Nelson et Mandela

 

pa050059.1268591820.JPG

 

 

 

« Transhumances » a consacré des articles à Horatio Nelson et Nelson Mandela. Dans le supplément « Work » du quotidien The Guardian daté du 13 mars 2010, Jonathan Gifford les cite parmi des personnages historiques qui peuvent inspirer nos comportements au travail aujourd’hui.

Gifford cite Elisabeth Garrett Anderson qui fut sans cesse à l’offensive pour que la société Victorienne l’accepte dans la caste exclusivement masculine des médecins, n’acceptant jamais un non comme réponse. Il mentionne Abraham Lincoln et sa vision audacieuse d’une société dont tous les membres seraient égaux. Il loue le pragmatisme de Zhou Enlai, décidé à ce que la modernisation de la Chine avance malgré les errances de la révolution culturelle.

On lira ci-dessous les paragraphes de cet article qui concernent deux personnages auxquels le blog « transhumances » s’est déjà intéressé : Horatio Nelson et Nelson Mandela.

Diriger depuis la  première ligne, Horatio Nelson

Quiconque assume une tâche ardue ou déplaisante dirige depuis la première ligne : faire un appel téléphonique difficile ; se porter volontaire pour une tâche ingrate mais essentielle ; ou prouver que vous ne demandez pas à d’autres d’accomplir quelque chose que vous n’accompliriez pas vous-même.

Diriger depuis la première ligne, c’est ce que fit Nelson ; cela le définit. Il perdit un œil en dirigeant un débarquement en Corse, quand un impact de boulet de canon jeta du sable et des pierres sur son visage. Dans un autre débarquement. A Tenerife, il fut si gravement blessé qu’il fallut l’amputer d’un bras. Il gagna la célébrité et la gloire en capturant non un, mais deux vaisseaux espagnols à la bataille de Cap Saint Vincent.  C’est ainsi que Nelson gagna la loyauté inconditionnelle de ses hommes (…)

Quand Nelson imagina son plan consistant à attaquer la flotte franco-espagnole en navigant à angle droit à travers la ligne des navires ennemis, au lieu de s’aligner pour le traditionnel échange de bordées de canonnades, il savait que les vaisseaux de tête seraient exposés au feu ennemi pendant un temps désespérément long avant d’être en position de répondre.  L’usage était de placer le navire amiral au centre de la ligne ; Nelson mit le HMS Victory en tète de la ligne. Il resta sur  le pont à commander la bataille (« aucun capitaine ne peut vraiment se tromper s’il place son bateau le long de celui d’un ennemi ») et il fut tué par un marin français depuis un bateau avec lequel le Victory avait engagé le combat. « Grâce à Dieu, j’ai fait mon devoir », dit-il en mourant.

Changer l’état d’esprit, Nelson Mandela

Nous reconnaissons tous rapidement l’atmosphère, ou la culture, prégnantes dans toute organisation ; changer une mauvaise culture peut être la chose la plus difficile à laquelle des managers ou des travailleurs soient confrontés. Nelson Mandela changea l’état d’esprit d’une Afrique du Sud divisée qui avait frôlé la guerre civile et dont l’avenir était lourd de la probabilité d’autres affrontements interraciaux.

Mandela, alors qu’il était jugé pour haute trahison en raison d’actes de sabotage contre l’état Sud-Africain, avait dit « tout au long de ma vie je me suis consacré à la lutte du peuple africain. J’ai combattu contre la domination blanche, et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idée d’une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble en harmonie et avec des opportunités égales. C’est un idéal pour lequel je souhaite vivre et que je voudrais atteindre. Mais si c’est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».

Malgré 27 ans passés en prison, Mandela en sortit avec ces idéaux intacts. En 1994, lorsque les premières élections multiraciales eurent lieu, les Sud Africains blancs savaient que la majorité noire du pays, si longtemps exclue du pouvoir par l’apartheid, élirait un gouvernement majoritairement noir.

En fait Mandela mena une campagne de pardon personnel et mit en place une ingénieuse Commission Vérité et Réconciliation. Il dirigea le nouveau gouvernement multiracial avec une empreinte légère mais décisive et donna le ton – tranquille, inclusif, enthousiaste – qui allait créer un nouvel état d’esprit dans le pays.

