Dans « Corporate », son premier film, Nicolas Silhol plonge le spectateur dans une entreprise où sont appliquées des méthodes de management mortifères.
Émilie Tesson Hansen (Céline Sallette) est responsable des ressources humaines de la direction financière d’un groupe agroalimentaire. Elle a été recrutée par Stéphane Froncart (Lambert Wilson) pour obliger les cadres non-performants à quitter l’entreprise.
Émilie n’a pas d’état d’âme. Elle a l’esprit « corporate », c’est-à-dire qu’elle fait siennes sans réserve les stratégies de l’entreprise. Elle est proactive et n’attend pas qu’on lui dise d’en haut ce qu’elle doit faire dans telle ou telle situation. Elle suit intelligemment et avec zèle les scénarios prescrits. Dans un premier temps, on persuade le salarié visé de demander une mutation. Puis on lui explique qu’aucun poste n’est disponible. Enfin, on lui pourrit la vie de sorte qu’il en vienne à démissionner, ce qui évite à l’entreprise les tracas et les coûts d’un licenciement.
Le processus d’éjection fonctionne bien, trop bien, s’agissant d’un cadre qui se jette par une fenêtre de l’entreprise. Il faut trouver un coupable à ce suicide, d’autant plus qu’à une enquête du comité d’hygiène et de sécurité s’ajoute celle d’une inspectrice du travail particulièrement combative, Marie Borrel (Violaine Fumeau). Émilie est dans l’œil du cyclone. On la surnommait « the killer », la tueuse. Voici qu’elle est suspecte d’homicide involontaire.
Peu à peu, Émilie est rongée par le doute. Son mari est lui-même cadre au chômage. Lorsqu’elle lui propose une simulation d’un entretien d’embauche, les mots sonnent faux, le sol se dérobe sous ses pieds.
Peu à peu, sa relation avec l’inspectrice du travail change de nature. D’abord hostile, puis tentant de limiter le risque pénal en collaborant à l’enquête, elle choisit finalement de s’engager à fond pour que la vérité éclate. Le poids de la culpabilité était trop lourd.
« Corporate » souffre d’invraisemblances, par exemple la visite d’inspection d’un chantier à laquelle l’inspectrice du travail invite Émilie, bien que celle-ci soit visée par une enquête. L’activité de l’entreprise et son fonctionnement sont mal cernés. Mais le suspense est bien entretenu et l’évocation du « syndrome France-Télécom » sonne juste. Le casting est excellent, avec des personnages bien campés : Céline Sallette dans le rôle d’un personnage inflexible qui révèle sa fragilité et passe à la révolte ; Violaine Fumeau, dans celui de l’inspectrice du travail armée par la foi en sa mission ; Lambert Wilson en patron cynique et manipulateur.