René Payet, le « Don Camillo péi »

Le Journal de la Réunion et le Quotidien de la Réunion rendaient hommage hier à René Payet, qui vient de disparaître à l’âge de 89 ans.

 Son autobiographie avait pour titre « quel diable de prêtre » (Karthala 1996). On l’appelait aussi le prêtre rouge, ou encore le « Don Camillo Péi » (Péi = dont le pays est la Réunion). A vrai dire, l’analogie n’était pas appropriée. Loin de s’opposer aux Peppone du parti communiste réunionnais, René Payet en était le compagnon de route. Il avait longuement collaboré à leur journal, Témoignages, sous le pseudonyme de « Olivier Tienbo », qui en lui-même représentait un double clin d’œil à la créolité : « Tienbo » pour tiens bon ; O.T. pour « Oté ! », l’interjection favorite des Réunionnais (avec un sens voisin de « ça alors ! »).

 René Payet était en conflit chronique avec l’évêque Gilbert Aubry, qui ne supportait pas son engagement politique à gauche : René s’était présenté trois fois à des élections (sans jamais être élu) et avait présidé un Mouvement pour l’égalité, la démocratie, le développement et la nature, proche du Parti Communiste.

 En lisant les réactions des lecteurs du Journal de la Réunion on ressent, malgré les cicatrices des combats passés, une grande affection. Certains Réunionnais pouvaient ne pas aimer ses opinions et ses engagements, mais nombreux sont ceux qui ont été baptisés, catéchisés ou mariés par lui. Il faisait partie de la famille. On souligne sa profonde humanité, son humour, son courage.

 Grâce à Robert Ageneau, j’ai eu l’occasion de rencontrer René dans les années quatre-vingts et quatre-vingt dix. J’étais un jour allé à Orly l’accueillir à l’arrivée du vol Air France de La Réunion. Il m’indiqua qu’il avait des bagages à récupérer au terminal de fret. Les bagages en question étaient principalement des bombonnes de Rhum Charrette. Il sut se montrer convainquant : les douaniers fermèrent les yeux sur ce « cadeau pour les paroissiens exilés en métropole ».

 Quelques années plus tard, je lui rendis visite dans son presbytère de Saint Louis. Il me parla des pratiques de sorcellerie dans les hauts de la Réunion, de comment elles permettaient aux gens de conjurer une peur ancestrale. René aimait vraiment les gens et les comprenait.

 C’est une personne exceptionnelle qui vient de s’éteindre.

 Photo : Journal de la Réunion.

Le Poët Laval (Drôme)

Le Poët Laval, Château des Hospitaliers
Exposition "la couleur dans tous ses états"

Le Poët Laval est un village médiéval près de Dieulefit dans la Drôme provençale.

 Le village et son château, les Hospitaliers, était en ruines au début du vingtième siècle. Des travaux de restauration ont été menés pendant des dizaines d’années à l’initiative d’une association et par des particuliers qui ont aménagé des hôtels de charme et des ateliers d’artiste. Poët Laval fut aussi une place protestante : on y trouve un petit musée du protestantisme et le point de départ d’un sentier de randonnée qui mène en Suisse et en Allemagne, lieux d’exil des huguenots chassés par les dragonnades.

 Dans le château de Poët Laval se donne jusqu’au 11 septembre une magnifique exposition de Jacqueline Carron (travail sur les couleurs), Sabine Boisson (photographies) et Isabelle Jacquet (sculptures). Les œuvres sont mises en valeur par un éclairage judicieux dans de belles salles aux pierres apparentes.

Vieille rue au Poët Laval

 Dans le village, Naima Carbonare expose dans son atelier « l’Artisterie » des peintures-collages inspirées de la nature.

 Ce village est un hymne à la beauté.

 Photos « transhumances »

Trésors du Paradis

Le British Museum présente jusqu’au 9 octobre une exposition intitulée : Trésors du Paradis, saints, reliques et dévotion dans l’Europe médiévale.

