Dans « Pouvoir et politique pénale, de la prison à la surveillance électronique » (Éditions Libre & Solidaire, 2016), Tony Ferri, docteur en philosophie et conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, s’interroge sur ce nouveau mode d’enfermement que constitue le bracelet électronique.
Toni Ferri s’insurge contre la qualification de « prison virtuelle » que certains attribuent au placement sous surveillance électronique. Il relève que le mot « virtuel » a deux significations. Dans le langage courant, il désigne ce qui n’est qu’en puissance, à l’état de simple possibilité ; dans le domaine du cyberespace, « virtuel » se rapporte à ce qui « concerne la simulation de la réalité par des images de synthèse tridimensionnelles ».
Il remarque qu’aucune de ces significations ne s’applique au placement sous surveillance électronique. Car celui-ci constitue bien un enfermement. Certes, il réduit les effets délétères de l’incarcération entre des murs, en permettant le maintien des liens familiaux et l’exercice d’un travail. Mais l’enfermement, par un « réseau d’ondes » comme dans le « sépulcre » d’une prison, « c’est proprement, méticuleusement, l’organisation du malheur. »
« Loin d’exprimer une tendance à la dématérialisation de l’enfermement, écrit Tony Ferri, le placement sous surveillance électronique est un enfermement tangible et perceptible parce qu’il s’empare des profondeurs de l’être, devient obsédant pour nombre de condamnés qui y pensent tout le temps ou qui ont du mal à faire totalement abstraction de sa présence, même après son retrait, influe sur le désir, le goût, le jugement, le comportement. Ce dispositif a donc incontestablement un impact effectif sur les placés qui en font l’objet. »
Ou encore : « si la prison a ceci de particulier qu’elle vide le détenu de son être et de sa sève, le placement sous surveillance électronique se caractérise par sa tendance à hanter le placé et à le « remplir » de stress et d’inquiétude. » Il tend à faire des placés des spectres errants, des vivants morts, tout comme les détenus deviennent peu à peu des zombies, des morts vivants.
Tony Ferri tente d’appliquer à la prison et au placement sous bracelet électronique une grille de lecture qui oppose l’habitat nomade (c’est l’ensemble du territoire que l’on habite, non un lieu précis) et l’habitat sédentaire (caractérisé par un dedans et un dehors), mais cela n’est guère convainquant.
D’une manière plus générale, son livre est nourri de son expérience de praticien du monde pénitentiaire et de sa culture philosophique. Certains passages, inspirés par son expérience de terrain, décrivent la réalité pénitentiaire en prison et sous placement électronique en des termes qui touchent. Les parties académiques de l’ouvrage souffrent des travers du monde universitaire, un vocabulaire inutilement savant et le goût de la polémique.
« Transhumances » a rendu compte il y a un an d’un documentaire, « enfermés dehors », sur le bracelet électronique.