Délicieux

Dans « Délicieux », Éric Besnard raconte l’invention d’un lieu de gourmandise et de bouche ouvert à tous les citoyens, peu avant la Révolution française.

 Ancien boulanger, Pierre Manceron (Grégory Gadebois) est devenu un cuisinier surdoué, au service du Duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe). Lorsqu’à un aréopage poudré et perruqué il présente une mise en bouche à base de pomme de terre, c’est à qui trouvera la saillie la plus drôle pour le ridiculiser.

 Manceron se réfugie chez son père et jure de ne plus cuisiner. Mais il reçoit la visite d’une femme, Louise (Isabelle Carré), qui le supplie de la prendre comme apprentie. Qui est cette femme d’âge mûr, aux mains blanches et à la démarche altière ? Quel est son passé ? Que vient-elle chercher dans ce coin perdu du Cantal ?

La cuisine, comme la littérature ou la musique, était un art dont la consommation était réservée à la noblesse. On ne pouvait l’apprécier qu’entre soi, parmi des gens éduqués au bon goût. Manceron et son fils Benjamin (Lorenzo Lefebvre), lecteur de Rousseau et des philosophes des Lumières vont, soutenus et aiguillonnés par Louise, accumuler les transgressions.

 De la ferme familiale occasionnellement transformée en relais de poste, ils font un salon de gourmandise et de bouche. À la table des aristocrates, les convives mangeaient ensemble ; dans le salon de bouche, les tables seront séparées. Les plats étaient servis tous en même temps ; on écrira un menu, et on amènera successivement des amuse-gueules, une entrée, un plat et pour finir un dessert sucré. Le maître de maison invitait ; on paiera pour son repas, chaque plat étant tarifé. Seuls les nobles participaient au banquet, les roturiers servaient ; désormais, les hommes et les femmes du peuple seront bienvenus.

« Délicieux » est servi par un casting remarquable. Grégory Gadebois est émouvant dans son rôle de génie humilié, aussi fragile et vulnérable qu’il est solidement enraciné dans sa passion. Isabelle Carré, qui s’amuse d’être sans cesse qualifiée de lumineuse, joue un personnage courageux et obstiné, chargé de ressentiment et de haine. Benjamin Lavernhe joue à merveille le rôle de Chamfort, un vrai gastronome, mais surtout un homme empêtré dans ses préjugés d’aristocrate, sans comprendre qu’à l’été 1789, ses privilèges sont sur le point d’être abolis.

 On ressent parfois un manque de réalisme et de crédibilité : les convives de Chamfort sont excessivement ridicules ; on ne comprend pas comment un « restaurant » pourrait prospérer en pleine campagne, à l’écart d’une route fréquentée. Mais le spectateur passe un bon moment. Il faut ajouter que les paysages du Cantal sont sublimes, et la bande sonore de Christophe Julien excellente.

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