L’art de l’homélie est difficile. Quand le texte de l’Evangile surgit comme un torrent violent, la glose s’apparente souvent à de l’eau tiède.
Assistant à la messe dimanche dernier, j’ai entendu l’Evangile du jour avec l’étonnement d’un néophyte. Voici ce qu’il mettait dans la bouche de Jésus :
« En toute vérité, je vous le déclare : Au temps du prophète Élie, lorsque la sécheresse et la famine ont sévi pendant trois ans et demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie n’a été envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien à une veuve étrangère, de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; pourtant aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien. ».
Et l’Evangéliste poursuit : « À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. »
Voilà donc un homme qui annonce à ses coreligionnaires que c’est en-dehors de leur cercle pieux que les choses se passent, chez des étrangers, des impies. Voici ses coreligionnaires outrés au point de vouloir le lyncher. Et voici que cet homme, sans se laisser intimider, fend la foule et va son chemin.
On sait que l’accusation de blasphème et d’impiété valut à Jésus la peine capitale. Aujourd’hui, elle conduit à la destruction des mausolées de Tombouctou et à la tentative d’assassinat de la jeune pakistanaise Malaya Yousafzai, coupable de promouvoir l’éducation des filles.
Le Monde du 3 février relate que des Catholiques traditionnalistes sont jugés à Paris pour avoir perturbé à coups de sifflet et de boules puantes la pièce de Romeo Castellucci « sur le concept du visage du fils de Dieu » en octobre 2011. Il n’y a nul doute que Jésus de Nazareth, revenant aujourd’hui, se sentirait plus proche des comédiens et des artistes provocateurs que des dévots de Saint Nicolas du Chardonnet ; il n’y a nul doute que ceux-ci ne ménageraient pas leurs efforts pour le réduire au silence.
Dans la majorité des assemblées dominicales toutefois, la violence du conflit qui oppose Jésus aux pratiquants du culte est occultée. Il n’y a plus trace de préférence pour ceux du dehors aux dépens de ceux du dedans. L’homélie souligne la mission universelle du Christ. Le torrent de passion de l’Evangile se transforme en eau tiède.