Comment développer le travail en prison ?

Comment accroître les droits des personnes qui travaillent en prison et, simultanément, ouvrir davantage d’emplois aux personnes détenues ? Ces deux exigences paraissent contradictoires : l’accroissement des contraintes et des coûts risque de dissuader des entreprises de produire en détention. Dépasser cette contradiction est un enjeu majeur pour l’institution pénitentiaire.

Le projet de budget de l’administration pénitentiaire souligne qu’aujourd’hui seules 29 % des personnes détenues ont accès à un travail en détention, contre près de 50 % au début des années 2000. Le travail s’exerce dans le cadre des services généraux des établissements (cuisine, nettoyage, entretien etc.) ou d’ateliers produisant pour le compte de donneurs d’ordre extérieurs.

Or, souligne-t-on, « le travail est un vecteur essentiel de réinsertion. Il permet également de percevoir une rémunération afin de participer à la vie familiale, d’indemniser les victimes et d’améliorer le quotidien en détention. » Un objectif ambitieux est fixé à l’horizon 2025 : 50% des détenus devraient être employés.

Le contrat d’emploi pénitentiaire

La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a créé un contrat d’emploi pénitentiaire. Elle a été complétée le 19 octobre 2022 par une ordonnance relative aux droits sociaux des personnes détenues.

Désormais, c’est un véritable contrat de travail qui lie les personnes détenues à l’administration pénitentiaire. Celle-ci prend à sa charge les obligations de déclaration et de paiement des cotisations, y compris lorsque le donneur d’ordre est extérieur, ce qui simplifie leur gestion. L’État prend à sa charge la rémunération et les cotisations des travailleurs employés aux services généraux et des personnes détenues en formation professionnelle ainsi que les cotisations vieillesse des travailleurs employés par des donneurs d’ordre extérieurs.

Comme dans la vie libre, les travailleurs sont indemnisés en cas d’accident du travail ; ils sont protégés contre le harcèlement et la discrimination ; leur lieu d’emploi peut être visité par l’inspection du travail.

Le risque existe que la nouvelle loi, qui accroît le coût du travail en détention et les obligations à respecter par les employeurs, rende moins attractif l’emploi de personnes détenues. Ces nouvelles contraintes s’ajoutent à celles qu’évoquait récemment un patron de PME : « L’administration pénitentiaire est une administration très lourde. Les moyens d’accès aux ateliers situés en détention sont compliqués. Il faut parfois une heure pour y entrer et une heure pour en sortir. Il faut donc être très motivé et plus animé par une volonté d’aider que par une recherche de rentabilité ».

Délocaliser ou localiser en prison

Le ministre de la Justice Dupont-Moretti a convoqué le 25 août 2022 une vingtaine de patrons de grands groupes pour les persuader de localiser en prison certaines de leurs activités. Ses arguments : la simplicité de gestion du contrat d’emploi pénitentiaire, les dispositifs de formation professionnelle garantissant une main d’œuvre qualifiée, des ateliers plus spacieux dans les prisons en construction.

 L’administration pénitentiaire s’est dotée en 2018 d’un outil pour développer le travail d’intérêt général à l’extérieur de la prison et l’emploi pénitentiaire : l’ATIGIP, Agence nationale du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. Au sein de l’agence, le Service de l’Emploi Pénitentiaire gère 49 ateliers actuellement et prévoit d’en ouvrir 3 par an. Ces ateliers concernent principalement la confection, la métallerie et la menuiserie.

Le Service de l’Emploi Pénitentiaire souhaite ouvrir des ateliers dans des domaines d’activité dans lesquels la demande est forte, tels que le numérique ou le recyclage. Ces ateliers accueilleraient en priorité des jeunes à qui serait proposée une formation professionnelle à ces nouveaux métiers.

Actuellement, une grande partie des postes de travail en détention consistent en de la manutention et ne requièrent pas de compétences professionnelles. Pour les entreprises, le travail en prison répond à une recherche de travail à bas coût, alternative à la délocalisation dans des pays du tiers-monde.

Il est possible que l’aggravation des risques politiques rendent moins attractives les délocalisations et que, malgré l’augmentation de son coût, le travail déqualifié pénitentiaire reste compétitif. À terme cependant, c’est bien une montée en gamme du travail proposé aux entreprises, associée à une offre de formation professionnelle adaptée, qui permettra d’offrir plus de travail aux personnes détenues

2 réflexions sur « Comment développer le travail en prison ? »

  1. je trouve que c’est un réel progrès .L’exploitation e la « main d’œuvre pénitentiaire » dans les conditions actuelle est tout de même assez éhontée….Pour ne pas dire plus

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