Boris Bike

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Le maire de Londres Boris Johnson vient d’inaugurer l’émule londonien du « Vélib ».

Le nom officiel du système est « Barclays Cycle Hire », mais les londoniens l’ont immédiatement rebaptisé « Boris Bike », du prénom de leur maire charismatique. 5000 bicyclettes sont en location, réparties entre 315 stations.

Depuis 10 ans, le nombre de déplacements à bicyclette à Londres s’est accru de 117%. La crise aidant, les achats de bicyclettes ont augmenté de 25% au Royaume Uni au cours des trois dernières années ; les achats d’automobile ont diminué de 13%.

Dans The Independant du 1er août, la journaliste Susie Mesure indique qu’il faudra investir massivement dans les pistes cyclables et limiter la place des voitures si l’on veut vraiment atteindre l’objectif officiel, décupler la part du vélo dans les déplacements urbains.

Dans la première moitié du vingtième siècle, le vélo était le moyen de transport de la classe ouvrière. Susie Measure révèle que la bicyclette est maintenant l’apanage des classes aisées. Les ménages se situant dans le premier quintile de revenu parcourent 77 miles par an ; ceux qui se situent dans le dernier quintile parcourent seulement 32 miles.

Photo : Boris Johnson inaugure le Barclays Cycle Hire devant le London Eye.

Hymne à la Petite Reine

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La chaine de télévision britannique BBC 4 programme cette semaine un documentaire enthousiaste de Rob Penn, « la course de ma vie, l’histoire de la bicyclette ». C’est un véritable hymne à la Petite Reine.

Journaliste et écrivain, Rob Penn est un passionné de bicyclette. A la fin de ses études, il partit pendant des mois à la découverte du monde sur deux roues. L’argument du film est qu’il cherche à se fabriquer une bicyclette idéale qui dure jusqu’à la fin de sa vie. Il recherche chez des fabricants artisanaux ou industriels les meilleurs pièces possibles sur le  marché : les pneus en Allemagne, les roulements en Italie, les roues en Californie. Il trouve le cadre et la selle dans les Midlands, qui furent jadis la capitale mondiale de l’industrie du cycle, avec des milliers de producteurs et de sous-traitants.

Le reportage raconte l’histoire de la bicyclette, qui est peut-être à l’orée d’un nouvel âge d’or. Le maire de Londres, Boris Johnson parle d’un retour vers le futur : au début du vingtième siècle, 20% des déplacements à Londres se faisaient à vélo ; le pourcentage a baissé jusqu’ à 1% mais s’accroit de nouveau.

Il parle de professionnels amoureux de leur métier : le fabriquant de roues de San Francisco visse les rayons un par un et vérifie leur tension dans un souci de perfection.

Il nous emmène faire du mountain bike en Californie et visiter un sanctuaire à la Madone des cyclistes au détour d’une route en aplomb du Lac de Côme.

Rob Penn vient de publier un livre, « Tout pour le vélo, la poursuite du bonheur sur deux roues ». Transhumances ne manquera pas d’en faire la recension !

Photo : Rob Penn dans le reportage de BBC 4.

Beauté des femmes âgées

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Le National Theatre de Londres présente une exposition photographique intitulée « Infinite Variety » consacrée à des portraits de femmes âgées. Dans The Guardian, la journaliste Sarah Churchwell remarque que l’usage de femmes âgées comme modèle est très bien, si ce n’est qu’elles n’ont pas l’air du tout de femmes âgées.

L’exposition au National Theatre cite Harriet Beecher Stowe : « tant a été dit et chanté sur les belles jeunes filles. Pourquoi nul ne s’éveille-t-il à la beauté des vieilles femmes ? » « Dans ces jours d’obsession avec la jeunesse, où seule la jeune beauté semble appréciée, les signes de l’empiètement de l’âge sont détestés comme des rappels d’un processus de délabrement final. Mais les femmes âgées ne peuvent pas être aussi belles que les jeunes, alors pourquoi essayer ?

Pourquoi ne pas célébrer les gains en profondeur, en personnalité et en individualité que l’on sacrifie au lustre superficiel de la jeunesse ? Pourquoi ne pas apprendre à aimer les lignes de couleur grise et argentée, délicatement dessinées à l’eau forte ? Organisée par l’actrice Harriet Walter, cette exposition célèbre la beauté du visage de la femme vieillissante. »

Dans un article de The Guardian publié le 24 juillet, Sarah Churchwell écrit qu’il semble que les femmes plus âgées sont enfin célébrées dans notre société, ou du moins c’est ce qu’on nous dit. Elle cite Jane Fonda (72 ans), Sharon Stone (52 ans), Madonna (51 ans) ou Elle MacPherson (47 ans) qui ont signé des contrats avec des marques de mode ou de cosmétiques.

