Arturo Brachetti

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Le spectacle d’Arturo Brachetti au Garrick Theatre de Londres, intitulé « Change », est véritablement exceptionnel.

 L’art d’Arturo Brachetti, artiste italien né en 1957 à Turin, ne se laisse pas facilement caractériser par un genre : il relève du cabaret, du one-man-show, de l’illusionnisme et du théâtre d’ombres. Arturo a réinventé l’art de la métamorphose, le passage d’un personnage à l’autre en un clin d’œil. Au Garrick, il incarne environ 300 personnages différents. La prouesse technique coupe le souffle et le spectateur a parfois la tête qui tourne tant le rythme est échevelé.

Arturo crée un univers magique au sens propre et imagé du terme. L’Arturo d’aujourd’hui dialogue avec le jeune homme qu’il était. La scène joue sur deux plans, en avant et en arrière d’un écran qu’ils franchissent et déchirent plusieurs fois. Arturo évoque le cinéma américain. Lorsqu’il joue « singing in the rain », son profil est tout à tour celui d’un homme et d’une femme amoureux. Il met en scène les personnages et l’ambiance des films de Fellini, et c’est un moment d’intense mélancolie.

Le spectacle tourne autour de l’idée que le comédien doit se préparer à la métamorphose finale. Habillé de blanc, il finit par se transformer en tourbillon et disparaître dans le vent.

Sur scène, Arturo est un homme seul. Mais il est accompagné d’une équipe créative et d’une équipe technique d’une trentaine de personnes sans lesquelles la magie ne pourrait opérer.

« Change » est donné au Garrick Theatre jusqu’au 3 janvier 2010 (http://www.changelondon.com/, http://www.branchetti.com/)

Chronique Réunionnaise (5)

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Voici la dernière des chroniques inspirées par notre récent voyage à l’Ile de la Réunion.

Case créole

Nous visitons la case créole d’un ami dans le centre de Saint Denis. La construction est complètement en bois, de la varangue aux salles de réception au rez-de-chaussée et aux chambres à l’étage. La cuisine est dans une dépendance, afin d’éviter le risque d’incendie. La maison diffuse un intense sentiment de sérénité. Les boiseries, plancher, plafond, parois et meubles, absorbent totalement les bruits extérieurs. Notre hôte parle de « l’énergie » de sa maison.

Airbus 380

Nous parlons de l’événement de ces dernières semaines : l’atterrissage de l’Airbus A380 à l’aéroport Roland Garros le 11 novembre. La compagnie locale Air Austral a le projet d’affréter deux de ces appareils à partir de 2014 dans une configuration de 800 places et de mettre en place une navette « low-cost » depuis Paris. La continuité territoriale avec la métropole est l’une des toutes premières priorités des Réunionnais et de leurs édiles.

Tram train

Le projet de « tram train » consiste à relier Sainte Marie, dans le nord de l’île, à Saint Paul, dans l’ouest, en desservant l’aéroport, le port et la capitale Saint Denis. En ville, la ligne aura les caractéristiques du tramway. Entre les villes, il circulera comme un train. Chaque rame pourra transporter 250 personnes. Pour Paul Vergès, le président de la région Réunion, le tram train est un investissement « structurant » nécessaire pour le développement de l’île dans les prochaines décennies. Les adversaires du projet critiquent son coût «pharaonique » : 1,6 milliards d’euros, qu’ils estiment sous-évalués. Ils doutent de l’appétit des Réunionnais pour un moyen de transport qui sera plus lent que la voiture individuelle, d’autant plus que l’achèvement cette année de la Route des Tamarins a desserré l’étau des embouteillages. La décision de lancer le projet vient d’être différée de six mois dans l’attente de financements.

Chronique réunionnaise (4)

Café pointu de Bourbon

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A Saint Louis, La Maison Rouge est consacrée à la promotion du café endogène de l’Ile de la Réunion, le « café pointu de Bourbon ». Une salle d’exposition y accueille des pièces du musée d’arts décoratifs de l’île.

