La croyance dans le changement climatique est-il une religion ? Le débat fait rage en Grande Bretagne, alors qu’une commission d’enquête parlementaire examine les allégations de truquage de statistiques.
En novembre dernier, Tim Nicholson, cadre licencié par une grande société immobilière, gagna un procès contre son ex-employeur. Le juge admit que son licenciement était lié à ses profondes convictions environnementales et que celles-ci donnaient droit à la même protection qu’une foi religieuse. Pour preuve du mépris de son employeur pour l’environnement, Nicholson avait raconté l’anecdote de son patron qui, ayant oublié son BlackBerry à Londres, avait ordonné à un employé de le lui apporter par avion en Irlande.
Dans son arrêt, le juge définit 5 critères pour établir si une croyance philosophique pourrait tomber sous le coup de la règlementation du travail sur la discrimination religieuse. 1- Il faut véritablement adhérer à cette croyance. 2- Il doit s’agir d’une croyance et non d’une opinion ou d’une vue basée sur l’état actuel de l’information disponible. 3- La croyance doit toucher à un aspect lourd et substantiel de l’activité humaine. 4- Elle doit atteindre un certain niveau de rigueur, de sérieux, de cohérence et d’importance. 5- Elle doit être digne de respect dans une société démocratique, ne pas être incompatible avec la dignité humaine et ne pas entrer en conflit avec les droits fondamentaux des autres.
C’est précisément la nature « religieuse » ou scientifique de la croyance dans le changement climatique qui fait débat. On sait que, à l’initiative de l’Institute of Physics de Londres, une commission parlementaire enquête sur la manipulation de statistiques dont se seraient rendus coupables des chercheurs de l’unité de recherche climatique de l’Université de l’East Anglia. La plainte a été rédigée en partie par un consultant, Peter Gill. Celui-ci a récemment écrit : « si vous ne « croyez » pas dans le changement climatique anthropogène, vous risquez au mieux le ridicule, mais plus probablement des commentaires au vitriole et même la diffamation (« character assassination »). Malheureusement, pour beaucoup de personnes, le sujet est devenu une religion, de sorte que les faits et les analyses sont devenues de plus en plus privés de signification ».
Il est apparu que Peter Gill est à la tête d’un cabinet de consultants qui travaille pour de grandes compagnies pétrolières, ce qui entache sa contribution de partialité, d’autant plus que plusieurs membres de l’Institute of Physics ont critiqué la plainte déposée en leur nom. Il reste que, sur le sujet spécifique comme sur le domaine de l’environnement en général, il y a un risque sérieux que des attitudes dogmatiques prennent le pas sur la construction humble et difficile de preuves scientifiques. La conviction du changement climatique doit se fonder sur l’état actuel de l’information disponible. Elle ne devrait pas être de nature religieuse.
(Source : articles du quotidien The Guardian, 3 novembre 2009 et 5 mars 2010. Graphique : diminution observée et extrapolée de la surface des glaciers de l’Arctique, The Guardian)