Oser interroger le principe de l’encellulement individuel ?

Le récent rapport parlementaire sur la politique pénitentiaire recommande « d’oser repenser l’absolu de l’encellulement individuel pour concevoir ce principe de manière plurielle et pragmatique. » Pourquoi cette proposition ? Quelles en seraient les conséquences ?

Depuis 1875, l’administration pénitentiaire est obligée par la loi d’héberger les personnes détenues dans des cellules individuelles. Cette obligation est en général respectée dans les établissements pour longues peines (centres de détention et maisons centrales). Dans les maisons d’arrêt, la surpopulation est chronique. 54% des détenus vivent dans un établissement dont le taux de densité est supérieur à 120% ; en septembre 2021, 1 281 détenus ne disposaient pas de lit et dormaient sur un matelas posé au sol. Continuer la lecture de « Oser interroger le principe de l’encellulement individuel ? »

Chronique d’étonnement n°9

Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.

 Dans cet article de « transhumances », je me mêle aux touristes qui se font photographier au Louvre devant la Joconde ; je m’étonne du non-sens écologique des jeux olympiques d’hiver de Pékin ; je m’interroge sur le retour en prison du probationnaire Patrick Balkany.

 

Joconde

 Au Musée du Louvre, deux files d’attente ont été aménagées pour admirer, quelques instants, la Joconde de Léonard de Vinci. Les centaines de visiteurs qui auront patienté pourront s’approcher à une dizaine de mètres de ce tableau petit format pour l’admirer.

 En réalité, leur objectif n’est pas artistique. Il consiste à se photographier avec, dans le cadre, l’énigmatique Mona Lisa. Une famille japonaise se prend en selfie. Deux jeunes femmes espagnoles prient un visiteur de leur tirer le portrait : voici donc trois jocondes dans un smartphone !

 À raison d’une minute ou deux par prise, on comprend que s’approcher du tableau puisse requérir un bon quart d’heure. Patienter en vaut la peine : on peut instantanément envoyer au bout de la terre la preuve qu’on a bien vu le tableau le plus célèbre du monde. On accède, l’espace d’un instant, à une communion d’image avec une héroïne vieille d’un demi millénaire.

 

Neige artificielle

 Les Jeux Olympiques d’hiver, organisés dans la station chinoise de Yanqing, consommeront quelque 185 millions de litres d’eau. Faute de neige naturelle, il a fallu en effet recourir aux canons à neige. Or, la région est structurellement frappée par des sécheresses.

 Les pistes de ski sont situées au cœur de la réserve naturelle de Songshan, qui préserve en particulier l’orchidée de Shanxi, une espèce rare.

Il aurait été plus cohérent avec la politique de protection de l’environnement vantée par le pouvoir chinois d’organiser les jeux olympiques d’hiver dans l’Himalaya tibétain. Mais cette alternative aurait suscité d’autres critiques.

 

 

Probationnaire

 

Patrick Balkany, ancien maire de Levallois, a été incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis pour avoir enfreint les conditions mises à sa probation. Les peines de probation, alternatives à la prison, mettent à l’épreuve la volonté du probationnaire de respecter la loi et de réparer les dommages causés par les délits qu’il a commis.

 

Il est étonnant que ses avocats, des ténors du Barreau, n’aient pas réussi à le tirer de ce mauvais pas. En février 2020, ils avaient obtenu la fin de son emprisonnement à la Santé pour des raisons médicales qui, appliquées à l’ensemble des détenus, auraient entraîné la libération de milliers de captifs affectés par des pathologies similaires.

 

Un autre motif d’étonnement est la focalisation des médias sur l’un des motifs de son retour en prison, le non-respect des contraintes du bracelet électronique. Ils auraient pu tout aussi bien citer le refus de Balkany de rembourser sa dette fiscale de 53 millions d’euros. C’est pourtant notre argent, celui des contribuables, qui a été volé.

 

Enfin, dans l’émission « Par Jupiter » sur France Inter, Guillaume Meurice a interviewé des habitants de Levallois qui considéraient scandaleux qu’une si bonne personne soit condamnée à la prison alors que des malfrats courent encore. À vrai dire, qu’ils soient convaincus que la prison n’est pas faite pour des gens de leur monde n’est pas vraiment étonnant. Les cols-blancs sont rares en prison. Celle-ci héberge principalement des pauvres.

Eprouver le sens de la peine

Dans « Éprouver le sens de la peine, expériences de vies condamnées » (Éditions du commun, décembre 2021), Jérôme Ferrand, Fabien Gouriou et Olivier Razac donnent la parole à des personnes condamnées à des peines alternatives à la prison, des probationnaires.

Les auteurs sont historien du droit, psychologue et philosophe. Ils rappellent que si, pour un individu condamné, le sursis probatoire, l’assignation à résidence sous surveillance électronique ou le travail d’intérêt général évitent le passage par la case prison, la décroissance carcérale n’est pas un objectif politique en France : il y aujourd’hui 3,5 fois plus de personnes condamnées en probation alors que la population carcérale a presque triplé en 50 ans. Le taux d’encadrement pénal de la population a augmenté, à la fois dans et hors les murs de la prison. Continuer la lecture de « Eprouver le sens de la peine »

Moins de crimes, plus de prisonniers

« La France incarcère davantage depuis vingt ans alors que l’on n’assiste pas à une telle hausse de la délinquance » lit-on dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire française publié le 12 janvier 2022.

 « En vingt ans, lit-on dans le rapport, le nombre de personnes écrouées détenues a augmenté de 31,5 %, passant de près de 48 000 au 1er janvier 2001 à près de 70 000 à la fin de l’année 2021. Augmentation absolue du nombre de personnes détenues, cette hausse est également relative : en effet, le nombre de personnes détenues pour 100 000 habitants est passé de 78,5 en 2001 à 103,6 à la fin de l’année 2021. » Continuer la lecture de « Moins de crimes, plus de prisonniers »