Jonathan Gifford publie chez Marshall Cavendish un livre intitulé  « History Lessons ; what business and managers can learn from the movers and the shakers of history » (ce que les entreprises et les managers peuvent apprendre de ceux qui ont ébranlé et secoué l’histoire). Photo « transhumances »

Le Big Bang en question

100313_hubble2.1268471196.jpg

L’émission scientifique de la chaine britannique BBC2 « horizon » était le 9 mars consacrée à une question provocante : « est-ce que tout ce que nous savons de l’univers est faux ? ».

L’émission est tournée à la manière d’un thriller : images répétitives d’une expérience de gonflage et de « big bang » d’un ballon dans un hangar glacial, visages de scientifiques dans un miroir déformant, musique anxiogène. Elle inclut aussi des interviews de cosmologues d’universités américaines et anglaises, des images d’un télescope au Nouveau Mexique et un reportage sur un laboratoire installé dans une mine désaffectée du Minnesota, à 800 mètres de profondeur, pour tenter de prouver l’existence de l’antimatière.

La théorie du big bang, c’est-à-dire la création de notre univers par explosion et inflation à partir d’un noyau infiniment petit, est née d’un modèle mathématique qui, à partir de l’observation de la situation actuelle de l’univers, est capable de remonter le temps. Il a un très grand pouvoir explicatif : les phénomènes observés répondent bien, en général, à ce qu’il prédit. Mais avec les progrès des instruments d’observation, des anomalies apparaissent dans les températures ou les vitesses de rotation des galaxies. Les galaxies ne se comportent pas comme le modèle dit qu’elles devraient se comporter.

Pour intégrer les anomalies, le modèle doit ajouter de la gravité et inventer un phénomène invisible (« noir ») qui équilibre les équations. C’est ainsi qu’est apparue la « matière noire », qui serait invisible et pourrait traverser la matière que nous connaissons, ce qui explique l’installation du laboratoire dans le sous-sol du Minnesota. D’autres anomalies ont été constatées, ce qui a rendu nécessaire l’introduction dans le modèle de « l’énergie noire », qui remplirait le vide intergalactique. Plus récemment, d’autres observations ont conduit des cosmologues à faire l’hypothèse d’un « flux noir » qui pourrait provenir d’autres univers.  

Tout ce que nous savons de l’univers est-il faux ? Jamais la mathématique n’a été aussi développée et jamais notre observation de l’univers n’a été aussi riche. Mais l’histoire de la création racontée par la théorie du big bang a besoin de tant d’additifs « noirs » qu’un doute s’installe. Une révolution scientifique, pareille à la découverte de la loi de la relativité il y a un siècle, est-elle imminente ?

L’émission « Horizon » de BBC2 peut être vue sur http://www.bbc.co.uk/iplayer/

Photo du télescope spatial Hubble, galaxie spirale, http://www.hubblesite.org/

Santo subito?

100307_jean-paul_ii.1268078311.jpg

La béatification de Jean-Paul II, officieusement prévue pour octobre, pourrait être retardée sine die. Le miracle attendu par les partisans de sa canonisation immédiate (« Santo Subito ») se fait attendre.

Un miracle est nécessaire pour avancer sur la voie de la béatification puis de la canonisation. Dans l’édition du 6 mars du quotidien britannique The Guardian, John Hooper indique que le miracle de la guérison de la religieuse française Sœur Marie Simon-Pierre par l’intercession du défunt pape Jean Paul II en 2007 pourrait ne pas être retenu dans le procès canonique le concernant. Citant le journal polonais Rzeczpospolita, le quotidien indique en effet que la religieuse pourrait avoir été atteinte non du Parkinson mais d’une maladie nerveuse similaire et différente, susceptible de rémissions alors que le Parkinson est incurable. De plus, âgée de 49 ans, elle aurait fait une rechute de la même maladie.

