Faux amis

 

François Hollande et David Cameron assistent à un match de handball pendant les Jeux Olympiques

Les « faux amis » compliquent parfois la compréhension entre collègues ou amis français et britanniques, dans la vie professionnelle comme dans la vie de tous les jours. En voici deux exemples.

 « I appreciate I must pay this fine » ne signifie pas que j’apprécie le fait de devoir payer une amende. Cela veut dire que je comprends, ou que j’admets, que je dois la payer.

 « I am happy to pay this fine » n’est pas l’expression d’un masochiste heureux de payer cette amende. Cela signifie simplement que je suis d’accord pour la payer. Ce n’est pas du bonheur, c’est de la résignation.

 Enfin, si un ami vous dit « I sort of agree with you that you must pay this fine”, cela ne signifie pas qu’il est d’accord sur la nécessité de payer l’amende. Tout est dans le « sort of » : en réalité, il vous déconseille fortement de vous laisser aller à votre première intention, qui était de la payer.

(Photo The Guardian)

Le Shard

Le Shard, immeuble de 310 mètres de hauteur sur la rive droite de la Tamise, s’affiche déjà comme un monument emblématique de Londres.

 Le Shard (dont le nom signifie éclat de verre) vient d’être inauguré par Hamad bin Jassim bin Jabr Al Thani, premier ministre du Qatar, l’Etat qui en a financé la construction. Le promoteur, Irvine Sellar et l’architecte, Renzo Piano (celui du Centre Georges Pompidou) participaient à l’événement.

 L’hebdomadaire culturel « Time Out » souligne que le Shard, une tour de verre de 310 mètres d’altitude, a déjà pris sa place parmi les icônes de la ville de Londres : la tour de Londres, Big Ben, les Maisons du Parlement, la Cathédrale St Paul et, plus récemment, le bâtiment des Lloyds (1986), le théâtre du Globe (1997), le Gherkin (2003) ou encore le stade de Wembley (2007), sans parler encore du ArcelorMittal Orbit, la sculpture monumentale d’Anish Kapoor et Cecil Balmont près du Stade Olympique.

 Dans le Sunday Times du 1 juillet, le pittoresque maire de Londres Boris Johnson se réjouit de pouvoir observer les Froggies (mangeurs de grenouille) du sommet du Shard (en réalité, la vue ne porte pas jusqu’à Calais). Il faut dire, souligne l’hebdomadaire conservateur, que le maire de Londres n’aime rien tant que se payer une bonne tranche de « frogbashing » (fête à la grenouille). Il cite un article de Johnson dans un journal l’an dernier : « Il arrive que nous soyons tous prêts à lire comment nos cousins continentaux sont une bande de Strauss-Khans dont la bouche pue l’ail et qui manifestent un intérêt suspect pour le structuralisme et les films sordides. » Dans le même article, il relevait qu’à voir le nombre de Britanniques qui passent leurs vacances en France et s’installent en Dordogne, on mesurait combien ils admiraient et aimaient secrètement les Français.

 Le Shard va être multifonctionnel. On y trouvera un hôtel de luxe, des logements, des bureaux et une plateforme d’observation offrant un panorama unique sur la ville.  Il est le nouveau symbole d’une ville d’un dynamisme impressionnant.

En arrière plan de Southwark Cathedral, le Shard. Photo "transhumances"

Hymne à la pluie

Jubilée sous la pluie. Photo The Guardian

Bien que commencé sous les auspices d’une alerte sècheresse, le printemps 2012 a été particulièrement humide en Grande Bretagne. La parade sur la Tamise à l’occasion du Jubilée de la Reine Elizabeth II sous des trombes d’eau a conforté l’image d’un pays vivant une relation passionnelle avec la pluie. C’est ce que Stuart Jeffries décrit sur le mode humoristique dans un article du Guardian intitulé « voici la pluie : pourquoi secrètement nous aimons quand le temps est humide. » L’article continue : « une autre année, un autre été pourri. Nous n’aimons rien tant que nous lamenter sur le temps horrible. Et pourtant, si nous apprenions à aimer simplement nos jours pluvieux ? »

 « De tous les symboles du déclin de la civilisation britannique, dit Stuart Jeffries, aucun n’est plus poignant que la construction d’un toit rétractable au dessus du court central de Wimbledon en 2009. L’idée était d’écarter la pluie et de conserver le tennis. Quelle erreur ! Le tennis ? Personne ne va à Wimbledon pour regarder le tennis. On y va pour sentir la pluie dégouliner le long de son dos, pour voir diluer son Pimms (l’équivalent britannique de la sangria), tremper ses sandwiches et interrompre le cafardeux spectacle du tennis.

 « C’est la pluie que nous aimons vraiment. C’est seulement que nous n’osons pas l’admettre. Nous nous plaignons de ce qu’elle gâche notre été parce que nous sublimons notre passion. Nous sommes épris, trempés à l’intérieur de nous-mêmes, d’un amour qui n’ose pas dire son nom. Pensez-y. Nous nous acharnons à imaginer des situations pour rencontrer la pluie, pour en parler, pour nous immerger en elle, pour affecter du dédain à son égard.

