Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.
Dans cet article de transhumances, je m’étonne de mon accoutumance à la violence contre la population civile de Gaza ; j’évoque les contradictions de l’Administration Trump autour du concept de liberté ; j’assiste muet à la logorrhée de convives sur l’islam et l’immigration ; et je m’interroge sur la mise à l’isolement total de personnes détenues en raison de leur appartenance au grand banditisme.
Accoutumance
Le gouvernement israélien a bloqué l’acheminement d’aide humanitaire et la fourniture d’électricité à la population de Gaza. Ces actes de cruauté ont été mentionnés dans les médias dans l’indifférence générale. Moi aussi, je me suis accoutumé. J’en ai honte.
Liberté
Les débuts de la seconde présidence de Donald Trump sont si stupéfiants qu’ils rempliraient à eux seuls des pages de chronique d’étonnement. Limitons nous ici au thème de la liberté.
Les libertariens qui inspirent le président et son vice-président se réclament de la liberté. Ils sont opposés à toute mesure de protection de l’environnement, à tout contrôle sur la finance et le commerce (sauf les droits de douane). Ils veulent démanteler les politiques en faveur des minorités. Ils veulent que tout puisse être dit sur les réseaux sociaux et s’opposent au contrôle des contenus haineux ou des fausses informations.
La liberté qu’ils défendent est la leur. Car ils entendent empêcher toute recherche scientifique sur des sujets qu’ils considèrent comme « woke », tels que la condition des femmes et l’histoire de l’esclavage. Dans les bibliothèques municipales de communes gérées par les Républicains, dix mille livres ont été retirés de la circulation.
Logorrhée
Lors d’un déjeuner d’une quinzaine de personnes, je me trouve pris en tenaille entre deux hommes et une femme qui se livrent à une surenchère verbale : la tyrannie du Coran, les 300 000 migrants qui nous envahissent chaque année (quinze qui arrivent, un qui travaille, quatorze qui profitent), le scandale de l’aide médicale d’État, l’explosion de la délinquance, le droit-de-l’hommisme, le wokisme. Ce torrent de paroles semble imparable. Je n’ai pas la présence d’esprit, ni peut-être le courage, de demander s’ils ont lu le Coran, d’où viennent leurs statistiques indiscutables.
Au bout d’une demi-heure de déferlement, la « conversation », si l’on peut dire, s’oriente vers l’invasion de frelons asiatiques. Reconnaissant, je respire un grand coup.
Mise à l’isolement
En France, le ministre de la Justice a annoncé l’enfermement dans deux prisons de haute sécurité, à l’isolement total, des cent plus gros narco-bandits de France, quel que soit leur statut, de détention provisoire ou de peine définitive.
Il répond ainsi à une préoccupation légitime de l’opinion publique, inquiète de voir des caïds continuer leurs trafics depuis leur cellule, préparer leur évasion ou commanditer des assassinats. L’idée de structurer l’emprisonnement selon des degrés différents de sécurité n’est pas choquante. Une grande majorité des détenus, soumis aujourd’hui à un régime unique de stricte discipline, pourraient d’ailleurs être accueillis dans des prisons ouvertes.
Il faut simplement rappeler l’importance de distinguer les prévenus – en attente de jugement et bénéficiant de la présomption d’innocence – et les condamnés, qui ont été jugés. Les premiers n’ont pas leur place en maison centrale mais en maison d’arrêt.
L’isolement sera décidé pour 4 ans. Il faut être conscient que l’absence totale de contact humain conduit à la folie et peut être considéré comme une forme de torture blanche.
Merci Xavier pour ta chronique dont je partage les termes, c’est pour cela et pour plein d’autres raisons que nous sommes devenus amis. Résistons!
Étonnements partagés devant ce monde à la dérive !
Je les retrouve chez Sebastian Haffner, un jeune juge allemand, qui a eu les mêmes dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres, et qu’il explique avec une douloureuse lucidité ( »Histoire d’un Allemand. Souvenirs, 1914-1933 »).
Amitiés. C.
Excellent livre en effet : https://www.xavierdenecker.fr/histoire-dun-allemand/