Le quotidien britannique The Guardian a publié le 1er septembre 2017 un article de Samira Shackle « Cheval de Troie : la véritable histoire derrière le faux « complot islamique » pour prendre le contrôle d’écoles. » On y trouve, dans le contexte britannique, des thèmes qui agitent l’opinion publique française autour de l’école et de l’islam.
The Guardian adresse gratuitement chaque semaine par courriel à des personnes intéressées des articles approfondis (long reads) qu’il a publiés récemment ou dans le passé. L’article de Samira Shackle en fait partie.
En novembre 2013, les autorités académiques de Birmingham reçurent un courrier censé avoir été écrit par un islamiste. Il décrivait un complot nommé « Cheval de Troie », destiné à prendre le contrôle en cinq étapes d’écoles primaires et de collèges situés dans les quartiers est de Birmingham, à forte densité d’immigrés du Pakistan.
On ne tarda pas à constater que ce courrier était une imposture, mais s’agissant d’un sujet hautement inflammable, sa diffusion dans la presse provoqua un scandale, des inspections du ministère de l’Education et la révocation d’enseignants.
Quelques années auparavant, des pédagogues convaincus qu’intégrer la culture d’origine d’enfants issus de l’immigration favoriserait leurs résultats scolaires obtinrent des autorités l’autorisation de délivrer les cours de morale selon les principes de l’islam. En Angleterre, les écoles publiques sont obligées d’organiser un acte de culte par jour, bien que toutes ne les mettent pas en œuvre. C’est en principe l’anglicanisme qui est pratiqué, mais une autre religion peut être choisie en fonction du contexte local.
Dans l’école de Park View, pionnière dans le domaine, les résultats furent spectaculaires, avec des réussites aux examens impressionnants. Un rapport d’inspection réalisé en 2012 décrivit l’école comme exceptionnelle (« outstanding »). Peu après, Park View prit le statut « d’académie ». Au lieu de dépendre, comme les autres écoles, de la municipalité, les académies sont gérées par une association (charitable trust) et contrôlées directement par le ministère de l’éducation à Londres. Le bureau de l’académie de Park View, qui prit le contrôle de deux autres écoles, était composé de musulmans et de non-musulmans.
Après que le scandale « Cheval de Troie » eut éclaté, le ministère lança une inspection sur Park View et une vingtaine d’écoles. L’inspection considéra que cinq de des écoles étaient inadéquates, bien que deux ans plus tôt, Park View fût considérée comme exceptionnelle. « Les inspecteurs alléguèrent que ces écoles avaient fourni une éducation sexuelle inadéquate, qu’elles n’avaient pas suffisamment enseigné aux élèves les systèmes de croyances autres que l’islam, avaient séparé certaines classes en fonction du sexe et découragé les garçons et les filles de socialiser les uns avec les autres. Dans certains cas, affirmèrent-ils, le personnel qui n’était pas d’accord avec ces changements avait été intimidé et harcelé. »
Une autre mission fut confiée par le ministre conservateur de l’éducation à un ancien responsable de la police antiterroriste sur l’existence ou non du complot « Cheval de Troie ». Elle travailla sur la base d’entretiens et de l’analyse de groupes What’sApp où s’exprimaient parfois des opinions extrémistes. Elle publia son rapport à l’automne 2014. Il ne trouva aucune preuve de radicalisation fomentant des opinions extrémistes, mais il conclut qu’à des degrés divers il y avait eu un effort concerté pour « islamiser » les écoles et les gérer comme des écoles confessionnelles de facto.
J’exprime ici mon opinion personnelle. Le traitement politique de cette affaire, sur fond d’antiterrorisme, aboutit à l’éviction des pédagogues impliqués dans le projet de Park View, malgré les résultats probants de leur action. Il a laissé dans les milieux pakistanais de Birmingham un goût amer. Une autre approche, reconnaissant le caractère positif de la symbiose entre le milieu et l’école mais établissant clairement des garde-fous aurait été préférable.
Merci pour la relation de ce sujet intéressant, passé inaperçu en France.
Avis partagé !