Pour tenter de limiter la suroccupation des prisons, le gouvernement a proscrit les peines de prison inférieures à six mois. Cela ne marche pas : les chiffres ne cessent d’augmenter, 2 478 matelas au sol au 1er juillet 2023, un tiers de plus que l’année précédente. C’est probablement aux longues peines qu’il faudrait s’attaquer.
Transhumances a consacré deux articles au rapport publié en janvier 2022 par la commission d’enquête parlementaire visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, dont le président était Philippe Benassaya, et la rapporteure Caroline Abadie : une présentation générale du rapport et un focus sur l’absence de corrélation entre l’évolution de la criminalité et celle de l’incarcération.
En relisant ce rapport, on est frappé par une incohérence. Le chapitre 3 est intitulé « la politique pénitentiaire et l’utilisation du parc carcéral dépendent de la politique pénale ». Le rapport décrit « une politique pénale sévère et centrée sur l’enfermement ». Il cite quelques chiffres. Entre 2004 et 2016, le « volume d’années d’emprisonnement ferme prononcé a fortement augmenté passant de 66 100 à 87 300 années ». « En l’espace de vingt ans, les peines correctionnelles d’emprisonnement ont été multipliées par plus de deux, passant de 25 166 en 2000 à 53 862 en 2020. » « Le nombre de peines criminelles d’emprisonnement est demeuré assez stable, oscillant entre 8 306 et 7 843. On remarque toutefois que la part des peines de 20 à 30 ans a considérablement augmenté passant de 8,3 % des peines criminelles d’emprisonnement prononcées en 2000 à 25,9 % en 2020. »
Le rapport pointe donc à une sévérité accrue de la politique pénale, en particulier à l’allongement des peines, qui se traduit par une augmentation de la durée moyenne de détention : 7 mois en 2006, 8 mois et 6 jours en 2016 (et 11 mois et 2 jours en 2109 selon des données plus récentes). Curieusement, c’est aux très courtes peines qu’il consacre le paragraphe suivant, intitulé « d’importants efforts faits pour limiter la surpopulation carcérale : la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019 ». Cette loi prohibe les peines de prison d’une durée inférieure à 6 mois. Le rapport déplore, sans surprise, que les effets de ces efforts « sont encore peu visibles ».
À court terme, c’est un mécanisme de régulation carcérale qu’il faudrait mettre en place : pour chaque détenu arrivé en prison alors que le taux d’occupation est de 100%, il faudrait libérer un autre détenu en fin de peine. Le gouvernement, soucieux de ne pas heurter l’opinion publique et d’obtenir l’appui du parti Les Républicains pour le vote de la loi de programmation de la justice, s’y est opposé. Bien que membre du parti présidentiel, Caroline Abadie a cosigné une tribune dans la presse pour défendre ce mécanisme.
Il faudrait aussi mettre fin à l’illusion que l’allongement des peines encourues aurait un effet dissuasif certain sur les délinquants et criminels. L’abolition de la peine de mort n’a pas entraîné un accroissement du nombre d’homicides : ceux-ci sont sur une pente historiquement décroissante. Croit-on qu’en portant de 1 an à 3 ans la peine de prison encourue par les squatters (loi du 27 juillet 2023), on réduira le nombre de squats ? Les études montrent que ce n’est pas la peine encourue, mais la certitude d’être pris, qui a un effet dissuasif.
Aux Pays-Bas, selon les statistiques du ministère de la Justice, le taux de détention pour 100 000 habitants était de 98,8 en 2009, et de 58,4 en 2019. La moitié du taux en France. La philosophie est différente. Aux Pays-Bas, davantage de personnes entrent en prison : 244 pour 100 000 habitants, 117 en France en 2019. Mais ils y restent moins longtemps : 3,8 mois aux Pays-Bas, 11,2 mois en France. Et comme le taux d’occupation des prisons est faible, leur prise en charge dans les murs donne une vraie place à l’accompagnement personnel vers la réinsertion.