 « Mais avant de déboucher le champagne, admettons quelque chose d’évident. Le fait est que toutes ces femmes semblent au moins 20 ou 30 ans plus jeunes que leur âge, particulièrement en photo. Dans sa campagne pour Dior, Sharon Stone semble magnifique, bien sûr, – mais elle ressemble aussi plutôt à un dessin animé japonais d’elle-même il y a 30 ans. Les « photographies » sont si retouchées qu’elles tiennent plus de la peinture : il n’y a pas une ride, pas un soupçon de pli de la bouche et certainement pas un cheveu gris. Sean Connery n’avait pas seulement les cheveux gris, mais il était chauve quant il séduisait Catherine Zeta-Jones dans Haute Voltige il y a dix ans : et on le considérait encore comme sexy.

Si Sharon Stone avait des cheveux gris (ou rares !) et faisait la promotion de Dior, cela pourrait ressembler à une évolution de nos attitudes à l’égard des femmes plus âgées – si non une révolution. Mais j’accepterais une ride, un pli, un simple signe d’une vie vraiment vécue, comme preuve que nous trouvons maintenant les femmes plus âgées attractives. La plupart du temps, nous ne le faisons pas : nous demandons simplement qu’elles ressemblent à des femmes plus jeunes. »

Photo de l’exposition Infinite Variety par Jill Kennington. Référence de l’article de Sarah Churchwell : http://www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2010/jul/24/madonna-and-other-mothers-id-like-to

Keeper, garde-malade

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Le magnifique livre d’Andrea Gillies « Keeper » (garde-malade), édité en 2009 par Short Books a pour sous-titre « un livre sur la mémoire, l’identité, l’isolement, Wordsworth et faire des gâteaux ».

« Transhumances » a rendu compte le 8 juin de l’interview d’Andrea Gillies par The Guardian dans laquelle elle racontait son expérience de deux ans comme garde-malade au service de son beau-père Morris, impotent, et de sa belle-mère, Nancy, atteinte de la maladie d’Alzheimer. J’avais intitulé cet article « l’horreur absolue d’Alzheimer ».

Bien que relativement court (357 pages en format « poche »), Keeper est un livre à multiples facettes.

La maladie d’Alzheimer

Keeper constitue un remarquable ouvrage de vulgarisation scientifique sur la maladie d’Alzheimer et, pour la comprendre, sur le fonctionnement du cerveau. La maladie se caractérise par l’apparition de plaques et de nœuds qui empêchent la transmission de messages chimiques et électriques entre les neurones. Gillies compare la maladie à un incendie de forêt. « Alzheimer ressemble à un incendie de forêt dans lequel des bouquets de souches calcinées se tiennent au côté d’arbres qui semblent oublieux du désastre, préservés, avec leur feuillage vert intact ».

« Alzheimer renverse le processus de passage de l’état de bébé à celui de tout petit puis d’enfant puis d’adulte d’une manière qui est presque parfaite. Il y a une sorte de logique « last-in-first-out » dans la perte graduelle de l’intelligence. Les deux zones qui font devenir adultes, les dernières à se développer chez les enfants, l’hippocampe et le lobe frontal, sont décimées en premier, les fonctions motrices en dernier. La mémoire s’en va, les souvenirs qui forment le contexte de tous nos jugements adultes, de notre expérience chèrement acquise de ce qui est bien et ce qui est bon, de ce qui marche et ne marche pas, de ce que nous aimons et n’aimons pas, de ce qui est sûr et dangereux. (…) Finalement, le malade d’Alzheimer, s’il vit assez longtemps, revient à un état de petite enfance et à l’incontinence. Le langage et la reconnaissance du langage, puis les pouvoirs enfantins de marcher, se pencher, saisir, la capacité a s’asseoir, de lever la tête et de sourire, tout cela est perdu. »

La condition des malades

Keeper est aussi un livre sur la condition des malades de l’Alzheimer.

