The Real Thing

 

Geral Kyd (Henry) et Marianne Oldham (Annie) dans The Real Thing

Le Palace Theatre de Watford vient de présenter une pièce écrite par Tom Stoppard en 1982, « The Real Thing ».

 Tom Stoppard, né en 1937 en Moravie et émigré eux ans plus tard dans les possessions de l’Empire Britannique pour fuir les persécutions nazies, est un dramaturge connu en Grande Bretagne. Il a en particulier coécrit le scénario du film Shakespeare in Love.

 Dans « The Real Thing » (la Réalité), c’est aussi un dramaturge, Henry, qui s’efforce de vivre sa vie de la manière la plus honnête, ou la plus romantique, possible. Le premier acte nous montre la rupture avec sa première femme, Charlotte, qui le trompait effrontément, et le début de sa relation avec Annie. Dans le second acte, Annie à son tour confesse une relation extraconjugale mais jure à Henry son amour, non exclusif.

 Quelle est la réalité de l’amour d’un homme et d’une femme ? Annie comme Charlotte est comédienne. La première scène est « une pièce dans la pièce », Charlotte jouant le rôle de l’infidèle ; plus tard, dans le deuxième acte, nous verrons aussi Annie répétant un dialogue avec un homme qui est aussi son amant. Ce jeu de miroir entre les personnages eux-mêmes et les personnages jouant comme comédiens, brouille la carte des relations. « Are you all right ? » – « est-ce que tu vas bien ? » revient comme un refrain obsessionnel : jouent-ils à l’amour ? Aiment-ils vraiment ?

 Annie milite pour la libération d’un militant, Brodie. Celui-ci écrit des textes politiques que Henry juge dénués de talent. Il compare le métier du dramaturge à une batte de cricket : elle est capable de projeter une balle à des centaines de mètres avec une accélération formidable. Le mauvais écrivain est celui qui se sert d’une batte comme d’un vulgaire morceau de bois.

Jubilée

 

Street Party à Edimbourg, photo The Telegraph

Les fastes, la parfaite organisation et l’enthousiasme général des Britannique pour le Jubilée de Diamant de la Reine Elizabeth II ont été unanimement soulignés par les commentateurs. C’est pourtant la multiplication d’événements locaux, les « street parties », qui suscite le plus mon admiration.

 Partout au Royaume Uni, les citoyens ont dressé des tables dans la rue, pavoisé les maisons et le mobilier urbain et partagé leur repas, la bière et le vin. Dans certaines villes, comme Greenwich, plusieurs milliers de personnes ont ainsi occupé la chaussée et fraternisé avec des inconnus. Dans des localités plus petites, l’initiative est venue d’individus qui ont contacté leurs voisins, demandé l’autorisation de la maréchaussée et organisé des agapes dont on se souviendra longtemps, pour le repas partagé par des gens ordinairement séparés par leur quant-à-soi et pour la ferveur commune dans une extraordinaire célébration.

 Dans « The Big Issue » (4 – 10 juin), le journal des sans-abri, son fondateur et rédacteur en chef John Bird, s’exprime ainsi : « dans l’esprit de la plupart des gens, « jubilée » est devenu une variante de « jubilation » : des raisons d’être joyeux, pour ainsi dire. Mais il y a un sens plus profond qui remonte aux Egyptiens et, à partir d’eux, aux Hébreux. Et c’est « pardon ».

 « Pas seulement « vous êtes pardonnés », mais « vos dettes sont pardonnées ». De temps à autre, un jubilée, qui se produisait habituellement tous les 25 ou 50 ans, signifiait que l’on restituait aux pauvres la liberté et les terres qu’ils pouvaient avoir auparavant. Et leurs dettes étaient annulées.

 C’était une tentative pour restaurer la justice, ou un certain niveau de justice, de façon à atteindre de nouveau un équilibre social, plutôt que d’avoir un petit nombre de gens très riches et une masse de gens pauvres. Il s’agissait de mettre fin à l’anomalie qui consiste en ce que les pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches.

Tout en se défendant d’anti-monarchisme, John Bird suggère que, à l’occasion de son jubilée, la Reine attribue aux paroisses, aux villes et aux hameaux les biens confisqués à l’Eglise durant la Réforme et devenus patrimoine royal.

 Il faut réallouer des ressources précieuses, dit John Bird. Et une année du jubilée pourrait être le bon moment pour un certain pardon des dettes et une certaine redistribution. »

Street Party à Chalfont St Giles, Buckinghamshire. Photo The Telegraph

Fiers de voter

 

Photo "The Guardian"

Voter à Londres pour l’élection présidentielle française constitue une épreuve. Mais c’est un témoignage vivant du prix que les citoyens attachent à l’exercice de la démocratie.

 Après le fiasco de 2005 – de nombreux électeurs n’avaient pu exercer leur droit de vote à cause d’une organisation insuffisante – un second groupe de bureaux de vote a été installé au nouveau collège bilingue de Kentish Town, en plus du site habituel du Lycée Charles de Gaulle de South Kensington.

 Nous y arrivons vers midi. Une queue s’est déjà formée à l’extérieur de l’établissement. Dans la cour de récréation, un parcours a été aménagé entre des rubans fixés à des chaises de plastique. Il y a là des centaines de personnes qui avancent pas à pas, beaucoup de jeunes parents accompagnés de bébés ou de gamins, des personnes âgées, des personnes d’allure prolétarienne, d’autres plus chic. Des conversations se nouent dans la file, invariablement amorcées par l’averse qui menace et l’inconfort de l’attente, et se poursuivant ensuite par des échanges sur la condition d’expatrié à Londres ou les mérites comparés de l’enseignement dans le système français et anglais.

 Après une heure et demie, le serpent humain débouche finalement au nirvana : les salles où ont été installés les registres, les isoloirs et les urnes. On oublie le temps perdu à piétiner et on se trouve fier d’avoir mérité un droit précieux : celui de choisir son président.