Une étude nationale a été publiée en février 2023 sur le thème de « la santé mentale en population carcérale sortante ». Il s’agit de comprendre comment vont les personnes détenues du point de vue psychique à leur sortie de prison.
L’étude comporte trois volets. En ce qui concerne les détenus hommes, elle a été menée dans 26 maisons d’arrêt de France métropolitaine auprès de 586 prisonniers. Du côté femmes, les entretiens ont été menés auprès de 131 prisonnières dans 4 établissements de la seule région Hauts de France. Hommes et femmes ont été interrogés dans les 30 jours précédant leur libération. Par ailleurs, une enquête a été menée auprès des personnels de santé des prisons des départements et territoires d’Outre-mer.
L’étude permet de quantifier un phénomène constaté tous les jours de manière empirique. Les personnes qui entrent en prison sont des pauvres. Les hommes interrogés ont en moyenne 36 ans. Un quart est de nationalité étrangère. Un tiers n’a aucun diplôme, et plus de la moitié n’est pas arrivée au baccalauréat. La quasi-totalité d’entre eux a souffert de négligence physique ou émotionnelle pendant leur enfance ; les abus émotionnels ont été soufferts par 41% d’entre eux, les abus sexuels par 13%, ce dernier chiffre s’élevant à 37% pour les femmes. Environ la moitié des répondants a connu une assistance éducative ou un placement au cours de l’enfance et près de la moitié a été soumise à une mesure pénale avant la majorité.
Avant l’incarcération, près de la moitié des hommes a déjà bénéficié d’un suivi par un psychiatre, un psychologue ou un addictologue. Près d’un cinquième des répondants a déjà été hospitalisé en psychiatrie, Environ un sur dix a été hospitalisé en addictologie. Plus d’un sur dix a bénéficié d’un traitement de substitution aux opioïdes. Dans leur grande majorité (87%), les hommes sont fumeurs.
Pendant l’incarcération, 32% des hommes interrogés déclarent n’avoir jamais fait de sport depuis le début de l’incarcération, 42 % n’ont pas eu accès aux parloirs, 48% n’ont jamais travaillé, 60 % n’ont pas eu accès à la scolarité, 68 % n’ont participé à aucune activité socio-culturelle et 77 % n’ont jamais accédé à une formation professionnelle.
Le risque suicidaire est important. 11% des femmes et 10% des hommes interrogés disent avoir fait une tentative de suicide, Le risque suicidaire est estimé à 60% pour les femmes (dont 19% de risque élevé) et 28% pour les hommes
« Rencontrés quelques jours avant leur sortie, seuls 27,8 % des participants indiquent qu’ils vivront dans un logement personnel à la sortie, quand 44,9 % déclarent qu’ils habiteront chez un tiers (famille, proches) et 6,1 % en institution. Enfin, 20,6 % ignorent où loger. Plus des deux tiers (68,9 %) des participants anticipent un statut de chômeur à la sortie ou ne savent pas quel sera leur avenir professionnel. »
Dans ce contexte, les conclusions de l’étude ne surprendront pas. Les deux tiers des hommes détenus en maison d’arrêt et les trois quarts des femmes sortant de détention présentent, à la sortie de prison, un trouble psychiatrique ou lié à une substance. Un tiers des hommes (et la moitié des femmes) sont concernés par des troubles thymiques (incluant la dépression). Un tiers des hommes (et la moitié des femmes) sont concernés par des troubles anxieux.10 % des hommes (et un sixième des femmes) sont concernés par un syndrome psychotique. Un quart des hommes (et la moitié des femmes) sont sujets aux insomnies.
L’étude offre une photographie de l’état psychique des personnes sortant d’une détention en maison d’arrêt. Il faudrait pouvoir comparer précisément l’effet de la prison sur le psychisme des captifs. Ce serait particulièrement pertinent dans le cas des personnes effectuant une longue peine, donc dans un centre de détention ou une maison centrale.
La prison entretient un rapport complexe avec la psychiatrie. L’enfermement sous contrainte dans un hôpital psychiatrique est décidé quand le jugement d’un criminel est considéré comme aboli au moment du passage à l’acte. Les psychologues et psychiatres sont présents en prison, dans les services médico-psychologiques régionaux, SMPR. Dans son livre « Soigner les méchants » (2015), le psychiatre Maurice David a proposé une analyse du rôle de la psychiatrie en détention, tiraillée entre le soin et le contrôle social.
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Jean-Marc Béguin
3 avril 2023 at 10h21
Pour mesurer l’effet de la prison, il faudrait déjà mettre en regard tous les pourcentages cités avec la longueur des peines. Ce n’est pas pareil d’aller en prison 15 jours ou 2 ans a fortiori davantage. Il est aussi possible que les « VIP » type Tapie ou Balkany aient été exclus de l’enquête (on ne le sait pas) ; mais il y a aussi des gens éduqués en prison même si ils arrivent le plus souvent à y échapper. Il est curieux que l’importance des peines ne soit pas davantage prise en compte dans l’étude.