My Hamlet

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Le Palace Theatre de Watford vient de présenter « My Hamlet », une interprétation originale de la pièce de Shakespeare en association avec le Fingers Theatre de Tbilissi (Géorgie).

La pièce « My Hamlet » est programmée au Fringe Festival d’Edimbourg (festival parallèle) du 5 au 29 août et est produite à Watford en avant-première Une femme de ménage (Linda Marlowe) nettoie la scène d’un théâtre où vient de se jouer Hamlet. La tête pleine du texte de Shakespeare, elle décide de jouer seule, et pour elle seule, « son » Hamlet. Elle se trouve entourée de marionnettes des personnages auxquels tour à tour elle prête sa voix.

Le décor est minimal : un cadre sert de miroir et de scène de marionnettes ; les tiroirs d’un buffet sont tour à tour les meubles du palais d’Hamlet et des cercueils. L’éclairage et la musique accentuent les phases du drame. Par moments, la récitante est seule en scène. Des doigts costumés se glissent subrepticement et prennent part à l’action. Ils sont animés par des marionnettistes vêtus de sombre et gantés qui se trouvent physiquement sur la scène mais sont quasiment transparents.

Linda Marlowe comptait déjà Hamlet à son répertoire. Dans cette version condensée et monologuée, elle est impressionnante.

Photo de la pièce « My Hamlet »

All my sons

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Le Théâtre Apollo de Londres donne une pièce d’Arthur Miller, « all my sons », mise en scène par Howard Davies, magnifiquement interprétée dans les rôles principaux par David Suchet et Zoë Wanamaker.

La première scène se passe une nuit d’orage en 1946 dans le jardin d’une jolie maison du Colorado. Le vent brise un arbre, celui que Kate Keller a planté en mémorial de son fils Larry, disparu trois ans plus tôt lors d’une mission aérienne et dont elle attend encore le retour. En quelques heures, la vie des Keller va se briser.

Tout commence pourtant dans la plus grande normalité. Joe Keller, un entrepreneur parti de rien et qui a réussi dans les affaires, plaisante avec son fils Chris et sa fiancée Ann, qui vient de faire le voyage de New York pour parler mariage. Joe connait bien Ann. Elle vivait dans la maison d’à côté et était la fille de son associé, Steve Deever.

Mais Ann était aussi la fiancée de Larry, et Kate ne peut consentir à ce que Chris la « vole » à son frère qu’elle suppose encore vivant. Et le père d’Ann est en prison. Pendant la guerre, il a laissé livrer à l’aviation des pièces défectueuses et 21 aviateurs sont morts en raison de cette négligence criminelle. La justice a dédouané Joe de toute responsabilité, car il n’était pas à l’usine le jour où la livraison a eu lieu.

Le frère d’Ann, George, ne peut accepter que sa sœur épouse Chris. Il est en effet convaincu que son père a agi sur instruction de Joe Keller et il ne peut supporter qu’elle entre dans la famille d’un homme qui, par appât du gain puis par lâcheté, a causé la ruine de sa famille.

La bonhommie de Joe se fissure à mesure que son fils prend conscience de son imposture et se met à le haïr violemment. Deux visions de la vie s’affrontent. Le père prétend avoir agi pour le bien de sa famille en la protégeant de la faillite et du déshonneur. Le fils l’accuse d’avoir assassiné « tous ses fils », les « boys » qui pilotaient les avions, Larry, dont on apprendra qu’il a volontairement écrasé son avion pour échapper à l’opprobre, et lui-même qui se s’estime plus digne d’Ann.

Seul le suicide de Joe, à la fin de la pièce, ouvre un avenir possible pour Chris et Ann.

Le décor, qui évoque le rêve américain mais se transforme peu à peu en scène de huis-clos, est remarquable. Le jeu de David Suchet (Joe) et Zoë Wanamaker (Kate), est tout en sensibilité et en émotion. La mise en scène de Howard Davies est exceptionnelle.

Photo : « All my sons », Apollo Theatre, Londres.

After the Dance

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Le National Theatre de Londres donne actuellement « After the Dance », une pièce écrite par Terence Rattigan en 1939 et mise en scène par Thea Sharrock.

 On fêtera l’an prochain le centenaire du dramaturge britannique Terence Rattigan (1911 – 1977). « After the dance » est empreinte de l’angoisse d’avant-guerre. Les trois actes se déroulent dans le salon de David Scott Fowler, un gentleman d’environ 35 ans qui tue le temps en buvant, en donnant des fêtes et en faisant mine d’écrire un livre historique. Sa femme Joan (magnifiquement jouée par Nancy Carroll) est au diapason. Elégante, brillante, elle en rajoute dans le registre de la futilité : la vie est un jeu, il ne faut rien prendre au sérieux, surtout pas l’amour.