« Si j’avais à choisir un mot attrape-tout pour décrire la vie de Nancy ces dernières années, ce serait misère. Profonde misère, incessante et insoluble. Elle sait que quelque chose ne tourne pas rond, pas rond du tout, mais qu’est-ce que c’est ? Elle a une série de terribles rencontres quotidiennes avec elle-même et son environnement qui pourraient provenir directement d’un thriller amnésique : se réveiller pour découvrir qu’elle a vieilli de 50 ans pendant la nuit, que ses parents ont disparu, qu’elle ne connaît pas la femme dans le miroir, ni les gens qui prétendent être son mari et ses enfants, et qu’elle n’a jamais vu la série de pièces et de meubles que tout le monde autour d’elle affirme être sa maison. Le temps a glissé, soufflé de travers. Chaque jour pour elle se passe dans une recherche continuelle pour mettre les choses d’aplomb. »

Ou encore :

« Le monde de Nancy se recrée à chaque minute. Elle vit dans l’instant. (…) Il se peut que la meilleure chose pour les malades d’Alzheimer soit une sorte de nomadisme. Une randonnée permanente à un rythme de promenade en compagnie de quelqu’un avec qui converser, s’arrêtant seulement pour manger et dormir, les rendrait heureux, je pense. »

 « La seule maniere (inadéquate) par laquelle je puisse me relier à ce qu’éprouve Nancy quand elle s’éveille est me rappeler des moments ou je n’étais pas sûre d’où j’étais. Quand je me réveillais d’une anesthésie. Quand je me réveillais dans une chambre d’hôtel étrange, avec des meubles, des ombres, une odeur pas comme il faut. (…) La raison pour laquelle je n’ai pas peur de me réveiller est que, en me tournant et m’étirant dans mon lit, tout ce que je vois autour de moi est explicable. »

La condition des gardes-malades

Andrea Gillies décrit comment au fil de ces deux années, elle s’est sentie sucée, vidée de l’intérieur par Nancy. « Je découvre, dans une introspection de routine, que je suis arrivée très bas. Nancy est en train de réussir à me vider de mon optimisme, ce qui semble bien étrange en plein cœur de l’été : plate dans le cœur, vide dans la tête, aspirant a la solitude et au sommeil ».

Elle parle de « The Book », la bible des gardes malades de l’Alzheimer. « The Book attend de nous que nous soyons des saints. Rendez Alzheimer amusant, exhortent ses auteurs. Consacrez-vous totalement à votre rôle de soignant. Gardez un moral d’acier. (…) Ne punissez pas les déments, jamais, ne leur faites pas de reproche, ne les réprimandez pas. Rappelez-vous, les déments ne sont plus responsables de leurs actions. Restez calme. Mettez-vous en retrait. (…) Au fond, soignants, votre vie est finie (mes italiques. Ma conclusion) ». Après deux ans, incapable d’exercer sa profession d’écrivaine et de mener avec son mari et leurs trois enfants une vie de famille normale, elle jettera l’éponge et obtiendra que ses beaux-parents soient placés dans une institution.

Les rapports avec les travailleurs sociaux ne sont pas simples. Ceux-ci sont impressionnés par la « gentillesse » que Nancy, instinctivement, leur démontre. Ils voient les difficultés des gardes-malades et leurs erreurs, mais au lieu de leur donner des paroles de réconfort, font peser sur eux la culpabilité et se réfugient dans un jargon administratif.

Une page amusante est lorsque Andrea constate, à la faveur d’un séjour à l’hôpital de Morris, le mari impotent de Nancy, que malgré son langage bourru (mais que racontes-tu là, femme méchante ?), il est, à sa manière, « un compagnon d’Alzheimer compétent. Sa manière consiste à partager la télévision tout au long de la journée. Il regarde tout et n’importe quoi, est un zappeur habituel et maintient avec le programme un dialogue incessant qui est une vraie manière de parler à sa femme. »

Le nord de l’Ecosse

Conscients que les parents de Chris n’avaient plus l’autonomie suffisante pour vivre seuls, Chris et Andrea avaient opté pour acheter une grande maison victorienne sur une Péninsule au nord de l’Ecosse où grands-parents, parents et enfants auraient chacun leur espace. Le modèle économique imposait aussi de faire « Bed & Breakfast ».

Mais hormis quelques jours de juillet et août, le temps peut être glacial et venteux au point de rendre les feux de cheminée inutilisables. Andrea et Chris pensaient que le « sublime » évoqué par le poète Wordsworth méditant sur un paysage naturel merveilleux aiderait Nancy et Morris à surmonter leur épreuve. Mais Morris vit reclus devant sa télévision, et Nancy est hébétée par le changement.

L’âme existe-t-elle ?

Enfin, le livre ouvre des réflexions abyssales sur ce qui fait qu’un être peut se dire humain. Si c’est la conscience, qu’en est-il lorsque la maladie la décime jusqu’à l’annihiler ? La démence pose une question philosophique et religieuse redoutable. L’esprit humain est-il « encapsulé » dans une âme immortelle ? Ou bien est-il le produit magnifique de milliards de connexions qui produisent de la mémoire transmissible à d’autres humains, avant de disparaître inexorablement ?

Illustration : couverture de Keeper