Visite papale

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Le pape Benoît XVI est en visite d’Etat en Grande Bretagne.

Le Cardinal Walter Kasper, bien que chargé des difficiles relations avec l’Eglise Anglicane, n’a pu participer au voyage pour raison de santé. Il y a quelques jours, il avait déclaré au magazine allemand Focus que la Grande Bretagne « est un pays séculier et pluraliste. Parfois lorsque vous atterrissez à Heathrow, vous vous croyez être entré dans un pays du Tiers-Monde. ». Il déplorait aussi qu’un athéisme agressif se soit répandu en Grande Bretagne. « Lorsque vous portez une croix sur British Airways, on vous discrimine ». Souhaitons un prompt rétablissement au Cardinal.

Le 15 septembre, la chaîne de télévision britannique a diffusé à une heure de grande écoute un reportage intitulé : « Benoît : Procès d’un pape » par le journaliste catholique Mark Dowd. Ancien frère dominicain, homosexuel déclaré, Mark considère que les positions de l’Eglise sur la sexualité ne sont pas un « deal breaker », qu’elles ne rompent pas le contrat avec sa famille spirituelle. Son reportage est remarquable d’intelligence et d’honnêteté, n’évitant aucune question difficile (comme le rôle possible de Ratzinger dans la couverture d’un scandale de pédophilie lorsqu’il était archevêque de Munich) et tentant de comprendre en profondeur la pensée et la stratégie d’un pape obsédé par l’éloignement de l’Europe de son passé religieux.

Photo The Guardian.

Œil pour œil

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Au nom du principe « œil pour œil », un juge saoudien vient de demander à deux hôpitaux s’ils accepteraient de sectionner la moelle épinière d’un homme accusé d’avoir rendu paraplégique un homme qu’il avait blessé.

The Guardian du 19 août mentionne une dépêche d’Associated Press : « un juge saoudien a demandé à plusieurs hôpitaux s’ils pourraient endommager la moelle épinière d’un homme après qu’il eut été condamné pour avoir attaqué un autre homme avec un couteau de boucher et l’avoir rendu paralysé. C’est ce qu’ont rapporté des journaux hier. L’Arabie Saoudite applique la Charia strictement, et il lui arrive de décider de punitions fondées sur l’ancien code de « l’œil pour œil dent pour dent ».

Abdul Aziz Al Matari, 22 ans, qui était resté paralysé à la suite d’une agression, demanda au juge d’appliquer à son attaquant, selon la Charia, une punition équivalente. Le journal Okaz dit qu’un juge de la province de Tabuk, dans le nord-ouest du pays, a demandé à au moins deux hôpitaux une opinion médicale sur la question de savoir s’il serait possible de rendre la moelle épinière inopérante. L’article indique que le principal hôpital de Riyad, l’hôpital spécialisé Roi Faysal, ne procèderait pas à l’opération. Il cite une lettre de l’hôpital disant « qu’il n’est pas possible d’infliger un tel dommage », fondant apparemment son refus sur des raisons éthiques. »

Les religions se prêtent à des interprétations légalistes. Pour nombre de fanatiques, Dieu est un Juge tout puissant qui fait appliquer un code rigide et inspire la terreur. Mais la compassion (l’un des piliers de l’Islam sous le nom d’aumône) fait aussi partie du patrimoine génétique des religions. Nombre de croyants prient un Dieu qui est esprit, énergie et amour. Fanatiques et prophètes peuvent-ils coexister ? Ou bien faut-il maintenant chercher des vérités multiples, sans la sécurité des dogmes, hors des religions ?

Illustration: Yves Tanguy, indefinite divisibility, Bullaflo Museum

Mariage laïc

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Blandine et Cyril ont voulu inventer le rite de leur mariage sans s’en remettre à une Eglise. J’ai aimé leurs noces laïques.

Dans ma nombreuse famille, j’ai assisté au fil des ans à de magnifiques célébrations de mariage dans l’Eglise Catholique. Des couples exprimaient avec un enthousiasme communicatif leur volonté de créer une famille avec l’Evangile comme fondation. J’ai aussi assisté à des messes de mariage glaciales malgré la canicule estivale, une formalité mondaine vide de sens.

