Amiral Nelson

100211_nelson2.1265924433.jpg

Dans un précédent article, j’ai évoqué la passion de l’Amiral Horatio Nelson pour Lady Emma Hamilton. Je propose ici une lecture de la biographie de l’amiral par Georges Fleury (Nelson, grandes biographies, Flamarion 2003).

La biographie par Georges Fleury de l’amiral Horatio Nelson, dont la statue domine la Place Trafalgar, n’a pas la qualité littéraire de « Cap Trafalgar », le récit romancé d’Arturo Pérez Reverte. Mais elle est basée sur une impressionnante documentation, essentiellement les lettres échangées par le héros avec sa famille et l’administration de la Marine.

Né en 1858 d’un pasteur protestant dans le comté de Norfolk, mort en 1805 à l’âge de 47 ans au large du Cap Trafalgar alors qu’il commandait la bataille qui anéantira la flotte franco-espagnole, Nelson est un personnage hors du commun. Embarqué alors qu’il n’avait que douze ans sur le bateau commandé par son oncle, il passera au cours de sa vie plus de temps sur la mer que sur la terre ferme. Ce qui impressionne chez lui, c’est son absolue confiance en son étoile. Il recherche le danger, et ce ne sont pas un œil perdu à Calvi puis un bras à Tenerife qui le rendront plus prudent. Pour attaquer l’ennemi à Aboukir, Copenhague ou Trafalgar, il adopte des stratégies non conventionnelles et risquées, et prend même le parti de désobéir à ses supérieurs au risque de la cour martiale.

Il a un immense besoin de gloire. La « vainqueur du Nil » déplace les foules et est acclamé par les Royalistes dans toute l’Europe. Lorsqu’il vient faire soigner ses blessures à Bath, les passants le reconnaissent et l’acclament. On parlerait aujourd’hui d’une star. Il aime la popularité, les décorations, les cérémonies et les dîners mondains.

Il est adulé par ses troupes, au milieu desquelles il est à l’aise. Après une bataille, il ne manque jamais de doubler la dose de rhum et de tabac de ses hommes. Il aime enseigner aux jeunes sous-officiers.

Il est rigide lorsqu’il s’agit de faire observer un blocus dans les Antilles, au point de s’attirer des procès de la part de négociants dont la marchandise a été saisie, mais il est aussi capable de négocier avec le représentant du Tsar son retrait d’un port russe. Il épargne la vie d’un sous-officier que le fils du roi voulait faire exécuter, mais n’hésite pas à faire pendre haut et court un officier napolitain traitre a son roi. Il a une vision stratégique de la présence anglaise en Méditerranée mais s’occupe des détails de son salaire.

Il n’a cure de la réprobation publique pour le ménage à trois qu’il forme avec William Hamilton, ambassadeur à la Cour de Naples et son épouse Emma, alors même qu’il est marié. Il faut dire qu’Emma est, elle aussi, une femme d’exception : fille d’un forgeron gallois, amante de jeunes hommes riches dont sa prodigalité scella la ruine, prostituée, « corps parfait » exposé par un hypnotiseur dans des conférences prétendument scientifiques mais avant tout lucratives, favorite de la Reine de Naples, elle avait rendu Horatio fou amoureux, et ce sentiment était partagé. Pour elle, Nelson passe des mois à Naples et Palerme, en 1798 et 1799. Elle lui donnera un enfant, Horatia.

On découvre dans ce livre un univers naval déjà très technologique. Certes, les bateaux sont manœuvrés par des centaines d’hommes, mais le maniement des dizaines de voiles est complexe. On embarque à bord des charpentiers capables de réparer un grand mat ou de boucher une voie d’eau. La communication d’un navire à l’autre ou avec la terre se fait encore en hissant des pavillons, mais le télégraphe vient d’apparaitre, qui permet d’échanger des messages de manière interactive. Ceci n’empêche pas qu’il faille parfois des jours ou des semaines pour repérer l’allié que l’on doit rejoindre ou l’ennemi que l’on veut détruire.

Les ennemis se haïssent mais sont physiquement au contact. La tactique consiste à se présenter au combat dans une ligne aussi continue que possible, parallèlement à la ligne ennemie et de canonner ses vaisseaux à bout portant, puis de monter à l’abordage. Après la bataille, il n’est pas rare que l’amiral vainqueur soit invité à bord du vaisseau amiral vaincu à participer à l’immersion de son homologue vaincu et tué.

(Photo : statue de l’Amiral Nelson, Trafalgar Square, Londres. Source Wikipedia)

La »conspiration » du changement climatique

100213_home_arthus_bertrand_mine_delmas.1266100813.jpg

 La Chambre des représentants de l’Etat de l’Utah, aux Etats-Unis, vient de voter à la quasi-unanimité une résolution contre la « conspiration » du changement climatique.

Cette résolution presse l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis d’arrêter immédiatement ses politiques et programmes de réduction du dioxyde de carbone et de retirer sa déclaration d’état de danger jusqu’à ce qu’une enquête pleine et indépendante de la conspiration des données climatiques et de la science du réchauffement climatique mondial puisse être mise en œuvre.

L’Utah, Etat dont la capitale est Salt Lake City, est un grand producteur de charbon et pratique une agriculture extensive qui se sent menacée par les plans de reboisement. Les arguments des parlementaires de l’Utah représentent un énoncé du credo des sceptiques du réchauffement.

Il y a d’abord une mise en cause des statistiques. Au cours des douze dernières années, les températures mondiales seraient restées stables ou auraient diminué dans certaines régions ; la température de la terre change en permanence et le réchauffement récent indiquerait potentiellement un retour à des températures plus normales suivant une période prolongée de refroidissement de 1250 à 1860 appelée « le petit âge de glace ».

