Au travail à bicyclette

Dans The Sunday Times du 19 juin, Robin Henry indique que, pour la première fois, le nombre de trajets jusqu’au travail à bicyclette dépasse le nombre de trajets en voiture dans la City de Londres aux heures de pointe.

 Malgré la mise en service des « Boris Bikes », l’équivalent londonien du Vélib’ et la création de quelques miles de pistes cyclables, Londres reste en général une ville hostile aux cyclistes. Pourtant, sur Cheapside, une rue dans la City, les vélos constituent plus de 50% des déplacements domicile / travail (« commuting ») selon des données officielles, et ils comptent pour 42% de la circulation sur le pont de Southwark au dessus de la Tamise. Dans d’autres villes d’Angleterre, comme Bristol, Cambridge ou York, la bicyclette représente aussi un moyen de transport en fort développement.

 A Londres, le succès de la bicyclette s’explique en partie par la « congestion charge », l’octroi perçu sur tout véhicule pénétrant dans le centre ville, qui rend en semaine le trafic relativement fluide. Il est aussi dû à l’inconfort du métro aux heures d’affluence, bondé et en permanence proche du point de rupture. Il répond à un effet de mode : les journaux publient souvent des photos de célébrités délaissant la voiture pour la petite reine, ne fût-ce que le temps du cliché.

 Il y a enfin le succès des bicyclettes pliables, qui sont autorisées sur les trains même aux heures de pointe. A chaque arrivée dans les grandes gares londoniennes, des dizaines de ces engins sont déployés.

 Photo « The Guardian », 2007

Le « Mad Professor » a pour horizon le monde

Dans The Guardian du 14 juin, Peter Wilby trace le portrait de Michael Barber, surnommé « the Mad Professor ») le professeur fou, qui fut l’éminence grise de Tony Blair en matière d’enseignement.

 Agé de 55 ans, Michael Barber a enseigné à Watford (Hertfordshire) et au Zimbabwe, fit un court passage dans la politique locale au sein du Parti Travailliste, puis fut conseiller du New Labour en matière d’enseignement. La politique suivie consista à imposer des connaissances de base pour la maîtrise du langage (« litteracy ») et du calcul (« numeracy ») ainsi que des indicateurs de performance ; elle fut ressentie comme dictatoriale et largement rejetée par le corps enseignant.

 Barber quitta ses fonctions en 2005 pour le cabinet de consultant mondialement renommé Mc Kinsey don la devise officieuse, selon Peter Wilby, pourrait être la sienne : « tout peut être mesuré, et ce qui se mesure peut être géré. »

 Barber a été nommé « head of global education practice » à Mc Kinsey (responsable du département d’éducation mondiale) et a créé aux Etats Unis une « education delivery unit » sue le modèle de la structure instituée par Blair pour mettre en œuvre la réforme de l’enseignement). Il est co-auteur de livres qui entendent mettre en lumière les conditions de succès pour les systèmes nationaux d’enseignement, et il assure la coprésidence d’un groupe de travail au Pakistan pour établir des standards fondamentaux pour l’enseignement de base. Il vient de devenir conseiller pour les questions d’éducation du groupe Pearson, le propriétaire de Penguin Books et du Financial Times qui est, selon sa propre description « la compagnie leader mondiale dans la formation » avec une présence dans 70 pays, y compris dans l’enseignement primaire au Kenya et l’enseignement supérieur en Afrique du Sud.

 Né à Liverpool dans une famille Quaker prospère, Michael Barber ne croit plus en Dieu ni en un pacifisme absolu. Mais il affirme que les valeurs Quakers guident encore sa vie, en particulier la croyance que « vous êtes sur la planète pour faire une différence ».

 Il s’agit d’une personnalité intéressante, à la fois par le contraste entre ses origines religieuses et idéalistes et une approche presque statistique de l’éducation et par sa volonté d’avoir une vision mondiale des questions d’enseignement.

 En écrivant cet article, je me rends compte de la difficulté de traduire d’une langue à l’autre les concepts relatifs à l’éducation. L’anglais utilise le concept de « education », qui couvre à la fois l’enseignement au sens strict et l’éducation au sens large. Il parle aussi de « learning », qui peut se traduire par apprentissage ou formation, mais vu du côté de celui qui apprend et non du côté du maître de stage ou du formateur, comme ce serait le cas en français.

 Photo « the Guardian » : Michael Barber.

