Amuka-Bird est belle, tout simplement. Quant à David Harewood dans le rôle du premier citoyen d’Athènes, il évoque irrésistiblement la grâce et l’ascendant de Barak Obama.

Photo The Guardian : Nikki Amuka-Bird et David Harewood dans Welcome to Thebes