David entretient son cousin Peter, censé dactylographier son livre sous la dictée. Il entretient aussi un ami, John Reid, qui professe une horreur rédhibitoire pour le travail sous toutes ses formes. Mais John s’avère un observateur pénétrant de ce qui se passe autour de lui. C’est ainsi qu’il se rend compte de l’attraction mutuelle de David et Helen, la jeune fiancée de Peter. Helen jure de réformer David, de lui faire abandonner la boisson et de le mettre au travail.

Joan fait la brave devant le naufrage de son couple, elle prétend désirer une vie de riche divorcée sur la Côte d’Azur, pousse même Helen à aller de l’avant. Mais derrière le masque, le rictus : Joan se laisse tomber d’un balcon, ivre, au cours d’une soirée dansante.

Quelques mois plus tard, David se retrouve seul. Il n’a pas fait le deuil de Joan et son ami John le quitte, lui et l’oisiveté, pour occuper à Manchester un emploi sous-payé. Il s’accroche désespérément à Helen, bien qu’elle s’applique de plus en plus à le remodeler, contre sa nature, en mari sobre et travailleur. John conseille à David de renoncer à Helen : il s’enfonce avec elle dans le mensonge du sérieux, come il avait auparavant entraîné Joan dans le mensonge de la frivolité. Il risque de tuer Helen comme il a tué Joan.

Rattigan dépeint une génération qui avait cru pouvoir se distraire de la première guerre mondiale mais dut affronter l’effroyable vérité de la seconde.

Illustration : affiche de « After the Dance »

Women Beware Women

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Le National Theatre de Londres donne actuellement Women Beware Women (femmes méfiez-vous des femmes), une pièce de Thomas Middleton, un contemporain de Shakespeare. L’adaptation par la metteuse en scène Marianne Elliott est particulièrement réussie.

Middelton a écrit cette pièce probablement en 1621. L’action se passe à la Cour du Duc Côme de Médicis à Florence. Livia, une dame de la cour, intrigue pour offrir la jeune Bianca, à peine mariée au jeune Leantio, à l’appétit du Duc. Elle invente une filiation imaginaire à sa nièce Isabella pour ouvrir la voie à une relation, incestueuse, avec son oncle Hippolito. Le Duc convainc Hippolito d’assassiner Leantio pour pouvoir épouser Bianca. Mais les vengeances se déchainent pendant les noces qui d’achèvent en bain de sang.

Nul n’est moral à la Cour des Médicis. Même Leantio considère sa jeune femme Bianca comme un trophée qu’il faut enfermer à clés de peur que d’autres le convoitent. Même Bianca, qui a épousé Leantio par passion au prix d’une mésalliance, se laisse bien vite séduire par la perspective de devenir duchesse, riche et puissante. Livia, jouée par l’extraordinaire Harriet Walter, est elle-même un serpent parmi les serpents, dotée d’une formidable énergie mais finalement vulnérable.

Comment mettre à la scène une tragédie écrite il y a près de 400 ans ? Marianne Eliott donne dans le grandiose. Un plateau tournant présente le Palais des Médicis avec deux faces, l’une convexe pour les scènes d’extérieur, l’autre concave pour l’intérieur du Palais. Les éclairages donnent encore plus de profondeur au décor. C’est particulièrement sensible quand le Duc marche seul en grand uniforme sous une pluie d’argent et a le regard attiré par Bianca qui le regarde d’une fenêtre ; ou pendant la partie d’échecs que Livia propose à la mère de Leantio pendant qu’à l’étage le duc viole Bianca.

Comme à l’époque de Middelton, la musique et la danse ont leur place dans la pièce. Un orchestre surplombe le plateau. La scène finale, le bal masqué donné pour les noces fatales de Côme et de Bianca, est très précisément chorégraphié. Mais musique et chorégraphie ne sont pas du dix-septième siècle, de même que les costumes ou la diction des personnages. Pour autant, ils ne sont pas exactement d’aujourd’hui : l’ambiance musicale jazzy ainsi que l’esthétique à la Marilyn Monroe de la coiffure et des vêtements de Bianca évoquent les années cinquante en Amérique. En poursuivant cette veine, on pense à Grace Kelly et à la Principauté de Monaco.

Photo The Observer, Harriet Walter dans le rôle de Livia.