A Saint Louis, nous visitons la Maison Rouge, un centre consacré à la promotion du café pointu de Bourbon et qui abrite des expositions temporaires du Musée d’Arts Décoratifs de l’Océan Indien (Madoi). Nous visitons la plantation de café, installée en 2003. Le guide nous explique que le café indigène de l’Ile de la Réunion, dit café pointu en raison de la forme de ses grains, constituait la principale culture d’exportation au dix-huitième siècle, avant de disparaître complètement un siècle plus tard à la suite de cyclones et de maladies. Quelques plants ont été découverts par un agronome japonais. La Région a décidé de relancer ce café, et Maison Rouge est à la fois un laboratoire de recherche et une vitrine.  Nous sommes invités a une dégustation : c’est un café fort en goût, un peu amer, qui peut se faire une place dans les cafés haut de gamme. Il y a toutefois un long chemin a parcourir : la récolte sera très faible cette année en raison des pluies. Une menace plus grande encore est commerciale : nous avons acheté dans une grande surface un produit étiqueté « café pointu de Bourbon » qui ne contient que 1.6% de café indigène…

Nous sommes invités à un atelier olfactif. Il s’agit de reconnaître à l’aveugle des parfums de café, citronnelle, jasmin, tabac. Je me rends bien vite compte de la pauvreté de mon vocabulaire olfactif. Ce sens, le plus primordial de tous, est celui que nous développons le moins.

Une salle a été consacrée à une exposition temporaire intitulée « Chroniques Indiennes ». Nous avions déjà visité une exposition du Madoi dans une case créole près du Jardin de l’Etat à Saint Denis, sur le thème « Le Jardin des Lettrés ».  Peu de pièces sont exposées ici mais elles sont bien mises en valeur et commentées. Je suis ému par une statue représentant un ange chrétien, mais dont le corps est sculpté sur le modèle d’une divinité hindoue. Une petite statue de Bon Pasteur de Goa est aussi touchante. A partir d’une fenêtre ajourée du Rajasthan, un programme interactif donne des informations sur l’art de l’arabesque dans le monde musulman, spécialement du temps de la dynastie Moghol.

Chronique réunionnaise (3)

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L’économie du sucre

L’économie de l’Ile de la Réunion est dominée par l’exploitation de la canne à sucre.

La Réunion vit essentiellement de trois sources de revenus : les transferts massifs de la Métropole, qui paie les fonctionnaires, verse des aides sociales et prend à sa charge une grande part des investissements en infrastructures ; le tourisme, qui s’était rétabli après la crise du chikungunya (syndrome de l’homme courbé, provoqué par des piqûres de moustiques) mais souffre maintenant de la récession économique ; le sucre, dont la canne est plantée sur la majeure partie des terres utiles et dont le cours est garanti par l’Union Européenne.

Deux musées sont consacrés à la canne à sucre. A Stella Matutina près de Saint-Leu, une ancienne usine sucrière a été convertie en « muséum agricole et industriel de La Réunion ». Le guide du Routard parle d’une incontestable réussite : « muséographie jouant avec les volumes, les décrochements, les passerelles et les matériaux des machine agricoles et industrielles ». A Bois d’Olive, près de Saint Pierre, l’usine Isautier abrite un musée intitulé « la saga du rhum ».

La visite du muséum (www.stellamatutina.fr) commence par une salle présentant l’histoire de la colonisation de l’île organisée par la Compagnie des Indes, sa spécialisation dans le café  au dix-huitième siècle pour satisfaire l’accroissement exponentiel du marché en Europe puis, après la perte de l’Ile de France (Maurice) devenue anglaise en 1810, dans la canne à sucre. Les plantations de canne ont rapidement couvert les pentes de l’ile et leur exploitation est devenue sa principale richesse. L’industrie de la canne reposait sur deux facteurs de production : le travail des esclaves et l’innovation technologique dans les procès de transformation de la matière première. Par des photos et des vidéos, le musée s’intéresse aux ouvriers du sucre. Un retraité de l’usine de Stella Matutina raconte que son grand père, qui avait officiellement le statut d’engagé volontaire, avait été capturé adolescent dans son village au Mozambique et amené de force à La Réunion. Le musée s’attarde longuement sur « l’engagisme » et les conditions de la libération des esclaves par Sarda Garriga en 1848. Il a conservé les panneaux disciplinaires fixés sur les murs de l’usine à l’attention des ouvriers : « silence », « soyez poli », « des discours inutiles, du temps perdu ». Et cette injonction qui en dit long sur les relations sociales : « si votre temps ne compte pas, le mien compte ».

La « Saga du rhum » (http://www.sagadurhum.fr/) se concentre sur les sous-produits de la canne à sucre, et naturellement le rhum sous ses multiples avatars : arak, rhum agricole, rhum vieux, rhum arrangé, punchs. La visite s’achève par une dégustation de rhums : le punch piment ferait hurler jusqu’au Capitaine Haddock ! Une vitrine explique pourquoi la canne à sucre est aujourd’hui nécessaire au développement durable de l’île : elle fixe les sols et maintient la terre en cas de cyclones ; elle capture du carbone et libère de l’oxygène ; elle offre de nombreux sous-produits, fourrage pour le bétail, combustible pour les centrales hydro-électriques (15% de la production électrique de l’île), bois aggloméré pour l’ameublement et, naturellement, le sucre et le rhum.