Chronique d’étonnement n°85

Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.

Dans cet article de transhumances, je ne suis pas vraiment étonné par l’attitude du Rassemblement National après la condamnation de Marine Le Pen à la prison et à l’inéligibilité ; les cinquante ans d’écart qui me séparent, à quelques jours près, d’un jeune détenu me donnent à penser ; j’admire Cory Booker, qui a battu le record de durée d’un discours au Sénat américain dans un acte de résistance au trumpisme triomphant.

Laxisme

Il peut sembler étonnant qu’un parti, le Rassemblement National, qui ne cesse de fustiger le « laxisme » de la justice, s’insurge contre le jugement à une peine de prison et d’inéligibilité de la présidente de son groupe parlementaire, Marine Le Pen.

La dialectique du « eux » et du « nous » permet de comprendre cet étrange comportement. « Nous » sommes les Français de souche, des gens bien comme il faut, avec ce qu’il faut d’accommodements avec la morale pour rester ensemble. « Eux » ne font pas partie de notre communauté, ils viennent d’ailleurs, ne s’habillent pas comme nous, ne mangent pas les mêmes aliments, n’écoutent pas la même musique ; ils sont essentiellement différents et dangereux.

Un vol à l’étalage commis par l’un « d’eux » mérite une sanction sévère. Le simple rappel à la loi est dérisoire, le travail d’intérêt général trompeur. Seule compte la peine de prison ferme, la plus longue possible, pour punir et neutraliser.

Quatre millions d’euros détournés par l’un d’entre « nous » est une peccadille, un arrangement d’autant plus compréhensible qu’elle finance le parti et contribue aux succès électoraux de la Cause.

Leidenstadt

Au parloir d’une prison, le jeune Latino-américain que je rencontre chaque semaine m’annonce qu’il aura vingt-six ans dans quelques jours. Je viens de célébrer mes soixante-seize ans. À quelques jours près, nous avons cinquante ans, un demi-siècle, de différence. Lui, si jeune encore, a vécu mille vies et s’efforce de survivre le mieux possible en captivité.

Qu’aurait été ma vie si j’étais né en 1999 sur un autre continent ? Je sens le vertige du temps qui passe. Je pense à la chanson de Jean-Jacques Goldman :

Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j’avais été allemand ?

Leidenstadt est une ville imaginaire, née de la contraction de Leiden (souffrances) et Stadt (ville).

Résistance

Le Monde relate l’exploit du Sénateur Cory Booker, du 31 mars à 19h au 1er avril à 20h. Sans s’interrompre, sans manger, debout à son pupitre sans le quitter pour aller aux toilettes, il a tenu un discours de vingt-cinq heures et cinq minutes pour dénoncer l’autoritarisme de Donald Trump et les coupes budgétaires brutales par Elon Musk. Une vingtaine de sénateurs démocrates se sont relayés pour lui poser de longues questions, lui permettant de reprendre son souffle.

Cory Booker a battu le record du plus long discours au Sénat américain. Sa performance est l’un des premiers actes publics significatifs de résistance au rouleau compresseur trumpiste. Bravo !

Une réflexion sur « Chronique d’étonnement n°85 »

  1. Cette chanson de Goldman me trotte dans la tête depuis de nombreuses années passées auprès de jeunes migrants. Merci de nous le rappeler.

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