On conçoit la frustration des partisans du « Santo Subito ». Jean Paul II a fait béatifier l’auteur du Syllabus, Pie IX, en 2000, et canoniser le fondateur de l’Opus Dei José María Escriva de Balaguer en 2002. N’a-t-il pas été désigné, en 2000, comme l’objet de la troisième révélation de la Vierge à Fatima ? Défenseur intransigeant de la Doctrine, n’a-t-il pas droit à sa place au Panthéon des saints catholiques ? Il semble que les médecins, ou la Providence, fassent de la résistance.

(Photo : Vatican).

Disconnect

100302_disconnect1.1267956017.jpg

Le Royal Court Theatre de Londres donne jusqu’au 20 mars « Disconnect », une pièce de Anupama Chandrasekhar, jeune dramaturge basée à Chennai en Inde. Elle met en scène une équipe d’opérateurs d’un call centre de Chennai affectés au recouvrement de créances privées dans l’Illinois.

Le premier personnage à entrer en scène est une manager, Jyothi. « OK, je suis Jyothi, en vérité. Les gens m’appellent Sharon (rires). J’étais Jennifer pour les appels entrants et Michelle pour les appels sortants. Mais j’ai toujours voulu être Kate, comme Winslet. Ou Hudson. » Dès le début, le ton est donné. Les personnages sont indiens, mais leurs interlocuteurs au bout du fil sont des débiteurs américains et à force de se faire passer pour leurs voisins et de contrefaire leur accent, ils finissent par laisser pénétrer le rêve américain au tréfonds de leur âme.

Jyothi reçoit dans son bureau un superviseur d’environ 45 ans, Avinash. Elle lui explique que selon tous les critères d’évaluation, A- aptitude, B- attitude, C- performance, D- engagement, il tombe dans la catégorie des employés à basse performance. Puisqu’il ne réussit pas à New York, il est muté à une région moins stressante : l’Illinois. Où est l’Illinois ? demande Avinash. Au quatrième étage, répond Jyothi Sharon.

La nouvelle équipe d’Avinash est composée de trois jeunes Indiens : Vidya, alias Vicki Lewis ; Giri, alias Gary Evans ; Rohan, alias Ross Adams. Ils travaillent de nuit, quand il fait jour à Chicago, et, contrefaisant l’accent américain, prétendent qu’ils appellent de Buffalo. Leur salaire est fonction d’objectifs de sommes recouvrées presque inatteignables. Ils doivent suivre à la lettre un script détaillé. Mais ils doivent aussi s’adapter aux situations et aux personnalités qu’ils rencontrent au bout du fil : les débiteurs ont divorcé, ont perdu leur emploi, ou ont tout simplement perdu la tête, cédant pour un moment à une frénésie de consommation dont ils n’ont pas les moyens. Tous les moyens sont bons, cajolerie, flatterie, menace : « vous avez fait une promesse. C’est le moment de la tenir. Voulez-vous que vos fils sachent que vous êtes un menteur et un tricheur ? Parce que si vous ne payez pas, c’est ce que vous êtes. Arrêtez de pleurer. Soyez quelqu’un dont vos fils seront fiers », dit Vidya à un débiteur, Harry Coltrane. Coltrane se suicidera une heure plus tard, plongeant Vidya dans une crise personnelle et professionnelle.

Giri s’est lui aussi endetté, à l’image des débiteurs qu’il poursuit. Sa vie dépend de son bonus. Ross finance par son travail les études de son frère à l’étranger et rêve d’émigrer. Il fantasme sur une débitrice de Chicago, Sara, imaginant qu’il entre avec elle dans une relation extra-professionnelle qui lui permettra de fuir Chennai. Usurpant l’identifiant du superviseur, il annule sa dette. Mais Sara, loin de lui en savoir gré, poursuit la compagnie en justice pour harcèlement. Insensible à la catastrophe, Ross, licencié de l’entreprise et menacé de poursuites pénales, contemple dans la nuit la décharge voisine du call centre et y voit Chicago, ses buildings et ses lumières.

Peu de livres ou de scénarios évoquent la vie professionnelle d’aujourd’hui. « Disconnect » d’Anupama Chandrasekhar est une exception. Magnifiquement jouée, intelligemment mise en scène malgré un espace exigu, sa pièce nous offre un bon moment de théâtre.

(Photo The Times : Nikesh Patel dans le rôle de Ross et Ayesha Dharker dans celui de Vidya)