 Jérusalem, Compostelle, Rocamadour, Cologne, Cantorbéry… Le Moyen Âge a été traversé par une ferveur religieuse qui, à partir de la découverte de la croix du Christ par Sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, s’est appuyée sur des objets intimement associés à la vie des saints qui ont sublimé cette ferveur. L’exemple le plus étonnant de cette sacralisation des objets est un morceau du cordon ombilical de Marie à Jésus exposé dans un joli reliquaire appartenant au Musée de Cluny à Paris.

 La ferveur religieuse se transforme en émotion artistique. Les objets présentés par l’exposition, le plus souvent en métaux précieux forgés et sertis de pierreries, constituent de véritables trésors, magnifiquement mis en valeur par un éclairage savamment étudié.

 L’acquisition des reliques, la construction de sanctuaires pour les accueillir et l’organisation des pèlerinages représentaient un enjeu économique important. Pour acquérir la Couronne d’Epines, Saint Louis dépensa l’équivalent de la moitié du budget annuel du royaume et fit construire un écrin de verre, la Sainte Chapelle. En Grande Bretagne, les reliques de Saint Cuthbert à Durham et de Saint Thomas Beckett à Cantorbéry attiraient des foules immenses et polarisaient une part importante de la richesse produite.

 L’exposition rappelle l’extraordinaire voyage mondial des reliques de Sainte Thérèse de Lisieux, que nous avions croisé à Tolède il y a quelques années et qui est aussi passé par Londres. Le besoin de vénérer le souvenir de célébrités, religieuses ou profanes, prend des formes diverses aujourd’hui mais reste bien vivant.

 Illustration : British Museum.

La foi de l’Archevêque

 

Dans The Guardian Week-End du 9 juillet, David Hare livre une interview de Rowan Williams, l’Archevêque de Cantorbéry et primat de l’Eglise Anglicane depuis huit ans.

 J’ai consacré le 16 juin un article de « transhumances » à Rowan Williams sous le titre « L’Archevêque indigné ». Son incursion dans la politique britannique, reprochant aux Conservateurs de mener une politique radicale pour laquelle nul n’avait voté et aux Travaillistes leur incapacité à définir une alternative, m’avait impressionné. David Hare décrit Rowan Williams comme un « boxeur de Dieu » n’ayant pas peur de recevoir des coups et d’en donner. Au-delà du polémiste, il nous présente un homme de foi.

 « Il ne convient pas à Dieu de sauver son peuple par des arguments », disait Saint Ambroise cité par Williams. « Oh, voyez, dit ce dernier, l’argument a pour rôle de limiter la casse. Le nombre de gens qui acquièrent la foi par un argument est vraiment plutôt faible. Mais si les gens disent des choses stupides sur la foi chrétienne, alors cela aide de dire seulement « allons, ça ne marche pas ». Il y a un miasme de suppositions : d’abord, qu’on ne peut pas avoir une vision scientifique mondiale et une foi religieuse ; deuxièmement, qu’il y a un problème insoluble autour de Dieu et de la souffrance dans le monde ; et troisièmement que tous les chrétiens sont névrotiques au sujet du sexe. Mais ces arguments ont été recyclés et refourgués plus de fois que nous avons eu de diners chauds. Et je grogne intérieurement chaque fois que je tombe sur un nouveau livre sur les raisons pour lesquelles on ne devrait pas croire en Dieu ».

 « Ce qui change les gens, c’est l’extraordinaire sentiment que les choses se mettent ensemble(…) Faire sens n’est pas un grand système théorique, mais c’est d’une certaine manière pouvoir voir les connexions et – j’ai envie ici d’utiliser l’analogie musicale – entendre les harmonies. Il est possible que tout ne soit pas cohérent dans chaque détail, mais cette harmonie est assez présente pour penser « OK, je prends le risque de m’aligner avec cela ».

 Portrait de l’Archevêque Rowan par Spencer Murphy pour The Guardian Week-End.