 (…) Quand il a plu sur la Parade de la Reine sur la Tamise, le monde a vu la Grande Bretagne comme une nation qui avance sans se préoccuper du temps, avec l’esprit indomptable que l’on nous attribue, à nous les gars trempés par la pluie, sexuellement réprimés et gris dans l’âme. (Pourtant), aucun des spectateurs mouillés auraient pu être plus heureux d’être là. »

Français et Britanniques en affaires

Préparatif pour le Jubilée dans un pub de Watford. Photo "transhumances"

La chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a organisé le 12 juin à la Résidence de l’Ambassadeur de France en Grande Bretagne un débat consacré aux différences culturelles dans les relations d’affaires franco-britanniques.

 Un premier débat de ce type avait été organisé il y a deux ans. « Transhumances » en avait rendu compte le 25 septembre 2010 sous le titre « Britanniques et Français en affaires ». La structure du débat était la même : deux personnalités répondent aux questions de Peter Alfandary, vice-président de la Chambre et animateur de son forum interculturel, puis réagissent aux questions et contributions de l’assistance. Les deux invités, Sylvia Jay et Vincent de Rivaz, ont plusieurs points communs : ils sont tous deux détenteurs des plus grandes distinctions de la République et du Royaume, la légion d’honneur et «Commanders of the British Empire » (CBE) ; l’un et l’un et l’autre exercent des responsabilités dans deux entreprises françaises au Royaume Uni, L’Oréal et EDF ; ils ont l’un et l’autre vécu des deux côtés de la Manche. Elle est Anglaise, il est Français.

 Peter Alfandary alerte contre le piège de la ressemblance. Beaucoup de choses rapprochent les Britanniques et les Français, particulièrement à l’heure de la mondialisation. Il ne faudrait toutefois pas minimiser les différences culturelles. Un  britannique cadre supérieur d’une banque française raconte la mésaventure qui lui est arrivée lors d’une de ses premières réunions au siège de la banque à Paris. Il avait doucement répliqué à un collègue français : « je ne suis pas sûr d’être d’accord avec vous ! » A Londres, cela signifie « je suis radicalement hostile à votre proposition ». A Paris, on comprit qu’il l’approuvait tout à fait.

 Les Français prennent parfois « l’understatement », la minimisation de ce que l’on formule, pour de l’hypocrisie. Il suffit pourtant de savoir décoder. Dire que l’on a un léger problème quand on est au bord de la catastrophe, que l’on trouve un plat intéressant lorsqu’il est exécrable ou qu’une décision est brave lorsqu’elle est inepte, n’est-ce pas plus élégant et moins offensant que d’appeler vulgairement un chat un chat ? Il est vrai que décoder n’est pas toujours évident. Vivre à l’étranger requiert de l’humilité : il ne faut pas hésiter à faire répéter ou à reformuler lorsqu’on a le sentiment de ne pas comprendre. La capacité des Anglais à demander et à offrir spontanément de l’aide est probablement une qualité les distingue des Français.

 Lorsqu’un Anglais arrive en retard à une réunion, il cherche une place le plus discrètement possible ; un Français va faire le tour de la table pour saluer les participants. L’un et l’autre se veulent polis. Pour le premier, la politesse consiste à ne pas déranger ; pour le second, à ne pas omettre les salutations.

 Certains comportements managériaux s’enracinent fortement dans l’éducation. Le système éducatif français sélectionne et promeut une élite et décourage impitoyablement les médiocres ; le système britannique  cherche la réussite du plus grand nombre. Beaucoup d’entreprises françaises fonctionnent encore sur la culture du blâme et de la peur ; au contraire, c’est une culture d’encouragement qui prévaut au Royaume-Uni.

 Y a-t-il plus d’égalitarisme dans la culture managériale au Royaume-Uni qu’en France ? On peut citer les considérables efforts consentis pour promouvoir la différence et éviter la discrimination par sexe, race ou âge. A Londres, nul ne se sent jugé de haut parce qu’il parle avec l’accent de Newcastle ou de Cardiff, voire de New Delhi. A Paris en revanche, on traitera avec condescendance quelqu’un qui s’exprime avec l’accent chti, marseillais ou antillais. Sans doute faudrait-il approfondir ce débat sur l’égalité. De nombreux sociologues notent que les différences culturelles de classes sont bien plus sensibles, dès la petite enfance, en Grande Bretagne qu’en France, pays où l’aristocratie se gagne au mérite, au sortir de l’adolescence, dans les grandes écoles.

 On ne peut surestimer l’importance du verre de bière après 16h le vendredi. A la City, il ne s’agit pas seulement du vendredi d’ailleurs, mais de tous les jours à partir de 5 heures de l’après-midi, avec des dizaines de personnes massées sur les trottoirs de dizaines de pubs quel que soit le temps. On y trouve des assureurs, des banquiers, des brokers, des concurrents. On y parle de tout, de la famille, du sport et du business. Il s’y forme un véritable mercato, comme entre les clubs de football, où l’on identifie et débauche les talents. Le marché financier de Londres tire sa vitalité de cette promiscuité dans la bière et le vin blanc. C’est peut-être cela qui fait de la Grande-Bretagne une « trading nation », une nation commerçante. La culture du pub est bien différente de celle du repas d’affaires français. Le pub est ouvert et multidirectionnel. Le repas d’affaires est ciblé et instrumental. Le repas d’affaires est une affaire de raison ordonnée à un but. Le pub est un espace émotif ouvert. Il y a peut-être là une vraie différence culturelle dans le milieu des affaires entre la France et la Grande Bretagne.