Il y a l’affirmation que le réchauffement climatique serait plus corrélé aux chlorofluorocarbones (CFC), qui sont interdits depuis 1978, qu’au CO2.

Il y a aussi la dénonciation du « Climategate », un effort bien organisé et permanent pour manipuler les données sur la température mondiale de manière à produire un résultat en faveur du réchauffement ; la marginalisation des sceptiques et l’obstruction à la publication de recherches contraires au réchauffement mondial ; la partialité du Intergovernmental Panel on Climate Change ; le biais introduit dans la recherche par les fonds d’Etat finançant les recherches, 7 milliards de dollars.

Il y a enfin l’argument économique. Les limitations aux émissions auraient pour effet un renchérissement significatif de l’énergie pour les consommateurs, les entreprises et l’industrie américains. Les efforts demandés à l’agriculture pourraient se traduire par deux cent quarante mille kilomètres carrés de reboisement au détriment des terres de culture et d’élevage. L’échec de la conférence de Copenhague montre que des grands pollueurs comme la Chine et l’Inde en appellent aux Etats-Unis pour payer des millions de dollars aux pays en voie de développement, alors que la dette nationale du pays excèdera 12.000 milliards de dollars. Les programmes de réduction des émissions bloqueraient les espoirs de développement pour les 1.6 milliards de personnes qui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, n’ont pas accès à une nourriture adéquate et à une eau propre.

On aurait tort de prendre ces prises de position à la légère. Le système politique américain fonctionne en grande partie sur le lobbying, et il n’y a pas de doute que les groupes de pression énergétiques et agricoles sont à l’œuvre dans tous les rouages du pouvoir. Dans vingt ou cinquante ans, les représentants de l’Utah seront sans nul doute considérés comme des irresponsables, voire des criminels. Il reste que si la décennie Bush a été perdue pour la cause de la planète, il n’est pas sûr que cette cause puisse avancer de manière significative sous la présidence d’Obama, tant sont fortes les voix dissonantes. Comme le dit le représentant républicain Mike Noel, « quelquefois, quand nous n’avons pas toutes les réponses, il faut avoir le courage de ne rien faire (…) Comme législateurs, nous ne devons pas faire de mal. » Etrange inversion du principe de précaution !

(Photo Arthus Bertrand, Home, mine de charbon à ciel ouvert près de Delmas, Afrique du Sud, 61°10’S – 28°44’E)

Stupid pigs

100214_greece_stock_exchange.1266148369.jpg

 Le monde financier adore les acronymes. Apres les PECO, les BRICS et les PIGS, voici STUPID. On peut se demander si ce n’est pas la caricature elle-même qui est stupide.

Les PECO appartiennent déjà à l’histoire : il s’agissait des pays d’Europe Centrale et Orientale après la chute du mur de Berlin. Les BRICS, Brésil, Russie, Inde et Chine caractérisent les puissantes montantes de la première décennie du vingt et unième siècle. Avec la crise financière est apparu l’acronyme PIGS : Portugal, Ireland, Greece, Spain, pays affligés d’un déficit public hors de contrôle, encore que comme le soulignait Katie Allen dans le quotidien The Guardian le 13 février il y a un doute sur le « I » : Irlande ou Italie ?

Voici que nait l’acronyme « STUPID » pour Spain, Turkey, United Kingdom, Portugal, Italy, Dubai. On voit mal ce qui rapproche l’émirat frappé de la folie des grandeurs et la patrie de Magellan réduite depuis si longtemps à l’humilité. On ne comprend pas ce que fait dans la liste la Turquie, qui a su mieux que d’autres pays contrôler son budget. Et on suppose que le Royaume Uni et l’Italie ne figurent ici que parce qu’il fallait les lettres « U » et « I ».

Par leur mépris librement affiché, ces jeux de mot ont pour effet de stigmatiser des pays que les spéculateurs du monde entier peuvent, en bons moutons de panurge, piétiner.

(Voir Kate Allen, « acronym acrinomy, the problem with Pigs », The Guardian 13 février 2010, http://www.guardian.co.uk/business/2010/feb/12/pigs-piigs-debted-eu-countries. Photo Bourse d’Athènes, 10 février 2010, www.msnbc.msn.com))

Pédale collante

100208_toyota1.1265667891.jpg

 Beaucoup a été dit sur la crise de la « pédale collante » : le constructeur japonais Toyota a du rappeler 3,8 millions de voitures dont la pédale d’accélérateur était susceptible de rester collée au plancher. Il y a un aspect qui me semble mériter attention.

Dans l’hebdomadaire britannique The Observer du 7 février, on peut lire : « il a depuis lors émergé que Toyota avait eu connaissance de plaintes de consommateurs au sujet de telles pédales  d’accélérateur « collantes » au Royaume Uni depuis la fin de 2008. Toyota admet que 26 des cas qu’il a rencontrés en Europe furent rapportés comme « questions de satisfaction-client » à l’époque. »

Toyota disposait certainement de procédures élaborées de gestion des plaintes. Certaines prenaient le chemin de la satisfaction-client, d’autres celui de la sécurité. On comprend pourquoi des techniciens ou des concessionnaires ont choisi le premier. Le second pouvait mener à une bombe, celle qui vient précisément d’éclater. Personne ne s’est trouvé au carrefour des deux chemins et n’a posé la question du risque potentiel que faisait courir aux conducteurs des véhicules incriminés et aux autres usagers de la route une pédale d’accélérateur qui reste enfoncée.

Les grandes organisations ont déployé des outils de gestion du risque opérationnel perfectionnés. Mais la complexité les rend parfois sourdes et aveugles, collées aux habitudes.