Les Islandais enfantent leur Constitution par Internet

 

Dans The Guardian du 10 juin, Haroon Siddique décrit le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution islandaise, travers un site Internet et Facebook.

 Dans son article du 22 mai, « transhumances » relatait comment les « indignados » espagnols s’étaient inspirés de la révolte citoyenne des Islandais réclamant l’inculpation des banquiers qui avaient causé la banqueroute du pays, une réforme constitutionnelle, la liberté du journalisme d’investigation et le soutien à Wikileaks.

 La réforme de la Constitution devrait être sanctionnée par un referendum en juillet. Un comité constitutionnel de 25 membres a été formé. Il utilise, indique Haroon Siddique, les médias sociaux pour inciter les citoyens à partager leurs idées sur ce que le nouveau document devrait contenir. « Je crois que c’est la première fois qu’une constitution est rédigée fondamentalement sur Internet, dit Thorvaldur Gylfason, membre du conseil constitutionnel d’Islande. Le public voit la constitution naître sous ses yeux… C’est très différent d’autrefois, lorsque les constitutionnalistes préféraient parfois de placer hors de la vue et hors d’atteinte… »

 Le journaliste poursuit : « la constitution de l’Islande date de son indépendance acquise du Danemark en 1944. Elle avait simplement repris la constitution danoise et fait quelques ajustements, comme remplacer le mot « roi » par celui de « président ».

 Le processus de rédaction d’une nouvelle constitution démarra en avril par la réunion de 950 citoyens tirés au sort, qui consacrèrent une journée à discuter du cahier des charges du futur document. Depuis, le Conseil publie ses travaux et sollicite des contributions sur son site Internet, et utilise des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.

 Le recours au « crowdsourcing » (la recherche d’idées en sollicitant une foule de contributeurs potentiels) est probablement plus aisé dans un pays de 320.000 habitants qu’en Grande Bretagne ou en France) mais donne, selon Gylfason, professeur d’économie à l’Université d’Islande, d’excellents résultats. Le projet de loi soumis à referendum devrait inclure des contrôles et des responsabilités pour le Parlement et des clauses de séparation des pouvoirs de manière à prévenir une autre crise financière. Il devrait aussi contenir des changements significatifs sur la manière dont les députés sont élus et les juges désignés.

 Illustration El País : manifestation du mouvement du 15 mai en Espagne, sur le modèle de la protestation citoyenne islandaise.

L’assistance judiciaire en question en Grande Bretagne

L’aide judiciaire va être l’une des victimes du plan de restrictions budgétaires en Grande Bretagne. The Guardian a publié le 6 juin un article d’Amelia Hill sur les conséquences de ces mesures.

 Le Gouvernement britannique a l’intention de supprimer totalement l’assistance judiciaire dans plusieurs situations telles que les conflits familiaux, sauf lorsqu’ils comportent une violence domestique. L’économie budgétaire est conséquente : 350 millions de sterlings. On estime que 500.000 à 650.000 personnes ne pourront se prévaloir des services d’un avocat payé par le Ministère de la Justice et devront défendre elles-mêmes leur cause devant les tribunaux.

 Amelia cite le cas de Stuart Johnson, un père de famille divorcé en 2007 après 17 ans de mariage et  à qui son ex-femme déniait l’accès à Jim, leur jeune fils âgé de 4 ans, bien que le droit de visite lui fût reconnu. Pensant à tort que son niveau de revenu ne lui donnait pas droit à l’assistance judiciaire, il dut se représenter lui-même au procès. Il décrit cette expérience comme horrible, intimidante, embarrassante et humiliante. « Il n’y avait personne pour me dire comment me comporter au tribunal. Je ne savais pas quelle preuve il fallait ou même comment parler au juge. J’apportais avec moi deux valises de papiers à chaque audience mais alors, parce que je ne savais pas quand parler et quand me taire, ou quels termes légaux utiliser, ou ce qui était important de lui dire et ce qui ne l’était pas, le juge se mettait en colère et je devenais confus et émotif ».

 Stuart pataugea ainsi pendant 18 mois avant de découvrir qu’en réalité il avait droit à l’aide judiciaire. L’aide d’un professionnel lui permit de remettre les choses d’aplomb et d’obtenir gain de cause. « C’est horrible de devoir passer tout seul par un processus judiciaire. La Justice n’est pas rendue parce que vous êtes tout seul à vous battre, et que vous ne connaissez pas les règles ».

 Photo « the Guardian » : Stuart Johnson.