Blandine et Cyril ont décidé que leur mariage serait laïc. C’est un choix inconfortable, car privé de la référence d’un cadre liturgique formé, validé et adapté au cours des siècles. Le premier acte se joue dans les rues médiévales d’une petite ville de Guyenne, chemin faisant vers la Mairie. Le sol est jonché de feuillages qui indiquent la direction, comme une promesse d’avenir.

Après la Mairie, les convives se retrouvent dans le parc d’un château. Pour la cérémonie laïque, une estrade a été dressée dans la prairie ; les jeunes mariés et leurs témoins y prennent place. On lit des textes de Rabindranath Tagore et de Khalil Gibran, on commente le souhait exprimé par Jacques Brel de « rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns ». Le témoignage de parents et amis est sollicité. Deux passages de l’Evangile sont lus. Curieusement, ils sont l’un et l’autre d’interprétation difficile : la parabole du Figuier bon à couper s’il ne donne pas de fruit et celle des Talents, dont la morale est qu’à celui qui a on donnera, mais qu’à celui qui n’a pas on retirera même ce qu’il a ! Les jeunes époux échangent leurs consentements et les alliances. Des membres de la famille et des amis constituent un ensemble musical avec violon, guitares et percussions. Ils interprètent « don’t worry, by happy » de Bobby McFerrin.

C’est un grand moment de bonheur partagé, joyeux mais emprunt de gravité. J’aurai plus tard pendant le dîner des échanges d’une densité humaine inhabituelle où il sera question de nos relations avec d’autres générations, celle des anciens, celle des jeunes adultes, celle des adolescents, celle des tout-petits. Blandine et Cyril ont décidément placé la rencontre sous le signe de la vérité.

Ils ont su inventer un rite qui leur ressemble. Je suis admiratif. Il est tentant de se laisser porter par le rite catholique qui, dans sa version conciliaire, réussit à faire participer l’assemblée par les prières récitées ensemble, les cantiques et la procession de communion. Imaginer son propre chemin est plus difficile. Ce serait encore plus ardu pour des personnes qui ne possèdent pas le patrimoine culturel des deux époux d’aujourd’hui. Il faudrait une banque d’idées et de ressources pour ceux qui, hors d’une religion établie, veulent célébrer d’une manière personnelle et unique une naissance, l’adieu à l’enfance, la construction d’un couple, la compassion face à la maladie ou un deuil. L’assistance à l’invention de « sacrements laïcs » serait une œuvre d’utilité publique.

Photo « transhumances »

Les Quakers au cœur de la révolution industrielle

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Abraham Darby, l’inventeur à Iron Bridge de la réduction du fer par le coke, était un Quaker.

L’appartenance d’Abraham Darby à la Société Religieuse des Amis (aussi appelés Quakers), mouvement religieux apparu dans la seconde moitié du dix-septième siècle, ne doit rien au hasard.

Les Quakers professent que les gens ordinaires pouvaient avoir une expérience directe du Christ Eternel, sans la médiation d’un clergé. Ils pensent que les hommes sont nés égaux. Leurs mots clés sont paix, égalité, intégrité, simplicité. Ils refusent de prêter serment, ce qui les exclut a priori des fonctions publiques. Beaucoup de Quakers se firent industriels car c’était l’espace de liberté qui s’ouvrait à eux. Pour mentionner quelques uns des plus fameux, John Cadbury, fondateur de la chocolaterie et de la ville verte de Bournville, près de Birmingham, et les frères Clark, fondateurs de la marque de chaussures Clarks.

Des banques (Barclays, Lloyds) et des institutions humanitaires (Amnesty International, Greenpeace, Oxfam) ont pour origine des Quakers.

La visite de la maison Darby est émouvante dans sa simplicité. A quelques centaines de mètres se trouve le petit cimetière Quaker. Les corps ont été enterrés sous la pelouse d’un étroit enclos bordé de hauts murs. Les pierres tombales, sans rien qui distingue le maitre du serviteur, sont alignées le long des murs.

Photo « transhumances » : cimetière Quaker à Coolbrookdale, Iron Bridge, Telford.